Dans la lutte pour Jérusalem-Est, les titres de propriété sont une arme de choix
La consécration d'une ancienne synagogue yéménite à Silwan fait partie d'une campagne visant à garantir que la souveraineté juive saura déjouer toute division de la ville
L’atmosphère lors de la consécration d’une ancienne synagogue dans le quartier Silwan – majoritairement palestinien – a été festive.
C’est là-bas, à Jérusalem-Est, dont la plupart des habitants sont Palestiniens, que le gouvernement va verser la somme de 4,5 millions de shekels en faveur d’un projet dont le coût est estimé à 3 millions de dollars, avec pour objectif de transformer l’ancien bâtiment religieux en centre de patrimoine juif qui retracera l’histoire de l’immigration yéménite en Israël.
La sécurité israélienne avait fermé le district de Batan al-Hawa, qui offre une vue dégagée sur le mont du Temple, où de nombreux logements ont été érigés sur un versant de la colline, au sud-est des murs de la Vieille Ville.
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Mais cette fête se sera tenue dans une bulle fortifiée, entourée d’une importante sécurité considérée comme nécessaire dans ce quartier palestinien qui se trouve au coeur d’un combat mené par les organisations juives de droite, bien déterminées à y imprimer leur empreinte indélébile avec l’aide du gouvernement et de la municipalité de Jérusalem.
Dans le secteur de Batan al-Hawa, à Silwan, c’est Ateret Cohanim qui mène le combat. L’organisation a installé 20 familles dans une communauté palestinienne constituée de 6 000 à 7 000 personnes.
A Wadi Hilweh, sur la colline d’en face, un avant-poste de cette lutte s’incarne dans la Cité de David, également connue sous le nom d’El-Ad. Là-bas, environ 400 Juifs vivent parmi 5 000 Palestiniens approximativement.
Les deux organisations et leurs soutiens sont déterminés à saper les chances d’un futur accord qui diviserait Jérusalem et accorderait aux Palestiniens un droit à la souveraineté sur la ville. Et devraient-ils y parvenir, alors Silwan deviendrait l’enclave juive la plus importante dans un quartier palestinien hors de la Vieille Ville.
Rien de paisible dans cet objectif défini.
Alors que les enfants palestiniens déambulent dans les rues, profitant des activités d’été organisées par les locaux dans la matinée – aucune structure de jeu n’ayant été construite par la cité – des gardiens privés de la sécurité, rémunérés par l’Etat, escortent des familles juives depuis et vers les immeubles achetés par Ateret Cohanim à Batan al-Hawa – ou le village yéménite, comme l’ont surnommé les résidents juifs. Les mêmes familles sont alors prises en charge par des mini-bus blindés.
Batan al-Hawa est un point sensible, un endroit où un simple commentaire, une seule insulte ou un seul crachat peuvent entraîner une émeute.
Selon Ateret Cohanim, il y a eu 1 720 récits d’agressions de Juifs par des Palestiniens à l’aide de cocktails Molotov ou autres objets au cours des deux dernières années. Les Palestiniens affirment que certains Juifs les provoquent, et que les gardiens de sécurité ont la gâchette facile.
Lorsque des familles palestiniennes sont évincées par la force, ce sont des unités de police entière qui se rassemblent pour sécuriser l’entrée des Juifs.
Zuheir Ragbi, porte-parole de la population palestinienne à Batan al-Hawa, fait regarder à cette journaliste un clip qui montre un Juif souriant, ses jambes bloquant les roues avant de la moto du fils de Ragbi pour l’empêcher d’avancer. « Nous le connaissons. Il jette en permanence des pierres aux enfants. Il m’avait craché dessus, ce jour-là. Que pensez-vous que mon fils a ressenti ?… J’ai déposé plainte auprès de la police », s’exclame-t-il.
Daniel Luria, directeur exécutif d’Ateret Cohanim, explique pour sa part que les habitants juifs doivent composer avec « certains clans arabes qui sont exceptionnellement violents. Des pans de la société arabe sont malades, insensés, débordants de haine et d’incitations ».
Evoquant les ennemis des Israélites à l’ère biblique, les Amalékites, il ajoute que « c’est une caractéristique d’Amalek d’agresser sans raison. Personne ne perd son foyer ici. Personne n’est injustement traité. Tout est sans ambiguïté. Les Arabes font toujours du commerce. Et les vendeurs savent toujours que ce sont les Juifs qui vont leur acheter leurs produits ».
Le père de Ragbi a quitté la Vieille Ville pour Batan al-Hawa en 1948. Là-bas, il a construit deux pièces en prévoyant que ses enfants pourraient y ajouter leurs propres logements quand ils auraient grandi. Aujourd’hui, ses sept fils ont des appartements dans l’immeuble. Aucun n’a été édifié avec un permis de construire.
« En 1989, un de mes frères est allé demandé un permis de construire », raconte Ragbi. « On lui a donné l’autorisation de ne construire que 30 mètres-carrés. Finalement, il a fait ses travaux sans permis. On lui donne des amendes et il les paie. Et c’est le cas aussi pour 98 % des résidents de Batan al-Hawa. Soit ils ont tenté d’avoir des permis qui ont été refusés, soit ils n’ont pas pu se permettre de le faire ».
La maison de Ragbi est prise en sandwich entre ce que les résidents juifs appellent la maison de Rachel, la maison du miel et la synagogue yéménite, des bâtiments qui ont tous été achetés par Ateret Cohanim dans cette section de Silwan.
Ateret Cohanim, fondé en 1978, achète des terres et des biens immobiliers pour y installer autant de Juifs que possible dans les quartiers musulmans et chrétiens de la Vieille Ville (où 3 000 Juifs vivent aujourd’hui) et dans quelques enclaves juives des quartiers palestiniens, au-delà.
L’organisation utilise la loi consacrée aux Affaires légales et administratives de 1970 qui offre aux propriétaires juifs et à leurs descendants (mais pas aux Palestiniens) le droit de réclamer l’ensemble des biens qui se trouvaient sous tutelle israélienne avant d’être perdus en 1948, lorsque les Jordaniens ont pris le contrôle de Jérusalem-Est et notamment de la Vieille Ville. Ces zones ont été ensuite reprises par Israël au cours de la guerre des Six jours de 1967.
Dans le cas de Batan al-Hawa, l’organisation a réussi – grâce à cette loi de réclamation – à réactiver une fiducie portant le nom d’un bienfaiteur disparu depuis longtemps, Benvenisti, qui avait été créée au 19e siècle lors de l’achat d’une parcelle de terre de 5 500 mètres-carrés, qui avait la forme d’un poisson et sur laquelle avaient été construites des habitations et une synagogue pour les Juifs yéménites.
Les pogroms des Palestiniens contre les juifs durant la première moitié du 20e siècle avaient obligé les Juifs qui y habitaient à fuir.
En 2002 – avec le soutien de l’administrateur général et même si aucun de ses responsables n’entretenait de lien avec les fiduciaires originaux ou les yéménites – Ateret Cohanim est parvenu à prendre le contrôle de la fiducie et à l’utiliser pour justifier l’acquisition des biens immobiliers et en expulser les résidents.
« J’ai reçu un ordre d’expulsion le 19 mai 2015 », raconte Ragbi. « C’est moi, le propriétaire. C’est la maison de mon père. Mais ils me disent que c’est leur terrain, un terrain sur lequel on a construit sans autorisation ».
Il énumère les récits d’acquisition d’autres maisons.
« Là, c’est l’immeuble qu’ils appellent la maison de Rachel. Le fils du propriétaire palestinien est allé dans le dos de son père voir Ateret Cohanim et il a vendu le bâtiment pour financer sa toxicomanie. Il n’avait pas le droit de le vendre », dit Ragbi.
« Là, dans le cas de cet immeuble qu’on appelle la maison de Frumkin, on a dit au propriétaire que l’acquéreur était un riche Arabe qui voulait s’assurer que le quartier resterait palestinien », remarque-t-il.
« Mon cousin a acheté un appartement à côté de chez moi. Plus tard, il s’est avéré que le vendeur arabe l’avait également cédé à Ateret Cohanim deux ans auparavant », ajoute-t-il. « Quand nous sommes allés devant les tribunaux, Ateret Cohanim a proposé de payer le prix qu’avait payé mon cousin avec un zéro en plus si nous abandonnions les poursuites ».
Les magistrats ont statué en faveur des premiers acquéreurs – Ateret Cohanim – et le cousin a été expulsé sans indemnités.
Jusqu’à présent, Ateret Cohanim a acheté six immeubles à Batan al-Hawa dans lesquels il a installé environ 20 familles juives.
Certains Palestiniens ont été évincés sur la base de la fiducie Benvenisti. D’autres ont accepté de l’argent sonnant et trébuchant.
Beit Yonatan — la maison de Jonathan – qui porte ce nom en hommage à l’analyste des renseignements américain devenu espion israélien Jonathan Pollard — avait été construite à l’origine sans autorisation par un Arabe qui avait ou hérité, ou acheté la parcelle de terrain.
Malgré les ordonnances délivrées par les tribunaux et par le procureur-général de l’époque, Yehuda Weinstein, qui réclamaient l’évacuation et le scellement de l’immeuble, des familles juives vivent encore là-bas, soutenues dans leur entreprise par le maire de Jérusalem Nir Barkat, qui a déclaré qu’il se présenterait à un siège de la Knesset sous l’étiquette du parti du Likud.
Cinq biens immobiliers ont suivi, dont la synagogue yéménite, qui à l’époque était l’habitation de la famille Abu Nab. Après une longue bataille juridique, les tribunaux ont demandé à cette famille de quitter l’immeuble en 2015. Certains ont accepté de l’argent lorsque la situation semblait perdue au niveau juridique. Un membre de la famille possède encore un appartement dans le complexe mais l’accès au bâtiment est contrôlé par Ateret Cohanim — une question qui est encore débattue devant les magistrats.
Ragbi précise qu’Ateret Cohanim a émis des ordonnances d’expulsion contre les 800 résidents de 21 immeubles supplémentaires et que ceux vivant dans 12 autres bâtiments risquent aujourd’hui d’être chassés de leurs habitations dans un avenir proche.
Cent habitants examinent actuellement la légalité de la décision de l’administration générale de transférer les terrains de la fiducie Benvenisti à Ateret Cohanim, sans avoir consulté au préalable les résidents palestiniens.
Il s’agit de déterminer si la fiducie d’origine couvrait les terrains ou les constructions qui y ont été édifiées – une seule n’existe plus à ce jour. Les résidents affirment que la fiducie couvrait les anciens bâtiments et non la terre – et que ces expulsions doivent donc être stoppées.
La semaine dernière, le gouvernement a demandé un deuxième délai pour s’exprimer, jusqu’au mois d’octobre. La cour lui a donné jusqu’au 12 août pour répondre à deux questions et jusqu’au 3 septembre pour répondre à une troisième.
« Si la cour statue en faveur d’Ateret Cohanim, cela pourrait entraîner le deuxième déplacement de masse des palestiniens depuis l’expulsion du quartier Mughrabi en 1967 », commente Hagit Ofran, qui suit la question des implantations juives à Jérusalem-est pour l’observatoire de gauche La Paix maintenant.
Ragbi note, pour sa part, que « si quelqu’un veut acheter une maison ici et vivre parmi nous, pas de problème. Mais si vous voyez des gens venir, acheter une maison puis acheter la maison des voisins, c’est déjà différent ».
« Je ne veux pas de cette violence. Je ne veux pas passer ma vie à me battre », a-t-il ajouté. « Je veux juste qu’on me laisse tranquille comme n’importe quel être humain ordinaire, éduquer mes enfants et nourrir ma famille ».
« Toute acquisition est très difficile », explique Luria, directeur d’Ateret Cohanim.
« Nous faisons face à un monde arabe mobilisé, dont une partie est violente. Il y a une énorme pression et des millions de dollars sont levés pour renforcer la mainmise arabe sur la ville ».
« Le plus gros problème », continue-t-il, « est de tenter de faire comprendre au monde juif ce que nous nous trouvons dans l’obligation de faire ».
« Nous entretenons les meilleures relations, d’une qualité sans précédent, avec l’administration américaine. Pour [le vice-président américain Mike] Pence et [l’ambassadeur américain en Israël David] Friedman et les autres, [l’implantation des Juifs à Jérusalem-Est] n’est pas un problème, » remarque-t-il.
« Qu’attend donc notre gouvernement de droite ? », s’interroge-t-il. « Ce qui importe, ce n’est pas ce que disent les Etats-Unis. Ce qui importe, c’est ce que nous faisons ».
Il ajoute que « nous ne faisons rien pour mettre un terme au processus de paix mais nous ne ferons pas de compromis sur un seul millimètre de Jérusalem ».
« Il faut montrer une force de conviction et de souveraineté pour créer la paix et la coexistence », poursuit Luria. « Et cela ne pourra se faire qu’en vivant ensemble, sous souveraineté israélienne ».
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