Dans la synagogue de Halle: « On nous tire dessus!… »
"Nous étions au milieu de l'office, quand nous avons entendu un 'boum', nous n'avions aucune idée ce que ça pouvait être, soit une explosion, soit un tir", raconte une rescapée
« Une journée pour se couper du monde », avec des jeunes et une ferveur particulière. C’est ce qu’avait voulu organiser pour Yom Kippour, à Halle en Allemagne, Rebecca Blady, une Américaine.
Rescapée de la tentative d’attentat de mercredi, cette trentenaire et son mari Jeremy, deux leaders juifs orthodoxes américains récemment installés en Allemagne, n’ont pas hésité à répondre à l’invitation de la petite communauté de cette ville d’ex-RDA, qui peine à remplir la « shul », la synagogue, pour les grandes occasions.
Ils avaient donc décidé d’emmener avec eux une vingtaine de jeunes juifs pratiquants, des Américains, des Allemands et des Israéliens pour « amener un peu d’énergie » à la communauté.
Dans la poussette de son bébé, elle cale objets de culte et polycopiés de textes et des chants. Elle gagne l’austère ville connue pour ses barres massives de logements sociaux en béton.
« C’est une si belle communauté, nous avons prié, dansé, et chanté ensemble, c’était un si beau moment, une si belle expérience jusqu’à ce que », s’interrompt brutalement la jeune Américaine, lors d’un entretien accordé à l’AFP.
Bruits
« Nous étions au milieu de l’office, le moment où l’on lit des passages de la Torah, quand nous avons entendu un ‘boum’ très fort, nous n’avions aucune idée ce que ça pouvait être, soit une explosion, soit un tir », dit-elle.
« Certains ont couru en direction de l’écran de cameras installé près de la porte, plusieurs minutes sont passées et les bruits ont recommencé », raconte-t-elle.
Depuis plusieurs minutes, le tireur, un Allemand de 27 ans, motivé par l’antisémitisme et la xénophobie, essaye de pénétrer dans l’enceinte du lieu de culte, sans y parvenir. Il finira par tirer une rafale contre la porte d’entrée, qui résiste.
C’est à ce moment là seulement que des fidèles, penchés sur les écrans de sécurité qui retransmettent en direct la tentative d’assaut, se mettent à crier: « Éloignez vous des fenêtres, partez, on nous tire dessus! ».
La cinquantaine de fidèles présents se précipite là où elle pense pouvoir trouver refuge, à l’étage et dans une arrière pièce de la synagogue. Aucune communication avec le monde extérieur n’est à ce stade possible, la plupart n’ont pas de téléphones portables sur eux. Les fidèles attendent en silence et dans la peur.
Après une vingtaine de minutes, le contact avec la police finit par être établi. Les policiers décident de « sceller la synagogue » et de garder les fidèles regroupés à l’intérieur, sous protection policière.
A ce moment, le tireur a déjà abattu une passante devant la synagogue puis s’est enfui, en laissant son cadavre devant l’entrée. Il poursuit sa course meurtrière plus loin et abat un autre homme dans un restaurant turc avant de prendre la fuite.
Prière
Pendant ce temps, Rebecca décide de maintenir le groupe occupé par la prière. « Nous avons réussi à continuer la prière pendant prés de deux heures », témoigne cette femme, qui y voit un moment particulièrement marquant de sa vie religieuse.
Ce n’est que vers 17h que l’ensemble des fidèles sont évacués vers un hôpital, où ils termineront symboliquement la prière de Yom Kippour et rompront le jeûne, avant d’être placés en sûreté dans un hôtel par la police.
« C’est bien après que nous avons réalisé l’ampleur de la violence », dit-elle. Les fidèles ont alors compris qu’ils avaient échappé à un massacre, et que l’évènement était en train de créer une onde de choc.
Doit-elle sa vie à la résistance de la porte ? « Ce Yom Kippour est un signe de Dieu. Il nous a examinés un par un et a décidé de nous garder en vie », préfère philosopher la très pieuse jeune femme.