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Comment la Panthère noire juive de l’univers Marvel est passée inaperçue

Des décennies après les débuts du personnage en 1966, le scénariste Christopher Priest avait créé un rebondissement dans l'intrigue que certains pourraient trouver surprenant

Kevin 'Kasper' Cole a temporairement succédé à T'Challa, la panthère noire originale. (Crédit : Marvel Comics via JTA)
Kevin 'Kasper' Cole a temporairement succédé à T'Challa, la panthère noire originale. (Crédit : Marvel Comics via JTA)

JTA — Comme certains fans de baseball juifs, de nombreux lecteurs passionnés de bande-dessinée juive conservent la liste des héros juifs qui ont fait leur apparition dans les « ligues majeures » du monde de la BD : Marvel, DC et certains titres issus de maisons d’édition indépendantes.

Un grand nombre d’amateurs connaissent une poignée de personnages juifs qui sont souvent évoqués : The Thing (la chose), dont la bar-mitzvah à l’âge adulte et le mariage juif ont été des intrigues majeures ; Kitty Pryde, personnage de X-Men arborant l’étoile de David ; la Batwoman Kate Kane, qui n’aura fait qu’une apparition et Harley Quinn, le méchant que tout le monde adore détester, pour n’en nommer que quelques-uns. Moon Knight est récemment devenu le tout premier personnage ouvertement juif de l’univers du cinéma Marvel, avec sa propre émission sur Disney+ avec Oscar Isaac en tête d’affiche.

Il y a toutefois quelque chose que de nombreux lecteurs ignorent : C’est que pendant une brève période, il y a très exactement vingt ans, le personnage le plus ouvertement juif de tous les super-héros mainstream était T’Challa, alias la Panthère noire.

Le personnage original de la Panthère noire avait fait sa toute première apparition dans l’univers Marvel pendant l’été 1986, quelques mois avant le lancement du parti politique éponyme de Bobby Seale et de Huey Newton – c’était une coïncidence. Comme Superman, Batman, Spider-Man et Captain America, le premier super-héros noir avait été créé par des légendes juives de la bande dessinée et dans ce cas précis, par Jack Kirby (né Jacob Kurtzberg) et par Stan Lee (né Stanley Lieber).

La Panthère noire avait fait son entrée via le comic book « Fantastic Four » et elle est connue sous le nom de T’Challa, le roi et le protecteur de la nation africaine fictive de Wakanda, une société très avancée au niveau technologique et cachée du monde. T’Challa possédait des capacités surhumaines, des aptitudes au combat et à la high-tech inégalables et il était considéré comme l’un des hommes les plus brillants de la Terre. Le personnage et ses intrigues exploraient alors les termes de l’identité, de l’héritage et des responsabilités qui accompagnent le pouvoir.

A l’époque de sa création, le portrait fort, positif, d’un super-héros africain qui venait défier les préjugés avait marqué un tournant majeur dans la représentation de la diversité dans l’industrie de la bande-dessinée. L’impact de la Panthère noire avait été énorme et le personnage aura été pour des générations de lecteurs le symbole durable de l’émancipation et de la fierté afro-américaine.

Revenons maintenant à la fin de l’année 2002, plusieurs décennies après le lancement du personnage – une époque où le scénariste de BD Christopher Priest était en train de terminer une série mensuelle de 60 albums consacrée au super-héros. Priest devait être le premier afro-américain à travailler à plein-temps dans les deux principaux studios Marvel, et sa réinvention révolutionnaire du personnage devait servir de source d’inspiration pour les deux blockbusters qui ont été très applaudis dans les salles de cinéma, ces dernières années.

Dans les dix derniers titres de la série « Panthère noire », l’histoire prend une tournure surprenante. T’Challa a disparu et il est présumé mort. A sa place, une nouvelle Panthère noire apparaît mystérieusement sur la scène : c’est Kevin « Kasper » Cole, agent spécialisé dans les délits liés aux stupéfiants au sein du Bureau de contrôle du crime organisé de la police de New York.

La père de Cole est né en Ouganda mais Kevin vit dans un appartement minuscule de Harlem en compagnie de sa conjointe coréenne, Gwen, et de sa mère juive, Ruth. Kevin est connu sous le nom de « Kasper » – d’après le petit fantôme célèbre – parce que, comme il le dit :

Il était une fois le plus grand policier à avoir jamais existé. Un guerrier noble et fier, un homme redouté et respecté. Jonathan Payton Cole. ‘Jack’ Cole. On l’appelait ‘Black’ Jack, parce qu’il était ténébreux. Comme on appelait son fils ‘Kasper’, parce qu’il était très lumineux.

Priest avait créé Ruth à partir du personnage de la mère de « Everybody loves Raymond », qui était interprétée par l’actrice juive Doris Roberts.

Cole, à l’origine, « emprunte » le costume de la Panthère noire dans la maison de son patron, le sergent Tork, un allié de T’Challa qui a été chargé de conserver le vêtement. Les motivations de Cole ne sont pas réellement altruistes, comme l’avait écrit Priest sur son blog à ce moment-là : « Kasper veut porter le costume de manière à ne pas être reconnu par les bons ou les méchants alors qu’il se prépare à nettoyer son bureau, pour obtenir une promotion de détective dans le but d’avoir suffisamment d’argent pour épouser sa compagne enceinte et déménager de Harlem avec toute sa famille ».

Mais ce qui commence comme une initiative sans grande importance se transforme bientôt en épopée héroïque. Lorsque Cole est percé à jour par le demi-frère de T’challa, Hunter – Le Loup Blanc pour les initiés – qui était aussi le rival de longue date du super-héros, il forme Cole et devient son mentor avec pour objectif de nuire à T’Challa, qui est réapparu à New York City. Et l’intrigue devient rapidement, comme le dit Priest, « une guerre entre la Panthère noire (T’Challa) et la panthère blanche (Hunter) dont l’enjeu est l’âme de ce jeune homme ».

L’histoire ne s’arrête pas là : Cole décide de se faire accepter au sein de la nation de Wakanda en tant que Panthère noire en endurant des rites d’initiations rigoureux et il bénéficie vite là-dedans du soutien d’Erik Killmonger (le méchant du film  » Black Panther »). Killmonger offre à Cole une version synthétique d’une herbe en forme de cœur, lui accordant des pouvoirs comparables à ceux de T’Challa. La série se termine lorsque Cole consent à devenir un acolyte du dieu panthère, Bast, au lieu de se contenter d’être son simple imitateur. Il gagne un nouveau titre, « Le Tigre Blanc », devenant ainsi le deuxième héros juif de l’univers Marvel, après Moon Knight, à être vêtu de blanc et à se mettre au service du bon plaisir d’une déité africaine.

Pendant toute la série, le judaïsme de Cole est loin d’être marginal. Priest donne de nombreux exemples attestant d’une forte identité juive : il rêve de la bar-mitzvah de son fils qui n’est pas encore né (et il y aura du Bulgogi et des côtelettes). Il donne une kippa et il récite une prière en hébreu sur la tombe du sergent Tork, son ami et ancien patron assassiné. Même Erik Killmonger fait référence à l’identité juive de Cole pour expliquer pourquoi Cole s’identifie aux opprimés. Cole mentionne aussi avec fierté son identité juive auprès de plusieurs personnages à la fois dans « Black Panther » et dans la courte série de Priest qui avait suivi, « The Crew ».

Kevin ‘Kasper’ Cole était le fils d’un père africain non-juif et d’une mère juive américaine. (Crédit :Marvel Comics via JTA)

(Priest avait, à l’origine, envisagé que « The Crew » englobe un groupe très diversifié – finalement, les héros devaient être majoritairement des Afro-américains. Il devait ne pas y avoir seulement Cole mais aussi Avenger, qui devait ne faire qu’une seule apparition, et le New Warrior, Vance Astrovik, alias Justice. Ce qui aurait impliqué la présence sans précédent de deux super-héros juifs dans une seule équipe).

Priest avait décidé que Cole serait un personnage juif parce que lui-même dit très bien connaître la communauté. Il avait fréquenté une école primaire dans un quartier juif de New York City où, avait-il écrit, « je n’ai jamais ressenti ne serait-ce qu’un sentiment de racisme à mon encontre… Si j’étais fâché contre un autre petit garçon, cela pouvait être pour n’importe quelle raison, mais la race n’y jouait absolument aucun rôle… Au moins la moitié de mes amis étaient blancs. Et jusqu’à la fin du collège, ma petite amie était une Juive blanche. »

Christopher Priest, scénariste de Marvel, avait créé une Black Panther juive en 2002. (Capture d’écran : YouTube screenshot/ used in accordance with Clause 27a of the Copyright Law)

Fabrice Sapolsky, directeur-général et fondateur de FairSquare Comics — qui a pour objectif « de promouvoir et de donner plus de visibilité aux immigrants, aux minorités et aux créateurs du monde entier sous-représentés » – espère que Cole ne sera pas le dernier personnage de Comics à représenter une certaine idée de l’ethnicité juive qui va au-delà « du trope narratif ashkénaze ».

« L’émergence de ce type d’histoire arrive au bon moment », commente Sapolsky, qui a récemment publié un livre dont la héroïne est une protagoniste juive asiatique. Il indique qu’il va aussi bientôt publier un album dont l’héroïne est une Afro-américaine juive.

L’histoire de Cole a continué dans une nouvelle série écrite par Ta-Nehisi Coates, plus d’une dizaine d’années après sa toute première apparition (ou un ou deux ans dans « l’univers Marvel »). Dans le récit de Coates, T’Challa réussit à convaincre Cole de prendre sa retraite de super-héros et de partir vivre à Wakanda. T’Challa offre de le former et de l’équiper – non plus en tant que Panthère noire ou que Tigre Blanc, mais en tant que nouveau héros simplement connu sous le nom de Kevin Cole. Dans les albums les plus récents, il défend Wakanda aux côtés d’un véritable Who’s who des super héros afro-américains Marvel.

« L’une des premières directives a toujours été, dans l’univers Marvel, de créer des personnages qui ressemblent au monde, qui ressemblent à ceux que nous connaissons, à ceux qui évoluent autour de nous », explique Mike Marts, qui a édité la série « Black Panther » de Priest, en évoquant la représentation révolutionnaire d’un super-héros juif et afro-américain. « Alors rendre Kevin à moitié juif a été probablement le résultat de la collaboration entre Marvel et Priest… une collaboration lancée pour créer un personnage avec lequel nos lecteurs sont susceptibles de s’identifier, dans lequel ils se retrouvent ».

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