Cyberattaque de l’aciérie iranienne : Israël accusé, Gantz ordonne une enquête
Le ministre de la Défense a déclaré que les récentes fuites violaient la "politique volontairement ambiguë" d’Israël
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Le ministre de la Défense Benny Gantz a ordonné jeudi au département de la sécurité de son ministère de mener une enquête sur de récentes fuites dans les médias, dommageables à la « politique d’ambiguïté » d’Israël. Ces derniers jours, la télévision a laissé entendre qu’une unité du renseignement militaire était responsable d’une cyberattaque en Iran.
Les Douzième et Treizième chaînes et le radiodiffuseur public Kan ont indiqué que le chef d’état-major de l’armée israélienne, Aviv Kohavi, s’était récemment rendu au siège de l’unité de renseignement 8200 et avait visionné une vidéo montrant les conséquences de la cyberattaque de lundi, qui a contraint la société d’État iranienne Khuzestan Steel Co. à stopper sa production.
L’impressionnante vidéo, diffusée par ces chaînes, donne à voir le violent incendie qui embrase l’usine et entendre des personnes qui appellent à l’aide.
En se rendant à l’unité 8200, Kohavi a « probablement » félicité ses membres pour « des incidents » attribués à Israël, a déclaré le correspondant militaire de la Douzième chaîne, Nir Dvori.
Dans un tweet publié après la cyberattaque, Or Heller, de la Treizième chaîne, a déclaré « qu’il y avait beaucoup d’yeux rouges » au siège de 8200.
Israël a pour habitude d’entretenir une politique d’ambiguïté concernant ses opérations contre l’Iran.
https://twitter.com/2142_dk/status/1542007851526283264
En légère rupture avec la tradition, l’ex-Premier ministre Naftali Bennett a évoqué à plusieurs reprises, sur fond d’assassinat de plusieurs hauts responsables du régime en Iran, ce qu’il a qualifié de « doctrine de la pieuvre », consistant à frapper l’Iran au cœur, plutôt que ses « tentacules ».
Toutefois, Bennett n’a jamais confirmé un incident en particulier.
Gantz a ordonné au directeur de la sécurité du ministère de la Défense, une unité de contrôle interne connue en hébreu sous le nom de Malmab, d’enquêter sur « les fuites récentes de discussions à huis clos… ainsi que des fuites d’événements opérationnels, d’une manière qui viole la politique d’ambiguïté d’Israël », a déclaré son cabinet dans un communiqué.
L’enquête fait également suite à une information selon laquelle des officiers supérieurs du renseignement auraient été en désaccord avec Kohavi et l’agence d’espionnage du Mossad sur la position à tenir dans l’accord nucléaire iranien. Gantz s’était exprimé sur ce point, affirmant que les discussions relatives à l’accord nucléaire devaient être tenues à huis clos.
Trois grands producteurs d’acier auraient été ciblés par la cyberattaque de lundi. Un groupe de pirates anonymes a revendiqué la paternité de l’attaque sur les réseaux sociaux, affirmant avoir agi en représailles à « l’agression de la République islamique ».
Le groupe, qui se fait appeler « Gonjeshke Darande », a publié ce qu’il prétend être des images des caméras de surveillance de l’usine Khuzestan Steel Co., montrant le dysfonctionnement d’une machinerie lourde sur une ligne de production de barres d’acier, à l’origine d’un violent incendie.
Les correspondants militaires israéliens, qui sont régulièrement informés à titre officieux par de hauts responsables israéliens, ont laissé entendre qu’il s’agissait de représailles à une cyberattaque qui avait déclenché des sirènes antiaériennes à Jérusalem et Eilat, la semaine passée.
Bennett a déclaré mardi que quiconque lancerait une cyberattaque contre Israël « en paierait le prix », avertissement à peine voilé contre l’Iran.
Israël et l’Iran s’affrontent depuis des années dans le cadre d’une cyberguerre clandestine qui, parfois, remonte à la surface. Les responsables israéliens ont accusé l’Iran d’avoir tenté de pirater le système d’eau d’Israël en 2020.
À son tour, l’Iran a accusé les États-Unis et Israël de cyberattaques qui ont nui aux infrastructures du pays.
L’Iran a ainsi dû déconnecter une grande partie de son infrastructure gouvernementale d’Internet suite au virus informatique Stuxnet – considéré comme une création américano-israélienne – qui a perturbé le fonctionnement de milliers de centrifugeuses [nucléaires] iraniennes, à la fin des années 2000.
Lors d’un incident de grande ampleur l’an dernier, une cyberattaque contre le système de distribution de carburant iranien avait paralysé les stations-service dans tout le pays, créant de longues files d’attente d’automobilistes en colère. Le groupe de pirates anonymes, Gonjeshke Darande, avait revendiqué la responsabilité de cette attaque.