Décès du psychanalyste et figure de la gauche israélienne Carlo Strenger
"La liberté n'est pas un droit fondamental mais une conquête de la culture occidentale qu'il s'agit de préserver et d'opposer au consumérisme passif", affirmait-il
Philosophe et psychanalyste, figure de la gauche intellectuelle israélienne, Carlo Strenger est mort vendredi dernier à Tel Aviv à l’âge de 61 ans, a-t-on appris auprès de son éditeur français.
« Carlo Strenger s’est éteint à Tel Aviv, entouré de l’amour des siens. C’était un homme extraordinaire, l’un des penseurs les plus originaux de notre temps. Il n’est pas si souvent donné de rencontrer dans une seule et même personne la simplicité, l’humour, la gentillesse et une pensée profonde portée par une grande érudition », ont indiqué les éditions Belfond dans un communiqué.
« Les éditions Belfond et son éditeur, Fabrice Midal, sont fiers d’avoir publié trois de ses œuvres majeures en France », ajoute le communiqué.
Intellectuel brillant, Carlo Strenger, né le 16 juillet 1958 à Bâle (Suisse), s’exprimait aussi bien en hébreu qu’en allemand, anglais ou français.
Issu d’une famille de juifs orthodoxes, il avait pris ses distances avec la religion dans les années 1970 et revendiquait un athéisme laïc inspiré des Lumières.
Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont trois ont été traduits en France. Son dernier essai paru en français, Allons-nous renoncer à la
liberté ? (2018, Belfond) s’alertait du manque de responsabilité citoyenne dans nos sociétés occidentales.
« La liberté n’est pas un droit fondamental mais une conquête de la culture occidentale qu’il s’agit de préserver et d’opposer au consumérisme passif », affirmait-il.
Carlo Strenger était un pourfendeur du relativisme qui empêche selon lui l’Occident de défendre ses valeurs.
Intellectuel curieux, il s’intéressait notamment à l’œuvre de Michel Houellebecq.
« Nous devrions considérer le roman de Houellebecq ‘Soumission’ comme un avertissement et le prendre au sérieux: s’il ne reste de l’Europe qu’une instance organisatrice, la préoccupation de la sécurité financière et un passé culturel se traduisant seulement par une présence muséale, il y aura bientôt du nouveau à l’Ouest – mais rien de bon », a-t-il écrit dans son dernier essai paru en français.
« Si Houellebecq a raison, cela signifie que le libéralisme est probablement voué à moyen terme à être remplacé par une quelconque forme d’autoritarisme, l’islamisation représentant d’ailleurs plus un épouvantail qu’une possible réalité démographique », ajoutait-il.
Professeur à l’université de Tel-Aviv, il publiait régulièrement des articles dans Haaretz, The Guardian, Die Welt ou le New York Times. Il était également membre du comité d’observation du terrorisme au sein de la Fédération mondiale des scientifiques.
Il disait de lui être « d’origine suisse et juive, professeur d’université, psychanalyste, fan de moto, libéral de gauche, marié, aimant les steaks, la musique classique, Paris et bien d’autres choses encore »… tout en précisant qu’aucune de ses identités ne le définissait exclusivement.
Opposé à la politique de Benjamin Netanyahu, il défendait le droit d’Israël à se prémunir contre le terrorisme.