Israël en guerre - Jour 425

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De meilleures ennemies à meilleures amies

Non, nous ne pouvons pas tous nous entendre, disent les codirectrices du Tectonic Leadership Center ; mais nous pouvons toujours parler

Les codirectrices du centre Tectonic Leadership, la fashionista juive Brenda Naomi Rosenberg et la scientifique musulmane Samia Moustapha Bahsoun sont aujourd'hui des âmes sœurs (Crédit : Autorisation)
Les codirectrices du centre Tectonic Leadership, la fashionista juive Brenda Naomi Rosenberg et la scientifique musulmane Samia Moustapha Bahsoun sont aujourd'hui des âmes sœurs (Crédit : Autorisation)

NEW YORK – Déjà adolescente dans les années 1970 en France, Samia Moustapha Bahsoun était férocement anti-israélienne. Elle était tellement passionnée par la cause palestinienne qu’elle et ses amis parcouraient les cafétérias des campus universitaires près de son domicile et pressaient toutes les oranges de Jaffa, afin de gâcher tous les produits israéliens.

« Nous étions une ancienne version du Mouvement BDS », a-t-elle récemment confié dans un entretien téléphonique avec le Times of Israel.

Bahsoun, 54 ans, est née à Dakar, Sénégal, de parents musulmans libanais. Elle parle sept langues, est ingénieure électricienne de formation, cadre en télécommunications et commerciale. Enfant, elle s’installe en France, où elle devient une « militante anti-israélienne » participant à des manifestations pro-palestiniennes pendant toutes ses années d’adolescence. Quand elle s’installe aux États-Unis pour étudier au collège en 1979, elle poursuit son œuvre et importe ses manifestations sur son campus.

Lorsqu’en 1982, sa grand-mère et grand-tante sont tuées dans des raids israéliens sur le Sud-Liban, sa colère envers Israël – et son activisme – enflent.

Ce n’est qu’en 1985, quand elle est embauchée comme chercheuse aux Bell Labs, que Bahsoun rencontre un Israélien pour la première fois, se retrouvant aux côtés de scientifiques du Technion de Haïfa, le prestigieux Institut de technologie d’Israël.

Trente ans plus tard, résidant à Asbury Park, dans le New Jersey, Bahsoun est toujours férocement pro-palestinienne, mais son militantisme a pris une voie résolument différente.

Avec l’activiste sioniste interreligieuse juive, Brenda Naomi Rosenberg, 68 ans, de Bloomfield Hills, Michigan, elle est cofondatrice et codirectrice du Tectonic Leadership Center, une organisation qui forme les leaders à la résolution de conflits et à la communication interculturelle. Sans surprise, la plupart de leur travail sur le dialogue tourne autour du conflit israélo-arabe.

En novembre, Bahsoun et Rosenberg ont présenté un atelier sur le Tectonic Leadership (TL) à la Sororité de la retraite Salaam Shalom (SOSS).

La retraite SOSS était une conférence interconfessionnelle organisée à Philadelphie pour plus d’une centaine de femmes juives et musulmanes de tous les États-Unis, réunies pour échanger et discuter des moyens de diffuser le dialogue interreligieux au sein de leurs communautés.

Avec la tension à son apogée pendant la guerre de l’été à Gaza, et les femmes recherchant de nouvelles façons d’aborder les sujets controversés entourant le conflit israélo-palestinien, l’atelier de Bahsoun et Rosenberg s’est avéré l’un des plus populaires de la retraite.

Lors de la conférence Salaam Shalom en novembre 2014 (de gauche à droite): Andrea Varadi, Brenda Rosenberg, Samia Bahsoun, et Caroline Culliere (Crédit : Autorisation)
Lors de la conférence Salaam Shalom en novembre 2014, (de gauche à droite) : Andrea Varadi, Brenda Rosenberg, Samia Bahsoun, et Caroline Culliere (Crédit : Autorisation)

« Israël a tué 2 000 Palestiniens dans cette guerre ! 70 % de civils ! Et vous appelez cela une guerre contre le Hamas ? », a accusé Bahsoun devant Rosenberg en haussant le ton.

« Israël a la responsabilité de protéger ses citoyens des roquettes du Hamas ! » a rétorqué Rosenberg, sur le même ton.

« En tuant des enfants et bombardant des écoles et des hôpitaux ? », a vociféré Bahsoun.

« Mais le Hamas utilise des enfants comme des boucliers humains, le Hamas utilise les écoles et les hôpitaux comme bases de lancement de roquettes ! », a soutenu Rosenberg.

« Le Hamas doit lutter contre le blocus israélien ! », a explosé Bahsoun.

Pour l’auditoire captivé, leur mise en scène semblait authentique. Et Bahsoun est prompte à souligner qu’elles ne répétaient pas. Leur tension, la colère et la frustration étaient réelles. Leur sketch voulait montrer comment une conversation sur le conflit israélo-palestinien dégénère souvent sans les techniques que la discipline de Tectonic Leadership leur enseigne.

Pour les Tectonic Leaders [TL}, les points de tension – ou les lignes de faille sur des plaques tectoniques – deviennent un moyen de connecter et collaborer plutôt que de rompre.

En fait, le principe déterminant de leur discipline est que, contrairement à de nombreux autres groupes de dialogue et de négociation qui cherchent à rassembler les gens en essayant de trouver le dénominateur commun, le TL ne demande pas aux participants de changer leurs anciennes croyances. Au contraire, en utilisant diverses techniques de méditation, il enseigne aux participants à utiliser la tension inévitable issue de divisions religieuses, culturelles ou politiques pour trouver un terrain de respect mutuel.

« Nous croyons que la tension contient des informations faciles », déclare Bahsoun au Times of Israel. « La tension m’a informée, en tant qu’Arabe, qu’il existe une peur juive. Demandez à n’importe quel Arabe, je pense qu’aucun ne le sait… Ils voient les Juifs comme des gens puissants dans les médias et le commerce. C’est presque un paradoxe trop important pour qu’ils le saisissent. »

Bahsoun et Rosenberg se sont rencontrées en 2009 grâce à Debbie Ford, la célèbre coach dont les théories sur l’effet de l’ombre, le côté obscur, qui selon elle, fait partie de chaque personne, a aidé à définir la théorie du TL.

« Debbie utilise toujours l’exemple d’un ballon de plage flottant dans une piscine, se remémore Rosenberg. Si vous essayez à plusieurs reprises de repousser [une émotion réprimée] vers le fond de la piscine, elle continuera à refaire surface. »

La fashionista juive Brenda Naomi Rosenberg et la scientifique musulmane Samia Moustapha Bahsoun  au Memorial Center de l'Holocauste à Farmington Hills Michigan (Crédit : Autorisation)
Brenda Naomi Rosenberg et Samia Moustapha Bahsoun au Memorial Center de l’Holocauste, à Farmington Hills, Michigan (Crédit : Autorisation)

Avec ce refrain qui est devenu leur credo, et après avoir passé deux ans à développer leur modèle, les fondatrices du TL ont lancé leur programme pilote en 2011 avec une retraite de cinq jours en collaboration avec l’Université du Michigan. Les divers participants comprenaient des juifs, des musulmans et des chrétiens.

Bien que, dans un premier temps, la tension était palpable, notamment parmi les participants juifs et musulmans, elles ont affirmé qu’elles commençaient à voir des résultats dès le premier jour.

« Le deuxième jour, les gens quittaient encore la salle – mais ils revenaient », a déclaré Bahsoun. « Nous avons vu que chaque fois qu’il y avait un point de discorde, on atteignait un nouveau niveau de compréhension ».

Lors de la première retraite, et durant les suivantes aussi, elles ont encouragé les participants à travailler à deux, plutôt que seuls. C’était un moyen de prendre les rênes de la conversation autour du conflit pour la transformer. Les duos ainsi formés devaient s’aider de la tension et l’utiliser comme un catalyseur pour impulser la discussion et étudier leur rôle à travers la loupe de l’évolution et non pas seulement celle de la survie.

« Tout notre concept est basé sur la perspective de l’avenir, explique Rosenberg. Je laisse l’histoire aux historiens. »

Depuis, elles ont formé des groupes dans les collèges et les universités, ainsi que dans les organisations communautaires à travers l’Amérique du Nord. Ils ont même exporté leur atelier en Jordanie.

Leur discipline, expliquent-t-elles, peut être utilisée pour résoudre toutes sortes de tension et est applicable à n’importe quel domaine. Bahsoun a utilisé la théorie du TL pour remporter des contrats dans des guerres d’offres avec d’autres fournisseurs de télécommunications.

Elles forment un duo des plus improbables. Bahsoun, la scientifique, avec un accent français persistant, une attitude pragmatique et une longue histoire dans le militantisme anti-israélien.

Rosenberg, la fashionista auto-proclamée, chaleureuse et bavarde, une sioniste ardente avec plus de 10 années d’expérience dans le travail interreligieux. Elle faisait, affirme-t-elle fièrement, partie de la première discussion interreligieuse dans le Michigan entre les musulmans et les juifs après les attentats du 11 septembre.

Bahsoun est l’ancienne présidente du comité exécutif du conseil international des Télécommunications pour le Liban et se rend au Liban au moins une fois par an pour rendre visite à sa famille. Rosenberg est une ancienne dirigeante de la mode (vice-présidente du Federated Allied Department Stores) et est fortement impliquée dans les branches des organisations sionistes locales. Elle se rend en Israël au moins une fois par an.

Pourtant, elles sont les meilleures amies du monde. Elles parlent si souvent au téléphone ensemble que lorsque le téléphone sonne à son domicile, le mari Bahsoun suppose que c’est Rosenberg qui appelle. Elles communiquent par Skype presque chaque semaine et, comme toutes bonnes vieilles copines, elles vont faire du shopping ensemble. C’est Rosenberg qui a choisi la tenue de Bahsoun pour la conférence SOSS.

Mais leur relation était loin d’être aussi idyllique au début. En 2009, lorsque Rosenberg a pris son téléphone pour appeler Bahsoun pour la première fois suite à la suggestion de Debbie Ford, elle avait au bout du fil une interlocutrice hostile et indifférente qui l’a accusée d’utiliser l’Holocauste pour valider la cause sioniste.

« Je voulais raccrocher le téléphone et mettre un terme à la conversation… J’ai pensé que c’était totalement inutile d’entrer dans une telle conversation », confie Bahsoun.

Mais Rosenberg, avec des années d’expérience dans le domaine du dialogue et de l’échange, a été patiente – et très déterminée. Elle a répondu calmement et respectueusement, donnant à Bahsoun l’espace nécessaire pour présenter ses griefs. C’est ce premier appel téléphonique qui a conduit à des mois de discussions et qui a permis de construire une amitié de longue durée.

Aujourd’hui, comme s’il y avait un signe convenu entre elles, elles finissent les phrases de l’une et de l’autre, riant en se remémorant leur première conversation qui a eu lieu six ans auparavant.

 

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