Décès de Judah Samet, vétéran de Tsahal, survivant de Bergen-Belsen et de Pittsburgh
Pilier de sa communauté, l'homme est mort à l'âge de 84 ans. Il a contribué à l'enseignement de la Shoah et été honoré par Trump lors du discours sur l’état de l’Union en 2019
JTA — Il est rare que l’on puisse dire qu’assister à des obsèques est une expérience positive. Pourtant, c’est ainsi qu’ont été vécues les obsèques, jeudi, de Judah Samet, professeur de Torah à sa synagogue Tree of Life, voix unique et puissante doublée d’un grand sens de l’humour, vétéran des parachutistes de l’armée israélienne, fan de Golden Grahams, homme de généreux pourboires et possesseur de ce qu’il qualifiait d’« estomac Bergen-Belsen ». Parce qu’évoquer SAmet ne peut qu’engendrer des sentiments positifs.
Samet, pilier de longue date de la communauté juive de Pittsburgh, qui parlait souvent de son expérience de la Shoah, fait son entrée sur la scène nationale le 27 octobre 2018, lorsqu’un homme armé surgit dans sa synagogue et assassine 11 Juifs pendant les prières de Shabbat.
Samet, que bien des membres de la communauté, moi y compris, appelions Judah, arrivé avec quelques minutes de retard, avait été informé de ce qui se passait, invité à rester dans sa voiture, devant la synagogue, alors que les coups de feu retentissaient à l’intérieur. En février suivant, Judah était l’invité du président Donald Trump lors du discours sur l’état de l’Union.
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« J’ai dit une bénédiction juive que l’on dit quand on rencontre un chef d’État », confiait-il au Pittsburgh Tribune-Review au moment des faits. « C’était le jour pour le faire. »
Avec le discours sur l’état de l’Union, on est bien loin de l’enfance de Judah en Hongrie, où il était né en février 1938. Les nazis l’avaient chassé de sa maison et envoyé avec sa famille, d’abord dans un camp de travail en Autriche, puis dans le camp de concentration de Bergen-Belsen.
Son père est mort du typhus trois jours après la libération, mais le reste de la famille a pu émigrer en Israël. Il s’est installé à Pittsburgh dans les années 1950, pour travailler dans l’entreprise de bijoux de son beau-père, et a été un membre dévoué de sa communauté jusqu’à sa mort, à l’âge de 84 ans, mardi dernier, deuxième jour de Rosh Hashanah.
Lors de ses obsèques, le gendre de Judah, le dramaturge David Winitsky, a évoqué le souvenir d’un repas avec Judah dans le restaurant Eat N’Park – tout sauf luxueux – au terme duquel son beau-père avait rendu hommage au travail de la serveuse. Il ne s’était pas contenté de la complimenter, il lui avait également dit qu’il ferait savoir à son manager à quel point elle faisait du bon travail. Il avait alors confié à son gendre qu’il était important de faire du bien autour de soi aussi souvent que possible.
Ce message peut sembler simpliste, moins si l’on pense aux nombreuses occasions pendant lesquelles Judah a été seul : les années en camp de travail et à Bergen Belsen, dans l’armée israélienne ou encore les moments terrifiants passés dans sa voiture, garée devant la porte de la synagogue Tree of Life, qu’il connaissait depuis plus de 40 ans, pendant qu’un homme tirait sur 11 Juifs.
La volonté de Judah d’inspirer les autres, de les inciter à rendre leur vie meilleure, comme il l’a fait pour ses proches, se traduisait notamment dans le temps et l’énergie qu’il consacrait à l’éducation des jeunes de Pittsburgh et d’ailleurs sur la Shoah.
Après avoir tu son expérience pendant de nombreuses années, il a commencé à en parler il y a un peu plus de dix ans et donné au final des centaines de conférences au profit de dizaines de milliers de personnes, explique Lauren Bairnsfeather, directrice exécutive du Centre de la Shoah de Pittsburgh.
Judah savait que ses paroles avaient un impact particulier, dont témoignaient les innombrables lettres reçues d’étudiants au fil des années.
La sœur de Judah, Miriam Cohen, née en Israël lorsque leur mère s’est remariée après la guerre, a raconté lors des obsèques qu’une fois, lors de la commémoration de Yom HaShoah au sein de la communauté de Pittsburgh, une nouvelle famille était arrivée, manifestement pas très à l’aise. À la fin des prières, l’un des enfants de cette famille – une adolescente – s’était approché de Judah et l’avait pris dans ses bras, lui expliquant qu’elle l’avait écouté parler à l’école et qu’elle voulait que ses parents, aussi, fassent sa connaissance.
Une autre personne a évoqué ce que Judah disait aux étudiants, qu’il savait que les adolescentes pouvaient avoir des problèmes avec leur mère, mais que les mères étaient les seules à tout faire et tout endurer pour elles.
Comme il le disait à propos de sa propre mère dans une interview accordée au Centre pour la Shoah en 2012 , « Elle était une force de la nature… Elle ne pensait qu’à sauver sa famille, 24h sur 24h. »
Après avoir entendu que sa propre mère lui avait dit, à lui et ses frères et sœurs, de manger des poux pour ne pas mourir de faim dans les camps, en attendant qu’elle trouve de la nourriture, de nombreux étudiants ont fait ce qu’il leur avait recommandé, à savoir rentrer chez eux et prendre leur mère dans leurs bras.
Judah avait 81 ans lorsque le président des États-Unis et les deux chambres du Congrès lui ont rendu hommage lors du discours sur l’état de l’Union, regardé par des millions de personnes à la télévision américaine. Il était invité de la première dame, assis dans sa loge.
Qui sait combien d’Américains ont appris l’existence de la Shoah et ont été sensibilisés à l’antisémitisme par les fragments, entendus a cette occasion, de l’histoire de Judah.
Elizabeth Samet a confié que lorsqu’on lui avait diagnostiqué un cancer de l’estomac en juin, il avait dit que si c’était ça, la fin de sa vie, ca lui allait. Cette capacité d’accepter ce qui lui arrivait et de ne pas essayer de changer ce qui ne pouvait l’être, alors qu’il avait défié le sort tant de fois, est le signe d’une grande force.
Mon souvenir préféré de Judah remonte au 4 juillet 2019, au minyan du matin à Beth Shalom, où Tree of Life et New Light, la congrégation dirigée par mon mari, se rejoignent.
Après avoir prié, Judah avait fièrement montré à tous les participants les photos reçues du photographe de la Maison Blanche de lui-même avec la première dame, disant son plaisir de vivre dans un si merveilleux pays.
Bien qu’il ait connu l’Amérique dans ses pires moments, il ne gardait que le meilleur, évoquant cet endroit qui avait accueilli tant de personnes comme lui, des survivants et des immigrants, libres d’améliorer leurs conditions de vie et celle des autres.
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