Défiant l’Union européenne, la Pologne et la Hongrie envoient des émissaires en Iran
Les deux pays ont fait fi du boycott par l'UE du 44e anniversaire de la Révolution islamique dans le contexte de la répression brutale par Téhéran du soulèvement populaire

Les ambassadeurs représentant la Pologne et la Hongrie ont été photographiés lors d’une cérémonie d’État commémorant le 44e anniversaire de la Révolution islamique en Iran, malgré le boycott de Téhéran par les membres de l’UE en raison de la répression brutale des manifestants anti-gouvernement.
Le Polonais Maciej Fałkowski et le Hongrois Zoltán Varga-Haszonits ont été vus, sur des photos publiées par des médias locaux, assistant à une cérémonie officielle jeudi, aux côtés du président iranien Ebrahim Raïssi. Sur l’une des photos, Fałkowski est vu en train de serrer la main de Raïssi et de s’incliner légèrement.
L’Iran est en proie à des manifestations nationales depuis la mort en détention, le 16 septembre, de Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne de 22 ans, qui avait été arrêté par la police des mœurs pour avoir enfreint le code vestimentaire strict, imposant notamment aux femmes le port du voile en public.
Dans le cadre de la répression des manifestations, des milliers d’Iraniens, dont des personnalités publiques, des journalistes et des avocats, ont été arrêtés par le gouvernement. Selon l’AFP, 18 personnes – liées aux manifestations – ont été condamnées à mort, ce qui a suscité un tollé au sein de la communauté internationale.
Bien que l’UE n’ait pas officiellement boycotté l’Iran, Politico a rapporté qu’il existait un accord tacite entre les membres du bloc pour éviter d’assister à des cérémonies publiques très médiatisées.
Outre la présence de l’ambassadeur hongrois jeudi, le ministre des Affaires étrangères de ce pays d’Europe de l’Est, Péter Szijjártó, a envoyé un message de félicitations à son homologue iranien, Hossein Amir Abdollahian, appelant les deux pays à renforcer encore leurs liens.
Voici donc l’ambassadeur hongrois à côté de Raïssi à la cérémonie d’hier et l’ambassadeur de Pologne en train de serrer la main au ministre des affaires étrangères iranien. Tous les autres diplomates européens ont boycotté la cérémonie. https://t.co/2MSE9NS1YM pic.twitter.com/sL7gFhwTlC
— lettres de Teheran (@LettresTeheran) February 10, 2023
Sous la houlette du Premier ministre hongrois, Viktor Orban, Budapest a cherché à maintenir des relations diplomatiques et économiques solides avec Téhéran sans compromettre ses relations étroites avec Jérusalem.
Israël a vu ses liens avec la Hongrie se resserrer ces dernières années, en grande partie grâce à une rencontre entre l’autoritaire Orban et le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Outre la présence des deux ambassadeurs européens, le gouvernement iranien a déclaré avoir reçu des messages de félicitations de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie.
La présence de la Pologne à la cérémonie de Téhéran est plus surprenante, étant donné le soutien indéfectible de Varsovie à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. L’Iran a admis avoir fourni des drones d’attaque aux forces russes, tout en affirmant qu’ils n’ont pas été utilisés pour attaquer des cibles ukrainiennes.
Hillel Neuer, directeur exécutif de l’organisation UN Watch, a qualifié de « honteuse » la décision de la Hongrie et de la Pologne d’assister à la cérémonie.
« La Pologne et la Hongrie ont rompu les rangs avec les autres pays de l’UE à Téhéran et ont envoyé des ambassadeurs à une réception officielle avec le président Ebrahim Raïssi pour célébrer le 44e anniversaire de la Révolution iranienne », a écrit Neuer sur Twitter lundi.
Selon un article publié par The Guardian mardi, des responsables américains de la Défense ont déclaré disposer de « preuves concluantes » démontrant l’utilisation par Moscou de drones de fabrication iranienne en Ukraine. Des informations antérieures indiquaient que les États-Unis craignaient que l’Iran ne fournisse des missiles à la Russie.

Samedi, lors d’un autre événement d’État marquant l’anniversaire de la révolution, Raïssi a déclaré la victoire de son gouvernement sur le mouvement de protestation qui a duré plusieurs mois, largement considéré comme la plus grande menace intérieure contre le régime depuis son arrivée au pouvoir en 1979.
Des dizaines de milliers d’Iraniens brandissant le drapeau ont assisté à la cérémonie sur la place Azadi (Liberté) de Téhéran, où ils ont scandé : « À bas les États-Unis », « À bas Israël », « À bas le Royaume-Uni » et « À bas le traître al-Saoud », en référence à l’Arabie saoudite.
La télévision d’État a déclaré que les célébrations du 44e anniversaire de la Révolution islamique avaient eu lieu dans 1 400 villes et villages du pays, et a diffusé des images de grands rassemblements à Ispahan, Mashhad, Shiraz et Tabriz.
Les célébrations marquent le jour de la chute du gouvernement du Shah d’Iran, 10 jours après le retour d’exil du religieux chiite Khomeini.