Conscription des Haredim : Baharav-Miara accusée de « coup d’État administratif »
Le secrétaire du cabinet, courroucé, s'est adressé à la Haute Cour suite aux critiques de la procureure générale sur le recours des ministres à des avocats privés dans l'affaire des yeshivot
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le secrétaire du cabinet Yossi Fuchs a accusé jeudi la procureure générale Gali Baharav-Miara, dans une lettre adressée à la Haute Cour de justice, d’avoir commis un « coup d’État administratif » dans sa gestion de la position du gouvernement sur les requêtes exigeant la conscription des étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot.
Les propos de Fuchs interviennent après les critiques formulées mercredi par le bureau du procureur général à l’encontre du gouvernement pour avoir pris la décision unilatérale d’autoriser le ministère de la Défense, le ministère de l’Éducation et l’armée israélienne à recourir aux services d’un avocat privé devant la Haute Cour pour défendre la position du gouvernement, selon laquelle celui-ci peut continuer à financer les yeshivot ultra-orthodoxes et ne pas procéder à la conscription des étudiants de ces yeshivot, une position qui va directement à l’encontre de celle de la procureure générale.
« La procureure générale est en train de mener un coup d’État administratif injustifié et sans précédent en Israël et dans n’importe quel autre pays du monde », a écrit Fuchs dans sa note à la Haute Cour, rapportée par les médias israéliens.
Fuchs a accusé le bureau du procureur général d’essayer de se substituer au gouvernement et de séparer injustement le gouvernement de ses ministères en autorisant le gouvernement à recourir à un avocat privé dans le cadre des requêtes relatives à la conscription des haredim et au financement des yeshivot, mais en n’accordant pas le même droit aux ministères qui mettent en œuvre ces politiques.
Mercredi, le procureur général adjoint Gil Limon a déclaré que la tentative du gouvernement d’obtenir un avocat privé pour ces agences visait à contourner la position de la procureure générale sur la nécessité de suspendre le financement des yeshivot et de veiller à ce que les hommes ultra-orthodoxes soient enrôlés dans l’armée, une fois que le cadre juridique pour la mise en œuvre des politiques précédentes aura expiré.
Dans une réponse à la lettre de Fuchs, le ministre de la Guerre et chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, s’est montré très ferme, déclarant que « le secrétaire du cabinet doit certainement savoir que dans l’État d’Israël, le gouvernement n’est pas au-dessus de la loi, et ne le sera jamais ».

Gantz s’est également pris au Premier ministre Benjamin Netanyahu pour ses efforts visant à maintenir le financement des yeshivot harediot et à ne pas enrôler les hommes haredim dans l’armée, affirmant qu’il était persuadé que la Cour n’accepterait pas la position du gouvernement « que le Premier ministre dirige [et] qui ne témoigne d’aucune responsabilité nationale. »
Gantz a ajouté que « tout cela est dû à la nécessité politique de mettre en place une loi d’évasion qui nuira à la sécurité nationale et à la capacité de résilience en temps de guerre ».
La loi permettant des exemptions générales de service militaire pour les étudiants de yeshivot harediot a expiré en juin 2023, et une résolution du gouvernement ordonnant à Tsahal de ne pas exiger leur conscription a expiré le 1er avril.
Le 28 mars, la Haute Cour de justice a rendu une ordonnance provisoire stipulant que le financement par l’État des yeshivot haredies pour les étudiants qui seraient obligés de s’enrôler devait être gelé et qu’il n’existait plus de cadre juridique permettant de ne pas enrôler les hommes haredim éligibles au sein de Tsahal.
Cette décision a posé un énorme problème politique à Netanyahu et à sa coalition, car, sans les partis ultra-orthodoxes pour lesquels les exemptions générales du service militaire et le financement des yeshivot sont des priorités essentielles, il perdrait sa majorité.
La procureure générale est fermement opposée à la position du gouvernement qui souhaite poursuivre ses politiques antérieures pendant la période intérimaire jusqu’à ce qu’une nouvelle législation soit adoptée. Elle l’a décrite comme n’ayant aucune base juridique puisque le cadre juridique qui autorisait auparavant ces politiques n’existe plus. Elle a néanmoins autorisé le gouvernement dans son ensemble à engager un conseiller juridique privé pour présenter cette position à la Haute Cour de justice.
Dans une lettre datée du 21 avril, Limon a informé le gouvernement que si Baharav-Miara avait approuvé la demande du gouvernement d’engager un avocat privé, cette approbation ne s’étendait pas au ministère de la Défense, au ministère de l’Éducation ni à Tsahal, qui, selon lui, devraient se faire représenter par le bureau de la procureure générale, comme c’est habituellement le cas.
Mardi, le gouvernement a approuvé la décision 1724 par le biais d’un mécanisme administratif rarement utilisé, empêchant par là même le bureau du procureur général d’avoir voix au chapitre.
Mercredi, Limon a écrit une lettre courroucée au gouvernement, affirmant que la décision « dénaturait » la décision de Baharav-Miara qui autorisait le gouvernement à recourir à une représentation privée.

L’ex-procureur général Avichai Mandelblit s’est également exprimé jeudi, et a accusé le gouvernement de tenter de mener un « coup d’État ».
Il a ajouté que cette mesure « éliminait » le système de conseil juridique de l’État et la protection qu’il offrait à l’État de droit, et qu’elle permettrait au gouvernement d’ignorer les conseils juridiques de ce système – et ceux du procureur général à son sommet – qui constituent un élément clé de la législation israélienne depuis des dizaines d’années.
Guy Lurie, de l’Institut israélien de la démocratie, a expliqué qu’en étendant les conseils juridiques privés aux ministères concernés et à Tsahal, qui s’occupent de la conscription des citoyens dans l’armée et du financement des yeshivot, le gouvernement a essentiellement déclaré que la position adoptée par la procureure générale ne reflétait pas la loi pour ces organismes.
Par conséquent, ils pourraient désormais se considérer comme libres de continuer à adhérer aux politiques du gouvernement si le conseiller privé de ce dernier les considère comme légitimes.