Comment les conclusions de l’enquête sur la catastrophe du mont Meron bénéficient à Netanyahu
Dans des circonstances normales, un Premier ministre incriminé dans la mort de 45 personnes serait parti - mais pas celui-là
Les graves accusations lancées à l’encontre de Netanyahu – le Premier ministre aurait ainsi été dans l’incapacité de garantir la sécurité dans les communautés frontalières de la bande de Gaza et sa prise en charge de la guerre contre le Hamas serait mauvaise – jouent, en définitive, à son avantage s’agissant des conclusions d’une commission d’enquête d’État qui a estimé qu’il était responsable de la catastrophe arrivée lors du pèlerinage de Lag BaOmer sur le mont Meron, en 2021.
Le rapport final qui a été établi par la commission, et qui a été rendu public mercredi, déclare que Netanyahu est « personnellement responsable » du désastre survenu sur le mont Meron – s’abstenant toutefois de recommander une sanction quelconque à l’encontre du Premier ministre en raison de son statut de responsable élu.
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Sur les 18 responsables qui, a averti la commission, seront touchés directement par les conclusions de l’enquête, presque tous ont vu leur responsabilité personnelle engagée.
Le rapport conseille ainsi de ne plus nommer au poste de ministre de la Sécurité intérieure l’homme qui occupait cette fonction au moment de la catastrophe de Meron, à savoir Amir Ohana, l’actuel président de la Knesset.
Il recommande aussi le départ du Commissaire de la police israélienne Kobi Shabtai. Néanmoins, compte-tenu des complications induites par l’état de guerre, la Commission confie au gouvernement le soin de déterminer la date de la fin du mandat de Shabtai.
Il est facile de présumer que Netanyahu ne partira pas.
Après ne pas avoir démissionné lorsqu’il a été mis en examen pour corruption ou lorsqu’il s’est soustrait à ses responsabilités lors de l’incendie du mont Carmel, en 2010 et, une fois encore, alors qu’il a n’a pas jugé utile de présenter sa démission suite au massacre du 7 octobre – une attaque dont il refuse même d’assumer la moindre responsabilité – il y a fort à parier qu’il ne va pas le faire maintenant.
Soyons clairs : dans une situation normale, un Premier ministre dont la responsabilité personnelle a été établie dans la mort de 45 personnes, à l’occasion de la pire catastrophe civile de toute l’Histoire moderne d’un pays, devrait prendre ses affaires et rentrer chez lui, dévoré par la honte. Toutefois, le scénario le plus probable est que rien ne changera.
Ce qui, à son tour, renforce singulièrement une hypothèse : celle que si Netanyahu est encore au pouvoir lorsqu’une Commission d’État chargée d’enquêter sur le massacre du 7 octobre publiera ses recommandations, il les ignorera de la même manière. Ce rapport pourrait même redynamiser le soutien de la part de sa base politique, qui verra en lui l’image d’un homme faisant preuve de détermination et de fermeté face à des dossiers ostensiblement montés de toutes pièces par le système judiciaire – un système judiciaire dont la Commission du mont Meron, selon sa logique retorse, fait dorénavant partie intégrante.
Il semble que les membres de la Commission aient eu parfaitement conscience de tout cela. Les parties du rapport qui traitent de Netanyahu reflètent l’idée préconçue que, quoi qu’il arrive, le Premier ministre ignorera tout des conclusions tirées, sauf l’essentiel : il ne comporte pas de recommandation poussant Netanyahu à donner sa démission.
Ce n’est pas un hasard si le rapport semble augurer le débat qui ne manquera pas d’avoir lieu sur la responsabilité personnelle de Netanyahu dans l’attaque du 7 octobre et dans la guerre avec le Hamas qui a suivi. La Commission aurait pu l’intituler : « Vous êtes le leader. Vous êtes responsable » – parce que c’est très exactement ce que dit le rapport lorsqu’il explique, avec force détails, sur de nombreuses pages, ce qui signifie réellement « la responsabilité personnelle ».
Voici un extrait de l’une de ces nombreuses pages – un extrait qui est déjà apparu dans des rapports antérieurs et qui apparaîtra très probablement dans le cadre d’un rapport établi par une future Commission d’enquête qui sera chargée de lancer des investigations sur la guerre à Gaza :
« La responsabilité est une valeur fondamentale dans le caractère propre d’un responsable public. C’est une image sombre de la responsabilité qui nous a été présentée. Toute personnalité élue à un poste de responsable public endosse une responsabilité à l’égard de son électorat – du public tout entier. La responsabilité d’un fonctionnaire émane du consentement implicite qui est le sien lorsqu’il accepte d’occuper son poste. En acceptant le pouvoir qui vient avec la responsabilité publique, les fonctionnaires acceptent d’assumer la responsabilité des leurs actions ».
Le rapport ajoute que « notre conclusion est qu’il y a une base raisonnable permettant de conclure que Netanyahu savait que le site où se trouve le tombeau de Rashbi n’était pas géré de manière appropriée depuis des années et qu’il présentait donc un danger pour les foules qui se rendaient sur le site, en particulier à l’occasion de la fête de Lag BaOmer. Même si, à des fins d’extrême prudence, nous partons du principe que Netanyahu n’avait pas une connaissance concrète du sujet, il devait toutefois être informé du danger présenté par le site après que la question a été soulevée auprès de son Bureau à de nombreuses reprises ».
En conséquence, continue la Commission dans son rapport, « l’affirmation faite par Netanyahu, qui a dit qu’il n’avait pas été sollicité [par ceux qui l’avaient averti avec vigueur d’une catastrophe possible] ne saurait être acceptée ».
Netanyahu savait et il n’a rien fait. Et à cause de cela, conclut le rapport, « nous en sommes arrivés à la conclusion générale que le Premier ministre assume une responsabilité personnelle dans ce désastre, conformément aux constations qui ont été évoquées ».
Et pourtant, en ce qui concerne d’éventuelles conséquences, la Commission fait un pas en arrière :
« Nous avons décidé de ne pas émettre de recommandation dans le cas de Netanyahu. La fonction de Premier ministre est celle d’un élu avec des caractéristiques uniques et donc, nous ne ferons aucune recommandation dans ce cas », se contente-t-elle de dire.
Une interprétation de cette phrase pourrait être que la commission blanchit le Premier ministre de toute responsabilité opérationnelle dans la catastrophe : Netanyahu est responsable mais, en fin de compte, il reviendra au public de juger les choses.
Cette phrase peut aussi vouloir dire que la commission croit, sans équivoque, que Netanyahu doit démissionner ou que le système politique doit se charger de le faire partir – s’attendant toutefois à ce que les acteurs, dans la sphère politique et dans la sphère publique, le comprennent sans le dire de manière explicite.
Il y a quatre décennies, la commission Kahan – une commission d’État chargée d’examiner le massacre des camps de réfugiés de Sabra et Shatila à Beyrouth, en 1982 – avait établi que le Premier ministre de l’époque, Menachem Begin, assumait « une responsabilité personnelle » dans ce qui s’était passé.
« Nous ne voyons aucune raison d’exempter le Premier ministre de ses responsabilités pour ne pas avoir manifesté, au cours de la réunion du cabinet ou après, un intérêt à l’égard des actions des Phalangistes dans les camps », avait écrit la Commission. « Le manque d’implication du Premier ministre, dans ce dossier tout entier, révèle un certain degré de responsabilité de sa part ».
Néanmoins, la commission Kahan s’était abstenue d’émettre des recommandations concernant Begin au vu du degré significatif de responsabilités qui lui étaient imposées. « Nous pensons qu’il est suffisant de déterminer qu’il a été responsable et qu’il n’est pas nécessaire de faire de recommandation supplémentaire », avait écrit la Commission.
Toutefois, quand Begin avait reçu le rapport, il avait déclaré : « Je pense qu’il faut que je démissionne ». Le ministre de la Justice de l’époque, Moshe Nissim, et son secrétaire de cabinet l’en avaient finalement dissuadé.
Et il est légitime de présumer que ce n’est absolument pas la même idée qui a traversé l’esprit de Netanyahu lorsqu’il a reçu le rapport établi par la Commission d’enquête sur la catastrophe du mont Meron.
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