Coran brûlé en Suède: Washington évoque un acte « répugnant »
La grande Mosquée de Paris a "condamné" lundi l'autodafé et le chef de l'OTAN à demandé à Ankara de ne pas bloquer l'adhésion de la Suède à l'organisation politico-militaire
Les Etats-Unis ont jugé lundi « répugnant » l’acte d’un militant d’extrême droite suédois qui a brûlé un exemplaire du Coran devant l’ambassade de Turquie à Stockholm, parlant d’une volonté « délibérée » d’entraver les discussions sur l’élargissement de l’Otan au pays nordique et son voisin finlandais.
« Brûler des livres qui sont sacrés pour beaucoup est un acte profondément irrespectueux. C’est répugnant », a affirmé à des journalistes le porte-parole du département d’Etat, Ned Price.
Evoquant un acte de « provocation », le responsable a suggéré qu’il s’agissait d’une volonté « délibérée d’influer sur les discussions en cours sur l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan » et d' »affaiblir » l’unité transatlantique.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré lundi que la Suède ne pouvait plus compter sur le « soutien » d’Ankara.
Le porte-parole américain s’est refusé à commenter les propos de M. Erdogan et réitéré le soutien des Etats-Unis à l’adhésion des deux pays à l’Alliance atlantique.
La grande Mosquée de Paris a « condamné » lundi l’autodafé d’un Coran lors d’une manifestation à Stockholm, qualifiant cet acte de « malveillance gratuite ayant pour but d’inciter à la haine contre les musulmans d’Europe ».
Un acte totalement condamnable : cet individu brûle le Coran! Ce n'est pas de la liberté, mais de la provocation extrémiste. Les extrêmes nourrissent les extrêmes https://t.co/sbYmewuup5
— IMAM CHALGHOUMI (@Imam1chalghoumi) January 22, 2023
« La Grande Mosquée de Paris déplore et condamne avec force ces actes », écrit dans un communiqué le recteur Chems-eddine Hafiz, qui demande aux autorités suédoises d' »agir contre ce type d’acte ».
« Nous ne pouvons nous résoudre à banaliser les actes d’intolérance et de haine de l’Autre », ajoute-t-il.
Dimanche, le Premier ministre suédois a déploré un « acte profondément irrespectueux », exprimant sa « sympathie » aux croyants, après plusieurs protestations dans le monde musulman.
Samedi après-midi, dans le cadre d’une manifestation autorisée par la police suédoise à proximité de l’ambassade de Turquie, l’extrémiste de droite suédo-danois Rasmus Paludan a brûlé un exemplaire du Coran, provoquant la colère d’Ankara.
La police suédoise avait estimé vendredi que la Constitution et les libertés de manifestation et d’expression en Suède ne justifiaient pas l’interdiction de cette manifestation au nom de l’ordre public.
Adhésion à l’OTAN
L’autorisation donnée à la manifestation anti-islam a suscité un incident diplomatique avec la Turquie, qui a dénoncé un « crime de haine manifeste » et annulé la visite d’un ministre suédois prévue la semaine prochaine, compliquant encore plus les discussions autour de l’adhésion suédoise à l’Otan, bloquée par Ankara.
Le secrétaire général de l’Otan a fustigé lundi l’attitude du président turc.
Dans un entretien à la télévision allemande Die Welt, retranscrit dans un communiqué en allemand par la chaîne, le Norvégien Jens Stoltenberg a condamné la position de Recep Tayyip Erdogan à propos de la Suède.
« La liberté d’expression, la liberté d’opinion est un bien précieux, en Suède et dans tous les autres pays de l’OTAN. Et c’est pourquoi ces actes inappropriés ne sont pas automatiquement illégaux », a-t-il déclaré.
« Le gouvernement suédois a condamné (cette manifestation) en des termes très clairs », a rappelé M. Stoltenberg dans son entretien à Die Welt.
Lundi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a vivement réagi, déclarant que la Suède, candidate à l’adhésion à l’Otan, ne pouvait plus compter sur le « soutien » d’Ankara après cet autodafé.
M. Stoltenberg a affirmé être « absolument contre ce genre d’insultes envers d’autres personnes », et « être absolument contre ce comportement que nous avons vu dans les rues de Stockholm ».
La Turquie bloque depuis mai l’entrée de la Suède – et celle de la Finlande – dans l’Otan en leur reprochant d’héberger des militants et sympathisants kurdes qu’elle traite de « terroristes », notamment ceux du PKK et ses alliés dans le nord de la Syrie et en Irak.
Pour Ankara, tout progrès éventuel dépend des initiatives suédoises pour extrader des personnes accusées de terrorisme par la Turquie ou d’avoir pris part à la tentative de coup d’Etat de 2016 contre M. Erdogan.
M. Stoltenberg a malgré ce contexte estimé que la Turquie s’était jusqu’à présent montrée assez coopérative dans le débat sur l’adhésion à l’OTAN.
La ratification des protocoles d’adhésion ne doit maintenant pas échouer dans les derniers mètres. « Je suis en contact étroit avec la Finlande et la Suède, et bien sûr aussi avec notre allié, la Turquie », a-t-il ajouté.
Selon lui, 28 des 30 pays de l’OTAN ont déjà donné leur accord dans leurs parlements nationaux. « Et je demande bien sûr aussi aux alliés restants – la Hongrie et la Turquie – d’accélérer ces procédures dans leurs parlements », a-t-il conclu.