« Courrier international » retire son prix au dessinateur accusé d’antisémitisme
Le journal et la ville de Strasbourg, organisateurs du prix, ont considéré que "Gargalo ne mérite plus de se prévaloir d’un Prix qui promeut des valeurs qu’il a transgressées"
Une polémique a éclaté ces derniers jours suite à la remise en novembre dernier par le journal Courrier international en association avec la ville de Strasbourg du prix « Plumes libres pour la démocratie » au dessinateur de presse portugais Vasco Gargalo. Ce dernier avait été accusé d’antisémitisme par Philippe Meyer, président du B’nai B’rith France, dans un tweet publié vendredi dernier.
Le journal a finalement annoncé mardi le retrait de son prix à Vasco Gargalo, condamnant « fermement » ses dessins. La municipalité et l’hebdomadaire ont indiqué dans un communiqué commun qu’ils « venaient de découvrir » les dessins, « et notamment celui caricaturant Benjamin Netanyahu ‘enterrant’ les Palestiniens dans un four crématoire, surmonté de la sinistre inscription d’Auschwitz ‘Arbeit macht frei’ », a rapporté le journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Ils ont ainsi vivement condamné cet « amalgame odieux consistant à utiliser la représentation de la Shoah pour illustrer la politique du gouvernement israélien ». « Il va sans dire que si [nous avions] eu connaissance [de ces] productions antisémites, aucun de ces dessins n’aurait fait l’objet d’une publication ou d’une participation à un prix », était-il ajouté.
Ils ont considéré « que Vasco Gargalo ne mérite plus de se prévaloir d’un Prix qui promeut ces mêmes valeurs, qu’il a transgressées », à savoir celles « des droits de l’homme et de la démocratie ».
Malgré l’annonce, Vasco Gargalo restait toujours lauréat ce mercredi matin sur le site du prix « Plumes libres ».
« Le B’nai B’rith France prend acte du communiqué de la ville de Strasbourg et [de] Courrier international, condamnant les dessins antisémites de Vasco Gargalo à qui ils avaient décerné un prix dont ils considèrent qu’il ne peut plus se prévaloir », a réagi sur Twitter Philippe Meyer.
Le @BnaiBrithFrance prend acte du communiqué de la ville @strasbourg et @courrierinter, condamnant les dessins #antisémites de @vascogargalo à qui ils avaient décerné un prix dont ils considèrent qu’il ne peut plus se prévaloir. @Roland_Ries @ArnaudAubron https://t.co/qDrYN54wXo
— Philippe Meyer (@philippemeyer92) February 4, 2020
Gargalo n’a pas réagi à la polémique. Il avait été récompensé par le prix du public du meilleur dessin de presse pour un dessin sur l’assassinat d’une élue brésilienne.
« Comment le dessinateur portugais Vasco Gargalo, auteur de dessins antisémites et participant au sinistre concours de caricatures en Iran, a-t-il pu obtenir en 2019 de Courrier international et Strasbourg le prix ‘Plumes libres pour la démocratie’ ? Aberration, provocation, infamie », avait écrit vendredi Philippe Meyer.
Comment le dessinateur portugais @vascogargalo, auteur de dessins antisémites et participant au sinistre concours de caricatures en #Iran, a-t-il pu obtenir en 2019 de @courrierinter et @strasbourg le prix Plumes libres pour la démocratie ? Aberration, provocation, infamie. pic.twitter.com/x5Rd5HW6Xy
— Philippe Meyer (@philippemeyer92) January 31, 2020
Lundi soir, s’adressant au maire de Strasbourg et au président du directoire de Courrier international, il avait ajouté sur Twitter : « L’indifférence est complice du pire. Face à cette faute morale, ce retrait est urgent. »
Mais qu’attendent la ville @strasbourg et @courrierinter pour retirer leur « prix de la démocratie » attribué à @vascogargalo un dessinateur aux relents antisémites ? L’indifférence est complice du pire. Face à cette faute morale, ce retrait est urgent. @Roland_Ries @ArnaudAubron pic.twitter.com/cyZ0v68sjU
— Philippe Meyer (@philippemeyer92) February 3, 2020
Outre le dessin de Benjamin Netanyahu, représenté avec les caractéristiques types de la caricature antisémite historique du Juif, plaçant un cercueil recouvert du drapeau palestinien dans un four crématoire surmonté de la phrase du camp d’Auschwitz « Arbeit Macht Frei », plusieurs autres étaient visés par ces accusations d’antisémitisme.
Commentant la crise politique en Israël, Vasco Gargalo avait notamment illustré à nouveau en novembre dernier le Premier ministre israélien telle une araignée autour de l’étoile de David, les mains portant des liasses de dollars.
D’autres dessins encore montrent un missile formant l’étoile de David, ou la chanteuse Netta portant des drapeaux américain et israélien être mise à feu par des militants palestiniens.
Organisée à Strasbourg dans le cadre du off du Forum mondial de la démocratie, la première édition du prix « Plumes libres pour la démocratie » visait à « récompenser les activités journalistiques des médias internationaux qui défendent les valeurs démocratiques », avance le communiqué de l’évènement.
Le jury était présidé par Marjane Satrapi, auteure de bande dessinée et réalisatrice (Persépolis) franco-iranienne. Il était composé de Nawel Raik-Elmrini et Françoise Buffet, adjointes au maire de Strasbourg ; Anaïs Ginori, journaliste et écrivaine, correspondante à Paris du quotidien italien La Repubblica ; Yannick Lefrançois, illustrateur et dessinateur de presse, auteur d’À plat Geiss ! ; Claude Lapointe, illustrateur et enseignant, fondateur de l’atelier d’illustration de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg ; Christos Giakoumopoulos, directeur général des droits de l’homme et de l’État de droit au Conseil de l’Europe ; Nicolas Vadot, dessinateur de presse, auteur de bande dessinée et membre de Cartooning for Peace ; Claire Carrard, directrice de la rédaction de Courrier international ; et Luc Briand, chef du service iconographie de Courrier international.
Les dessins de Vasco Gargalo sont publiés dans différents journaux et magazines, tels que Sábado, Journal I, De Groene Amsterdammer, Público et Le Temps.