Dans l’ancien camp de la mort de Sobibor, un boom de la construction post-Shoah
Après des décennies d'obscurité, ce qui fut un camp d'extermination construit par les nazis est transformé pour rendre hommage aux victimes et attirer plus de visiteurs
SOBIBOR, Pologne – Pour la première fois depuis que les SS ont démantelé et nettoyé Sobibor en 1943, un nombre significatif de constructions sont en cours dans les zones les plus sensibles de l’ancien camp de la mort nazi où ont été assassinés jusqu’à 250 000 Juifs pendant la Shoah.
Suite à des fouilles archéologiques qui ont duré une décennie, le terrain a été préparé au printemps dernier pour accueillir un musée et un centre ouvert aux visiteurs, attendus depuis longtemps. La structure émerge petit à petit, placée sur les anciens baraquements là où les Juifs de tous les âges devaient remettre leurs biens, se déshabiller et courir vers ces « douches » qui étaient en fait des chambres à gaz.
Ce complexe regroupant un musée et un mémorial devrait ouvrir ses portes en 2019 et présentera une carte d’une précision sans précédent sur Sobibor à l’époque de la Shoah, établie sur la base de nouvelles recherches. La révolte des prisonniers qui avait eu lieu à Souccot au mois d’octobre 1943 sera racontée, ainsi que les efforts des nazis pour faire disparaître les preuves du génocide ayant suivi cette évasion, il y a 74 ans.
Les autres changements majeurs qui ont eu lieu à Sobibor ces derniers mois sont survenus là où se trouvent les sites d’enfouissement, où les corps étaient brûlés et les cendres enterrées dans des fosses. Jusqu’aux ouvrages de transformation entrepris au printemps dernier, des fragments roses de petits ossements humains remontaient à la surface à chaque dégel de la terre, au plus grand désarroi des visiteurs.
Sous la supervision des autorités rabbiniques, les tombes ont été couvertes de géotextile perméable et d’une couche de marbre brisé blanc. Entourant cette nécropole aux bords indéfinis, des pierres de couleur noire ont été ajoutées pour démarquer les tombes qui ont fait l’objet de pillages extensifs après 1945.

Contrastant avec les anciens camps de la mort nazis de Belzec et de Treblinka, les sites d’enfouissement de Sobibor n’avaient pas été recouverts de couches d’asphalte, de béton ou de rochers durant les décennies qui se sont écoulées depuis la Shoah.

A l’exception d’un monument représentant un « monticule de cendres » rond, la nudité relative de la « zone d’extermination » a aidé le Polonais Wojciech Mazurek et l’Israélien Yoram Haimi — à la tête de l’équipe des archéologues oeuvrant à Sobibor depuis 2007 – à découvrir des objets et des informations sur le crématorium dans lequel plus de 200 000 cadavres ont été brûlés à l’air libre.
Sobibor a été relativement lent à ajouter des structures modernes – dont un parking pour accueillir les bus. Proche de la rivière Bug et de la frontière polonaise avec l’Ukraine, le camp se situe à plusieurs heures en voiture de Varsovie et de Cracovie.
Les aménageurs espèrent que leurs efforts rendront Sobibor plus commode et engageant pour les touristes polonais et internationaux. Le musée présentera notamment les biens appartenant aux victimes qui ont été trouvés lors des fouilles menées par l’équipe israélo-polonaise, notamment des plaques en métal au nom des enfants, des joailleries dotées d’inscriptions en hébreu et un fragment de tasse en céramique à l’effigie de Mickey Mouse.

Les constructions entreprises à Sobibor depuis le printemps devraient s’achever en 2019. Parmi les travaux, la couverture des sites d’enfouissement, en haut à droite, avec le mémorial visible du ‘monticule de cendres’ rond, et un nouveau musée, un parking, et des structures touristiques, en bas à gauche.
Les fondations de l’ancienne chambre à gaz seront protégées par la structure rectangulaire qui apparaît à côté des sites d’enfouissement. Entre les fondations de la chambre à gaz et le nouveau musée, les visiteurs marcheront le long de ce qui a été appelé cyniquement « la route du paradis », un chemin tournant emprunté par les victimes de la Shoah lorsqu’elles se rendaient aux chambres à gaz après s’être déshabillées.
Alors que les constructions entreprises à Sobibor continueront au cours des deux prochaines années, les archéologues espèrent faire des fouilles sur – par exemple – le site d’un tunnel d’évasion qui avait été creusé par un prisonnier et dans la zone de « la rampe », où les victimes étaient livrées au « camp de transit » déguisé.

Dans les mois à venir, les ouvriers construiront un pavillon autour des ruines des chambres à gaz déterrées par Haimi et Mazurek en 2014, et un long mur tournant, érigé en mémoire des victimes, présentera les témoignages des survivants, encerclant les sites d’enfouissement.
Au mois d’octobre prochain, Sobibor accueillera un rassemblement marquant le 75ème anniversaire de la révolte du camp. Cet événement pourrait être le premier en son genre à avoir lieu sans survivant de l’ancien camp de la mort.
Au moment de l’ouverture du musée, en 2019, les effets personnels des victimes joueront un rôle plus important que jamais pour prendre le relais des témoignages des rescapés, dont peu restent encore en vie chaque jour qui passe.