Découvrez comment les futurs infirmiers de Tsahal s’entraînent
Le simulateur de traumatisme médical high-tech de l’armée israélienne prépare les soldats à soigner les victimes sur le terrain de la manière la plus réaliste possible

L’équipe de soldats s’est ruée sur les lieux, cherchant frénétiquement les victimes. Ils s’appelaient l’un l’autre à travers la fumée et les cris demandant de l’aide, soignant d’abord les hémorragies importantes, puis rassemblant les blessés pour l’évacuation. Ils ont travaillé rapidement mais ont fait une grave erreur. Une victime de l’attaque, effondrée derrière un rocher et en partie cachée par un buisson, est passée inaperçue.
Heureusement, les soldats n’étaient pas dans une vraie situation de crise, pas encore. L’exercice de « salle d’évènement à victimes multiples » de l’armée israélienne fait partie de leur formation pour devenir infirmiers combattants.
C’est la dernière étape de leur entraînement au simulateur de traumatisme médical de l’armée, une école de formation high-tech du Corps médical de l’armée israélienne. L’installation vise à donner aux soldats l’expérience la plus réaliste possible pour les préparer aux pires situations qu’ils pourraient rencontrer pendant leur service.
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« Toutes les unités de l’armée israélienne envoient leurs équipes médicales s’entraîner régulièrement ici », a déclaré Aviv Gelbar, commandant du programme. Nous sommes les meilleurs du monde pour ça, et je n’ai pas peur de le dire. »
L’installation est située dans la base militaire Sharon (la « ville des bases d’entraînement » en hébreu), un gigantesque complexe qui est développé au sud de Beer Sheva, dans le sud d’Israël. La formation avait autrefois lieu sur une autre base, et l’installation qui est actuellement utilisée a ouvert il y a environ un an, a déclaré Gelbar.

Chacun, des médecins entraînés aux recrues de 18 ans, reçoit une formation dans ces locaux. Les médecins apprennent comment utiliser leurs compétences déjà acquises dans une situation de combat avec de multiples victimes, pendant que les recrues commencent avec des connaissances plus basiques, a déclaré Gelbar, médecin qui commande le cours depuis environ deux ans.
Les instructeurs forment les nouveaux soldats en trois étapes. D’abord, ils étudient des connaissances médicales de base, puis apprennent à réaliser les procédures. Enfin, ils s’entraînent à appliquer ce qu’ils savent lors d’une situation de crise.
Ils commencent dans une salle de classe, puis passent dans des « pièces à une seule victime », qui les préparent pour des petits évènements urgents, comme un seul soldat blessé, ou un accident de la route. Ces pièces, situées dans le même bâtiment, imitent des scènes que les soldats pourraient rencontrer pendant leur service, comme le plateau du Golan, le montagneux désert de Judée, et la scène d’un accident de voiture dans le Néguev. Ces différents scénarios ont pour objectif d’enseigner des leçons précises. Les soldats peuvent facilement perdre de petits équipements dans le maillage épais couvrant le sol d’une pièce ; dans une autre, des filets sont suspendus dans la pièce, forçant les soldats en formation à travailler à quatre pattes.

Les mannequins de ces salles sont les pièces d’équipement les plus sophistiquées de l’installation, coûtant environ 400 000 shekels (environ 95 000 euros) chacun. Les instructeurs utilisent des tablettes pour contrôler les mannequins, qui peuvent respirer, cligner des yeux, et bouger leurs membres. Ils ont une pression sanguine, et un pouls battant aux poignets et dans le cou. Leurs pupilles peuvent se dilater pour simuler une blessure cérébrale, et ils peuvent faire des sons réalistes pour surprendre et distraire les participants. Les grognements, les cris, les vomis et les « respirations de pleurs » sont en option. Le but est de déclencher une réponse émotionnelle des soldats, a déclaré Gelbar.
Les instructeurs peuvent surveiller les soldats depuis une salle d’observation séparée, et obtenir des informations en temps réel des mannequins. Ils peuvent mesurer l’efficacité de compressions de la poitrine sur un mannequin, par exemple, et entendre tout ce que disent les soldats via un petit micro placé sur le torse des poupées.
Les instructeurs du cours sont aussi des soldats qui font leur service. Ils ont suivi le cours médical classique, puis un cours d’instructeur d’un mois, puis un autre cours spécialisé de deux mois d’instructions au traitement du traumatisme. Malgré leur jeune âge, ils sont qualifiés pour former des médecins et des infirmiers, a déclaré Gelbar.

« Si vous faites la comparaison avec l’armée américaine, ou d’autres armées, alors vous avez probablement des instructeurs d’une trentaine ou quarantaine d’années qui ont été déployés en Afghanistan ou autre. Ici, vous avez des secouristes de 18 et 19 ans, a déclaré Gelbar. Quand ils commencent à parler, vous comprenez qu’ils savent de quoi ils parlent et qu’ils sont très professionnels, et vous oubliez la différence d’âge et de statut. »
De l’autre côté du couloir des pièces à une victime, une réplique de maison est remplie de mannequins, faite pour être la plus réaliste possible elle aussi. Juste devant la porte d’entrée, un oreiller ensanglanté est posé sur une chaise, derrière une corde à linge. A l’intérieur, des photos de famille sont accrochées aux murs, un repas non pris est sur la table de la salle à manger, et des mannequins ensanglantés sont éparpillés sur les lits et les canapés. Les unités combattantes spécialisées dans le combat en zone urbaine s’entraînent à entrer dans la maison, la balayer, trouver et soigner les victimes.

Pour la plupart des infirmiers combattants, les pièces d’évènements à victimes multiples sont le point haut de leur passage ici. Ils ont les connaissances et les compétences procédurales pour traiter une seule victime dans un environnement calme, mais doivent apprendre comment travailler en équipe dans un environnement stressant et désorientant. Le but de cet exercice n’est pas de répéter le traitement, mais de s’entraîner à prendre des décisions et à contrôler une situation chaotique.
Avant d’entrer dans la salle, les instructeurs du cours distribuent des pansements et interrogent les soldats sur les étapes qu’ils doivent accomplir une fois qu’ils seront à l’intérieur. Les participants, venant de différentes brigades d’infanterie et de la police des frontières, mettent des gants en latex et ordonnent leur équipement.
« Quand ils commencent à parler, vous comprenez qu’ils savent de quoi ils parlent et qu’ils sont très professionnels, et vous oubliez la différence d’âge et de statut. »
Après le cours, ils retourneront dans leurs unités respectives, où ils seront le seul personnel médical de l’équipe.
L’exercice du jour simule un évènement avec de nombreuses victimes à la frontière libanaise, mais les instructeurs utilisent souvent différents scénarios dans la pièce. Parfois les soldats doivent travailler dans le silence total, par exemple.
Pas aujourd’hui cependant. Les participants, qui font à présent l’exercice pour la deuxième fois, se précipitent en deux groupes de cinq. Le premier représente les infirmiers déjà présents sur les lieux de l’attaque, le second une équipe de renforts d’infirmiers et de médecins. La fumée monte dans la pièce sombre, et les cris des hovesh, les infirmiers, percent l’air. La seule source de lumière clignote sur un mur.
La première équipe de soldats se disperse rapidement et localise les cinq corps sur la scène, tous couverts de sang et en uniformes de l’armée israélienne. Les instructeurs les regardent travailler et prennent des notes. Les soldats ne trouvent parfois pas tous les corps, par exemple, ou ratent une blessure sérieuse en soignant une victime, un retour détaillé est donc crucial. Les instructeurs peuvent surveiller l’action via des tablettes, des caméras, et une salle d’observation, mais préfèrent rester dans la pièce pour saisir toutes les nuances de l’action des soldats.
Les infirmiers doivent d’abord arrêter toute hémorragie vitale, puis prendre des décisions sur ce qu’il faut faire après.
« Stoppez les hémorragies immédiates, ça doit être fait. Tout le reste, il faut y réfléchir pour savoir si c’est plus ou moins important pour les victimes que d’être préparées pour l’évacuation, a déclaré Gelbar. Voulez-vous commencer une procédure sur le terrain, ou préférez-vous attendre l’évacuation et la réaliser plus tard ? La victime va-t-elle survivre à l’attente de cette procédure ? »

Les soldats allongent les victimes sur des brancards et les alignent au centre de la pièce. Après l’arrivée de la deuxième équipe, deux infirmiers s’occupent de chaque corps, criant l’un à l’autre par-dessus le bruit. L’équipe décide de quels blessés doivent être évacués en premier, et après quelques minutes, les instructeurs annoncent que l’équipe d’évacuation est arrivée. Ils sortent rapidement les corps de la salle.
Après l’exercice, les instructeurs débriefent les soldats dans une salle de classe. Les soldats ne posent pas de question sur les procédures spécifiques, mais sur le processus de prise de décision et de gestion de l’environnement.
« Ce n’était pas le chaos, mais je ne savais pas ce qu’étaient toutes les blessures », dit un soldat. Un autre demande comment ils peuvent être certains d’avoir trouvé toutes les victimes, et de comment décider de prendre la première possibilité de sortie ou d’attendre l’arrivée d’un médecin sur place. Les instructeurs, les mains tâchées par du faux sang, répondent aux questions et proposent des critiques.
L’objectif est de préparer ces soldats, qui ont en général 19 ans, à retourner à leurs unités et à assumer la responsabilité des soins médicaux du reste de leur équipe. Dans une situation d’urgence, ils devront informer leurs commandants de la nature de toutes les blessures, et prendre des décisions rapides sur le traitement et l’évacuation.

« Une victime peut sembler aller assez bien pour un profane, mais si vous savez ce qu’il se passe, alors vous comprenez qu’elle peut se détériorer très rapidement, donc vous devez prendre des décisions sur l’évacuation et contacter un médecin ou un infirmer très rapidement, a déclaré Gelbar. Souvent, nous n’avons pas de réponse correcte. Nous voulons simplement en parler, pour qu’ils comprennent tout ce qu’ils doivent prendre en considération. »
Les soldats finissent leur débriefing, et sont prêts pour un nouvel exercice. Devant la salle de classe, la fumée artificielle et le son des cris passent dans le couloir, pendant qu’un autre groupe de futurs infirmiers fait le même exercice.
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