Israël en guerre - Jour 569

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Dans les coulisses du Jewish Onliner, le site anonyme qui a entrainé la suspension d’une professeure de Yale

Un membre de cette discrète équipe qui utilise l'IA pour faire connaitre les "questions importantes pour la communauté juive "répond à nos questions sur ses cibles, ses finances et nous dit pourquoi ce n'est pas du journalisme

La page d'accueil de Jewish Onliner. (Capture d'écran via la JTA)
La page d'accueil de Jewish Onliner. (Capture d'écran via la JTA)

En mars, une militante pro-palestinienne du nom de Helyeh Doutaghi a été suspendue de son poste à l’université de Yale et bannie du campus pour des liens présumés avec un groupe chargé de réunir des fonds pour une organisation terroriste palestinienne.

L’élément déclencheur, selon le New York Times, est un reportage du site d’information Jewish Onliner. Un nom tout ce qu’il y a de nouveau pour nous, ici, à la Jewish Telegraphic Agency, et pour nombre d’autres grands noms du journalisme juif. Et, il s’avère que les personnes à l’origine de ce site ne se considèrent pas comme des journalistes même si elles aiment donner des informations. Nous avons pu le savoir en remontant le fil numérique et en identifiant ainsi une des personnes à l’œuvre dans Jewish Onliner, enregistré et répertorié comme un site Internet depuis le 12 décembre dernier.

La procédure d’enregistrement du site Internet protège l’identité de son propriétaire et le site lui-même ne dit rien de l’identité de ses membres, pas plus que ne sont signés les articles, lesquels, peut-on lire sur le site, utilisent l’IA pour parler de « la lutte contre l’antisémitisme, dénoncer les mouvements anti-Israël et analyser les forces radicales qui sapent les valeurs du monde occidental ». Pour autant, nous sommes parvenus à retrouver la piste de quelqu’un.

Cette personne affiliée au site, qui a confirmé y jouer un rôle, est un nouvel immigrant en Israël (oleh) de fraiche date, arrivé d’un pays anglophone avec une formation et une expérience dans le renseignement en sources ouvertes et la lutte contre le terrorisme. Elle explique que l’équipe est internationale et indépendante du gouvernement israélien.

Cette personne a accepté de répondre aux questions par e-mail sous couvert d’anonymat, de crainte de menaces antisémites.

L’échange qui suit aborde la façon dont Jewish Onliner choisit ses cibles, le rôle de l’intelligence artificielle dans son travail, la raison pour laquelle son contenu ne doit pas être considéré comme du journalisme, le coût de l’anonymat et enfin le financement de l’initiative. Cette personne explique avoir rédigé ses réponses en concertation avec le reste de l’équipe du Jewish Onliner.

À une époque où de petites organisations sont capables d’avoir un impact démesuré sur la politique américaine – comme l’ont fait Betar ou la Canary Mission, tout aussi anonymes, pour identifier les manifestants étudiants pro-palestiniens que l’administration Trump s’emploie à expulser –, l’échange qui suit permet de comprendre de quelle manière l’un de ces groupes dit opérer. Nous le publions ici, légèrement modifié pour une question de longueur et de clarté.

Sur cette image tirée d’une vidéo de caméra de sécurité, on voit Rumeysa Ozturk, doctorante âgée de 30 ans de l’Université Tufts, se faire arrêter par des agents du Service de la Sécurité intérieure dans une rue de Somerville, dans le Massachusetts, le 26 mars 2025. (Crédit : AP Photo)

JTA : Pourquoi l’anonymat est-il si important dans ce projet ?

Jewish Onliner : La raison de l’anonymat est assez simple – et malheureusement nécessaire dans le climat actuel, maintenant que l’antisémitisme atteint des niveaux réellement inquiétants (mais je suis sûr que vous ne le savez que trop).

Compte tenu de la nature de l’initiative et du type de travail que nous essayons de faire ici – souvent des informations sur des personnes et des organisations ayant des liens troublants –, le fait de garder l’anonymat est le meilleur moyen de protéger l’équipe et d’éviter les ennuis.

Mais honnêtement, c’est aussi en partie parce que nous ne faisons pas ça pour nnous faire connaitre. Nous avons une équipe solide avec de solides compétences techniques, et nous sommes inquiets de la tournure que prennent les choses. Notre objectif est simplement de faire notre travail – creuser les problèmes qui comptent pour la communauté juive et faire la lumière là où c’est nécessaire, que ce soit sur l’antisémitisme, les campagnes anti-israéliennes ou les forces plus larges qui menacent les valeurs occidentales.

Considérez-vous ce que vous faites comme du journalisme ? Je pose la question parce que les journalistes dissimulent rarement leur identité même lorsqu’ils enquêtent sur des questions susceptibles de les mettre en danger. En théorie, on se dit que l’anonymat nuit à la crédibilité du reportage. Qu’en pensez-vous ?

C’est une question légitime et stimulante que vous soulevez là. Après en avoir discuté avec le reste de l’équipe, nous avons convenu que ce que nous faisons n’est pas à proprement parler du journalisme, et nous ne qualifierions pas notre initiative de média. L’équipe fait en sorte de trouver sa voie en dehors des autres.

La chose vraiment unique, dans notre modèle, c’est qu’il n’est pas structuré comme une salle de rédaction classique – il n’y a pas de fonctions assignées, que ce soit du côté des journalistes ou des rédacteurs. Au contraire, tout le monde s’occupe d’une partie d’un projet : mener des recherches OSINT [open source intelligence], analyser les résultats et rédiger l’article. Les outils d’IA jouent également un rôle important dans l’amélioration et l’accélération du travail (nous faisons constamment en sorte d’améliorer la technologie et de nous dote de nouvelles capacités).

Les reportages que nous avons sortis ne rentrent le plus souvent pas parfaitement dans le cadre du journalisme conventionnel. Ils sont presque entièrement fondés sur de l’OSINT vérifiable et assortis d’analyses approfondies. Une grande partie des contenus concerne des organisations terroristes désignées par les États-Unis, dont certaines continuent d’opérer librement sur le sol américain. Étant donné que ce sont les mêmes personnes qui effectuent les recherches et publient les résultats, l’équipe a décidé que l’anonymat était la meilleure approche pour ne pas prendre de risques inconsidérés.

Nous sommes pleinement conscients du fait que cet anonymat en fait douter certains – nous avons soigneusement étudié la question pour parvenir ä cette solution de compromis. Et au final, l’équipe a estimé quil fallait laisser le fruit de notre travail parler pour lui-même. Et pour ceux qui sont prêts pour ce genre de travail, les valeurs sont on ne peut plus claires.

Des manifestants se rassemblent en soutien à l’activiste palestinien anti-Israël détenu Mahmoud Khalil, devant l’Université Columbia University à New York, le 14 mars 2025. (AP Photo/Jason DeCrow)

Communiquez-vous avec les cibles de vos enquêtes pour recueillir des commentaires ? Dans mon monde, le journalisme, il est absolument essentiel de tenter d’obtenir des commentaires de la personne sur laquelle vous écrivez – dans le but d’être juste et de limiter les risques d’erreur.

Comme je l’ai dit plus tôt, nous ne nous considérons pas comme des journalistes ou des médias. Nous sommes plutôt une « plaqueforme d’informations, de renseignements exploitables, d’exposés et de nouvelles essentielles », ce qui nous va bien.

Mais vous êtes sûrement préccupés par l’équité et la justesse de l’histoire. Est-il possible d’être juste quand on porte des accusations contre des personnes dont on révèle l’identité tout en demeurant dans l’anonymat, sans leur offrir la possibilité de se défendre ?

Notre anonymat est on ne peut plus juste, car les faits parlent d’eux-mêmes. Dans le cas de Yale, c’est Samidoun – l’organisation terroriste interdite par les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et Israël – qui a annoncé qu’elle faisait partie de leur réseau. [JTA : L’année dernière, le gouvernement américain a déclaré que le Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun était « un simulacre d’organisation caritative » qui collectait des fonds pour le Front populaire de libération de la Palestine, désigné comme une organisation terroriste par les États-Unis depuis 1997.] Yale a mené son enquête et a conclu au caractère irréfutable de ce que nous avancions, après quoi elle a pris les mesures qui lui paraissaient appropriées. Les preuves étaient indiscutables : elles parlaient d’elles-mêmes.

[L’avocate de Doutaghi n’a pas répondu à la demande de réaction la JTA. Elle a abordé la question dans une série de déclarations publiées sur son compte X le jour-même en niant les accusations portées contre elle et en les qualifiant de diffamation destinée à opprimer l’activisme pro-palestinien. « On s’en prend à moi pour une seule raison : parce que j’ai dit la vérité à propos du génocide du peuple palestinien, chose dont l’Université de Yale est complice », peut-on lire dans la déclaration de Doutaghi.

Des manifestants brandissent des drapeaux palestiniens, turques et syriens devant le Brandeburg Gate, près de l’ambassade américaine à Berlin, le 8 décembre 2017. (Crédit : John MACDOUGALL)

Que pouvez-vous dire sur qui dirige et finance Jewish Onliner ? La raison que vous avez invoquée pour l’anonymat – la sécurité des personnes – ne semble pas être une raison suffisante pour garder secrète l’identité de ou des institutions à l’origine de cette initiative anonyme.

Vous seriez peut-être surpris d’apprendre que le JO est une initiative assez peu coûteuse : il est dès lors exagéré de dire qu’elle a des « bailleurs de fonds ». Nous sommes un petit groupe d’experts OSINT férus de technologie qui avons décidé d’agir en faveur de la communauté juive et des valeurs occidentales au sens large. Le soutien, minimal, dont nous bénéficions nous vient de quelques personnes qui nous ont aidés à démarrer, mais elles ont leur vie, leur travail, leur famille.

Alors, quitte à répondre à cette rumeur stupide que nous avons vu circuler : Non, nous ne sommes affiliés, connectés ou soutenus par aucun gouvernement.

Permettez-moi de vous chatouiller un peu à ce sujet. Les rumeurs selon lesquelles vous seriez soutenus par le gouvernement israélien ne sont pas si « stupides ». Le gouvernement israélien a publiquement fait savoir qu’il dépensait des millions dans des campagnes d’influence en ligne utilisant l’IA. Jewish Onliner semble relever de cette logique. Pouvez-vous reprocher aux gens d’en conclure que vous pourriez être une organisation gouvernementale ?

S’agissant du gouvernement israélien, nous n’avons aucune idée de ce qu’il peut ou ne peut pas faire avec telle ou telle technologie – et franchement, ce n’est pas notre sujet de préoccupation.

Toutes les initiatives civiles de lutte contre l’antisémitisme à l’aide de l’IA ne sont pas liées au gouvernement israélien. Parfois, croyez-le ou non, les gens se soucient simplement de ces problèmes et souhaitent faire quelque chose.

Combien de personnes sont impliquées ? Quel est leur profil ?

L’équipe a décidé de ne pas donner de renseignements personnels sur ses membres. Cela dit, nous sommes un groupe multinational composé de personnes originaires de plusieurs pays.

Comment choisissez-vous vos projets ?

Il s’agit généralement de ce qui intéresse les membres de l’équipe et de ce sur quoi nous pouvons avoir un impact. Il n’y a pas de méthode en tant que telle. Cela dit, nous nous concentrons sur certains domaines qui nous semblent particulièrement importants, comme les problèmes sur les campus.

Des militants anti-Israël manifestant devant l’Université Columbia, le 21 janvier 2025. (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)

N’y a-t-il pas d’autres groupes juifs qui font ce que vous faites ? Quelle vide comblez-vous et comment l’avez-vous identifié ?

Nous ne connaissons aucun groupe juif qui fasse quelque chose de semblable, car ce que nous faisons est plutôt expérimental : nous avançons en tâtonnant. Chaque groupe juif fait un travail d’une importance cruciale dans son domaine, que ce soit dans les médias, sur les campus, à l’ONU, dans les arts, etc. Nous pensons que le vide que nous comblons est celui de l’information de notre communauté sur des sujets souvent négligés par les médias traditionnels, avec une approche plus directe, indépendante et constamment mise à jour.

Pourquoi ne pas simplement faire des recherches et partager vos résultats avec les médias favorables à votre cause ? Pourquoi publier vous-même ?

Nous explorons des moyens de tirer parti de l’IA pour optimiser la diffusion d’informations cruciales à la communauté juive. L’équipe est convaincue que le fait de s’appuyer sur des entités externes nous compliquerait la tâche pour innover avec les technologies que nous utilisons à haute dose.

L’affaire Yale a été très médiatisée. Est-ce le plus grand succès de JO ? Quels sont les projets dont vous êtes le plus fier ?

Côté projets, l’histoire de Yale a fait beaucoup plus de bruit que prévu. Nous ne nous attendions pas à ce que cela ait autant d’effet : cela a été une leçon d’humilité. Par ailleurs, nous avons révélé le projet de Francesca Albanese de prendre part à une conférence terroriste à Montréal, ce qui l’a dissuadée. Une autre histoire dont nous sommes fiers est notre enquête sur un responsable du CICR à Gaza lié à des groupes terroristes – c’est important pour comprendre les problèmes que posent les organisations d’aide qui travaillent à Gaza et se prétendent impartiales.

Nous avons un champ d’action assez large, nous examinons tout, des problèmes sur les campus aux organisations à but non lucratif liées au terrorisme, en passant par le terrain à Gaza.

D’ailleurs, certaines personnes pensent que le nom « Jewish Onliner » est inspiré du média Jewish Insider ou même qu’il s’agit d’une critique de Jewish Insider. Est-ce exact ?

Non, ce n’est absolument pas une critique ! L’équipe est fan du Jewish Insider ! Nous avons simplement pensé que ce serait un nom approprié parce que notre contenu est destiné aux personnes qui sont TRÈS, TRÈS en ligne. (C’est là que l’expression « désespérément en ligne » me vient à l’esprit.)

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