D’après des militants de gauche, les tentatives de maintien en détention visent à étouffer la dissidence
La police a demandé que des manifestants anti-guerre soient détenus pendant une semaine, alors que les militants opposés à l'entrée de l'aide à Gaza ont été interrogés et relâchés

Alors que l’armée israélienne intensifiait ses opérations sur Gaza, des centaines de manifestants anti-guerre ont défilé dans la soirée du 19 mai de Sderot jusqu’à la frontière avec l’enclave. Ils ont marché le long de la route tout en scandant des slogans en faveur d’un accord de cessez-le-feu et de libération des otages.
Un itinéraire avait été préalablement défini avec la police et l’armée, mais la manifestation a rapidement pris une tournure chaotique. Certains manifestants ont envahi la Route 34 et bloqué la circulation, tandis que d’autres ont continué à suivre l’itinéraire initial.
La police a déclaré cette manifestation illégale. Les forces de l’ordre ont procédé à l’arrestation musclée des manifestants et ont emmené neuf d’entre eux au commissariat le plus proche pour les interroger.
Les arrestations lors de manifestations qui dégénèrent ne sont pas rares. Mais, fait inhabituel, la police a maintenu certains des détenus en garde à vue pendant plusieurs nuits. Les militants craignent que les autorités n’utilisent la menace d’une détention prolongée pour étouffer l’opposition de gauche au gouvernement.
« En général, lorsque vous êtes arrêté lors d’une manifestation, vous êtes interrogé, puis relâché par la police », a déclaré Alon Lee Green, l’un des organisateurs de la manifestation et l’une des personnes interpellées.
« Mais cette fois-ci, ils nous ont emmenés dans cinq centres de détention différents », dont une véritable prison.
תראו את האלימות המוטרפת שבה עוצרים את @AlonLeeGreen בזמן הצעדה לגבול עזה. אנחנו לא מתייאשיים, לא מוותרים ולא מפסיקים להיאבק על עתיד של שלום וביטחון שמגיע לכולנו. להצטרפות לקבוצת העדכונים: https://t.co/3b9GWH4fBJ pic.twitter.com/AdXDDiS7HI
— עומדים ביחד نقف معًا Standing Together???? (@omdimbeyachad) May 18, 2025
Après avoir arrêté les manifestants, les policiers les ont interrogés au commissariat d’Ashdod et les ont retenus toute la nuit, selon Green.
Il accuse la police d’avoir mené « un interrogatoire très politique ».
« Ils se sont vraiment acharnés sur nous », a-t-il raconté, se souvenant qu’un agent lui avait demandé s’il avait conscience d’avoir manifesté contre le gouvernement en temps de guerre.
La police lui aurait demandé où il se trouvait le 7 octobre 2023 et s’il avait été en service de réserve. Il lui aurait également posé d’autres questions sans lien avec le motif officiel de son arrestation, à savoir l’attaque d’un agent, accusation qu’il rejette fermement.
Un porte-parole de la police a refusé de répondre aux questions concernant les arrestations ou d’autres allégations, affirmant qu’il « ne s’occupait pas des enquêtes en cours ».
Après avoir passé une nuit en détention, Green et les huit autres ont comparu devant le tribunal d’Ashkelon, où la police a demandé à un juge l’autorisation de les maintenir en détention pendant sept jours supplémentaires.
Me Gonen Ben Yitzhak, avocat et ancien membre de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet qui représentait les personnes arrêtées lors de la manifestation du 19 mai, a exprimé son indignation face à cette demande de la police.
Selon lui, la police ne peut pas recourir à la détention à titre punitif.

« Si un suspect n’a pas encore été inculpé, il ne peut être placé en détention que si le tribunal estime qu’il pourrait faire obstruction à l’enquête ou représenter un danger pour le public », a expliqué Ben Yitzhak.
Dans leur demande officielle de prolongation de détention provisoire des détenus, les forces de police ont estimé que ces manifestants répondaient aux deux critères : ils risquaient de nuire à l’enquête et représentaient un danger pour la sécurité publique.
Mais les militants du mouvement arabo-juif Standing Together, qui a organisé la manifestation de dimanche, ont insisté sur le caractère pacifique de leur rassemblement, soulignant que les neuf personnes arrêtées, pour la plupart des étudiants universitaires, n’avaient aucun antécédent judiciaire.
« Les militants libérés et assignés à résidence ne sont ni dangereux ni criminels. Ils ne représentent un danger que pour une seule chose : la poursuite de la guerre », a déclaré le groupe dans un communiqué.
Le juge a refusé d’accorder à la police une semaine supplémentaire de garde à vue, mais a accepté de prolonger de deux jours la détention de quatre détenus, dont Green. Plutôt que de les maintenir en prison, la police a transféré les quatre hommes au centre pénitentiaire Shikma d’Ashkelon.
« Je ne me souviens pas d’un seul cas, ces dernières années, où des manifestants aient été emprisonnés pour avoir bloqué une route ou troublé l’ordre public », a déclaré Green.
Selon Green, les détenus ont été placés dans des cellules distinctes, dont certains avec des codétenus violents.
« C’était complètement hallucinant. Nous ne comprenions vraiment pas ce qui se passait », a déclaré Omer Ovadia, qui a également été arrêté le 19 mai et a passé une nuit en prison.
Bien que les avocats aient fait appel de la décision devant le tribunal de Beer Sheva, les détenus ont passé la nuit en prison dans l’attente de la tenue de leur audience d’appel.
L’appel a été accepté le lendemain, et ils ont été libérés et assignés à résidence.
« Une loi pour les gens de droite, une loi pour les gens de gauche »
Ben Yitzhak, un fervent opposant au gouvernement qui défend gratuitement les manifestants interpellés, a déclaré qu’en ce qui concerne les militants de gauche, la police « tente de les accuser d’agression contre un agent, d’outrage à agent, de toutes sortes de choses, afin d’alourdir les charges qui pèsent contre eux et de justifier leur maintien en détention ».

Dans un entretien accordé mercredi au Times of Israel, Ben Yitzhak a qualifié la pratique consistant à prolonger la détention provisoire des manifestants de « meilleur moyen de contrecarrer le mouvement de protestation [anti-gouvernement] ».
Il a affirmé que la police appliquait une politique de deux poids deux mesures, traitant les militants d’extrême droite avec plus de sympathie et les gardant rarement en garde à vue pendant la nuit.
Plus tôt ce jour-là, des militants du groupe de pression Tzav 9 s’étaient rendus à la frontière pour protester contre la décision du gouvernement de permettre à nouveau l’acheminement de l’aide humanitaire vers Gaza.
Un militant a été arrêté et un autre a été interpellé alors qu’ils tentaient d’empêcher des camions de transporter de l’aide humanitaire vers Gaza à proximité du poste-frontière de Kerem Shalom. Selon les forces de l’ordre, les deux hommes ont été interrogés par la police avant d’être relâchés, sans être présentés devant un juge.

Me Nati Rom, avocat de Honenu, un groupe d’aide juridique de droite qui représente des militants de droite arrêtés lors de manifestations ou accusés de crimes nationalistes, y compris les manifestants détenus de Tzav 9, a fait valoir que la police appliquait en réalité une « répression sélective » à l’encontre des militants de droite.
Les arrestations à Kerem Shalom étaient « très difficiles à justifier, surtout au vu des nombreuses manifestations de grande ampleur qui ont eu lieu dans tout le pays et où aucune arrestation de ce type n’a été effectuée dans des circonstances similaires », a déclaré Rom au Times of Israel.
Les grandes manifestations anti-gouvernement qui ont régulièrement lieu à Tel Aviv, Jérusalem et dans d’autres villes donnent souvent lieu à des arrestations de manifestants pour avoir bloqué la circulation.
Mais Ben Yitzhak a énuméré une longue liste d’autres cas dans lesquels, selon lui, des manifestants de droite, même lorsqu’ils étaient présumés violents, avaient été libérés après avoir été interrogés.
« Existe-t-il une loi pour les gens de gauche et une loi pour les gens de droite ? Sans aucun doute, oui », a-t-il affirmé.
Le 17 mai, lors des manifestations hebdomadaires anti-gouvernement organisées dans tout le pays, l’organisation Alimut Israel, qui surveille les violences commises lors des manifestations, a signalé cinq incidents distincts au cours desquels des émeutiers d’extrême droite ont frappé des manifestants.
À Rehovot, quatre jeunes hommes ont été filmés en train de prendre des vidéos des manifestants tout en scandant des slogans pro-Netanyahu. Ils ont ensuite commencé à se battre contre les manifestants, les giflant et essayant de leur arracher leur matériel de manifestation.
« Ils ont été filmés en train de frapper, d’insulter, tout ça, mais ils ont été interrogés et renvoyés chez eux sans être présentés à un juge », a déclaré Ben Yitzhak.

Il reproche aux forces de l’ordre leur attitude laxiste face au harcèlement des agitateurs d’extrême droite. Selon lui, cette attitude serait due à l’influence du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, un politicien d’extrême droite largement accusé de tenter de politiser les forces de l’ordre.
Ben Gvir cherche à exercer une influence plus importante sur les questions opérationnelles de la police que ses prédécesseurs, et a régulièrement qualifié les manifestants anti-gouvernement « d’anarchistes », appelant la police à les disperser en utilisant des méthodes plus sévères pour contrôler les foules.
Un porte-parole de Ben Gvir n’a pas répondu à une demande de commentaires.
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