Dans la ruée mondiale aux vaccins COVID, les Palestiniens comptent sur l’OMS
L'initiative Covax des Nations unies devrait vacciner gratuitement 20 % des Palestiniens mais le calendrier est incertain - comme le reste des précieuses doses nécessaires

Alors que les pays du monde entier sont en compétition pour obtenir les vaccins contre le nouveau coronavirus, l’Autorité palestinienne (AP) n’a pas encore annoncé de plan clair sur la manière dont elle compte vacciner les résidents palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, mais elle a demandé à participer à un programme des Nations unies qui fournirait et financerait 20 % des doses totales nécessaires.
Covax, une initiative conjointe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de GAVI, une organisation internationale de vaccination, a pour objectif de fournir deux milliards de doses de divers vaccins contre le coronavirus dans le monde d’ici la fin 2021. Les Palestiniens font partie des quelque 90 demandeurs de vaccins gratuits.
« Nous allons recevoir 20 % de nos vaccins gratuitement, de Covax. Nous avons signé un accord avec eux, le garantissant, et tout est en ordre », a déclaré mardi la ministre de la santé de l’Autorité palestinienne, Mai al-Kaila, dans une interview à la télévision palestinienne.
Mais de nombreux autres détails sur la réponse palestinienne au coronavirus n’ont pas encore été rendus publics.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré le mois dernier qu’Israël avait signé un accord avec Pfizer pour l’achat de huit millions de doses de son vaccin, ce qui permettrait d’inoculer quatre millions d’Israéliens. Israël a également signé un accord avec Moderna qui prévoit de fournir six millions de doses et donc de vacciner trois millions d’Israéliens supplémentaires.
La pandémie en Cisjordanie et dans la bande de Gaza a atteint des niveaux de gravité sans précédent. Les deux zones palestiniennes ont mis en place des mesures de confinement partiel, le nombre de cas ayant atteint des niveaux records, avec 10 091 infections actives à Gaza et 14 894 en Cisjordanie.
Environ 36,3 % des tests de dépistage du coronavirus sont revenus positifs dans la bande de Gaza dimanche, ce qui indique qu’un grand nombre de cas pourraient passer inaperçus.
L’AP, basée à Ramallah, sera chargée d’acheter le vaccin pour ses citoyens et de le distribuer en Cisjordanie et à Gaza. Un responsable de la santé du Hamas contacté pour s’exprimer sur la question a déclaré que les autorités sanitaires de Gaza attendaient des instructions de l’AP pour aller de l’avant.

Mais les vaccins sont chers – malgré l’aide internationale, la Banque mondiale s’attend à ce que l’AP enregistre un déficit de 760 millions de dollars cette année – et la concurrence avec les nations les plus riches est féroce. Pour Ramallah, une des solutions a consisté à demander le Covax, qui vise à fournir des vaccins gratuits aux pays à faible revenu qui, autrement, ne pourraient pas se les payer.
Mais la distribution de ces doses pourrait être lente – du moins du point de vue de Ramallah. La sélection de vaccins de Covax comprend le vaccin AstraZenaca, mais pas le vaccin Pfizer, qui a commencé à arriver ce mercredi matin en Israël. Des erreurs cliniques ont entravé l’approbation du vaccin AstraZenaca.
Les doses de Covax devraient être réparties proportionnellement entre les pays au fur et à mesure des approvisionnements. Selon la documentation de l’OMS, chaque pays recevra les envois par tranches : une première tranche de 3 % de vaccins afin d’inoculer les premiers intervenants, suivie d’étapes supplémentaires à mesure que tous les pays progressent ensemble vers la limite de 20 %.
Une fois qu’un cinquième de la population aura été vacciné, les doses gratuites seront épuisées. Les pays pourront acheter des doses subventionnées dans le cadre du programme, en fonction du calendrier et du nombre de doses disponibles.
Selon al-Kaila, les intervenants médicaux bénéficieront d’un accès prioritaire aux vaccins dès leur arrivée, suivis par les membres des services de sécurité palestiniens et les personnes considérées comme faisant partie des groupes à risque.
« Selon les directives de la Covax, la priorité doit aller aux premiers intervenants médicaux. Nous leur avons dit que nous voulions également donner la priorité aux services de sécurité qui travaillent à nos côtés sur le terrain, aux personnes âgées, aux femmes enceintes et aux malades chroniques », a déclaré al-Kaila.
Étant donné qu’Israël contrôle presque tous les points d’entrée et de sortie des zones palestiniennes, une coordination intensive entre tous les acteurs sera essentielle pour garantir que le vaccin puisse être transféré rapidement et efficacement aux prestataires de soins de santé à Gaza et en Cisjordanie, a déclaré l’envoyé de l’OMS auprès des Palestiniens, Gerald Rockenschaub.
Les vaccins Pfizer doivent être stockés à -70° C et les doses doivent être utilisées dans les cinq jours suivant leur sortie de la chambre froide. Le candidat de Moderna, en revanche, peut être conservé à environ -20° C. Le vaccin AstraZeneca – le candidat préféré des pays les moins développés du monde – peut être conservé à une température normale de réfrigération.
« Avec les Israéliens, nous discutons d’un mécanisme d’accélération dès l’arrivée d’un chargement afin qu’il puisse passer la douane et les formalités de dédouanement. Des installations de réfrigération doivent être disponibles, à l’aéroport Ben Gourion et dans les installations israéliennes, pour s’assurer que nous ne rencontrerons pas d’obstacles importants une fois qu’un vaccin sera disponible », a déclaré Rockenschaub, énumérant certains des défis à relever.

Bien que le gouvernement israélien ait annoncé plusieurs accords entre Jérusalem et diverses entreprises, l’AP n’a pas encore formulé de plan public sur la manière dont elle espère acquérir suffisamment de vaccins pour vacciner le reste de sa population contre le virus.
Al-Kaila a suggéré que l’AP pourrait continuer à acheter des vaccins subventionnés de Covax au-delà des vaccins gratuits qu’elle espère recevoir, mais que cela reste à finaliser.
« Le prix obtenu par l’intermédiaire de Covax sera beaucoup plus bas et nous permettra d’acheter en grandes quantités. Il y a eu des appels entre nous et l’Organisation mondiale de la santé. Tout cela est à l’étude, et c’est bien mieux que d’acheter soi-même », a déclaré al-Kaila. « Nous ne sommes pas l’Amérique, qui peut juste cracher de l’argent ».
Selon al-Kaila, l’AP cherche à fournir suffisamment de vaccins pour inoculer 70 % de sa population, ce qui, selon elle, suffirait à créer ce qu’on appelle « l’immunité de groupe ».
« Nous sommes également en contact avec la Russie en ce qui concerne le vaccin russe », a ajouté al-Kaila, en faisant référence à un vaccin controversé et non prouvé, parrainé par le gouvernement russe.
Le président de l’AP, Mahmoud Abbas, avait annoncé dans un discours télévisé prononcé dans la soirée de jeudi dernier, à une heure tardive, que Ramallah avait trouvé des accords portant sur l’acquisition de « vaccins en grande quantité » – mais aucune source sollicitée par le Times of Israel n’a été en mesure de donner des détails sur cet achat. Il est impossible de dire, à ce stade, si le président faisait référence aux vaccins Covax ou à d’autres.
Il n’a pas été non plus possible d’entrer en contact avec un porte-parole de la présidence de l’Autorité palestinienne pour des commentaires supplémentaires à ce sujet.

Le Times of Israel n’a pas pu vérifier une information non-sourcée évoquée par la Treizième chaîne, qui laissait entendre que le gouvernement israélien prévoyait de fournir des millions de vaccins aux Palestiniens – certaines sources ont par ailleurs prétendu que la dite information était sans fondement.
Les responsables israéliens ont répété considérer comme un intérêt sécuritaire déterminant la nécessité d’éviter une catastrophe sanitaire publique en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. L’appareil sécuritaire israélien estime qu’une implosion du secteur palestinien de la santé pourrait entraîner des tensions accrues avec Israël, avait noté le Times of Israel au mois de novembre.
Le quotidien des Israéliens et les Palestiniens est entremêlé, alors que des dizaines de milliers de personnes se déplacent régulièrement entre les territoires israéliens et ceux sous contrôle de l’AP. Les responsables de l’Etat juif et les officiels palestiniens se sont mutuellement accusés d’exporter la maladie dans leurs territoires respectifs depuis le début de la pandémie.
« S’ils acquièrent des vaccins pour nous, ce ne sera pas par amour des Palestiniens ou par souci de préserver notre santé », commente le directeur-général du ministère de la Santé de l’AP, le docteur Oussama al-Najjar, au cours d’un entretien téléphonique. « Ils le feront parce que nous vivons tous au même endroit. Il y a un degré phénoménal de mélange des deux populations au travail, dans la vie de tous les jours. Israël ne veut pas que la pandémie continue à sévir dans un endroit dont le destin est autant lié au sien ».
Un responsable israélien de la sécurité a indiqué, au cours d’une conférence de presse qui était organisée la semaine dernière, que la coordination sur les vaccins avait été reportée en raison d’une crise prolongée qui avait touché les relations entre l’Autorité palestinienne et l’Etat juif. Au mois de mai, Abbas avait annoncé rompre les liens avec Jérusalem pour protester contre un plan israélien d’annexion de certains pans de la Cisjordanie, comme le prévoyait le plan de paix controversé du président américain Donald Trump.
Le plan d’annexion avait été officiellement mis en suspens, à la mi-août, en raison des accords de normalisation conclus entre Israël et les Emirats arabes unis mais l’AP a refusé de remettre en place des relations officielles avant la victoire du président-élu Joe Biden face à Donald Trump.
« Pour commencer, nous devons créer un dialogue et ce n’est pas encore arrivé », a déclaré l’officiel israélien aux journalistes, la semaine dernière, ajoutant que « nous attendons encore que l’Autorité palestinienne dialogue avec nous sur le sujet. Et lorsque les Palestiniens ouvriront un dialogue avec nous, alors nous lancerons tous les processus nécessaires pour leur venir en aide ».
Hussein al-Sheikh, responsable de l’AP, avait déclaré fin novembre que la coordination entre les deux parties reprendrait au point où elle s’était arrêtée au mois de mai, une coordination pleine et entière devant recommencer à la fin de la semaine passée.
Alors qu’il lui était demandé si la volonté israélienne de venir en aide aux Palestiniens indiquait une volonté de vendre certains vaccins achetés par l’Etat juif à l’AP, le responsable israélien a répété : « Non, vouloir les aider, c’est vouloir ouvrir un dialogue avec eux ». Il n’a pas donné de détails supplémentaires.