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Démission de la présidente de l’Université Columbia : les étudiants juifs veulent une « année normale »

Nombreux sont les étudiants partagés suite au départ de Minouche Shafik, après des mois de troubles anti-Israël. Avant la rentrée, ils demandent des assurances à l'administration

Un employé de l'Université Columbia ferme la porte du campus de l'Université Columbia à New York, le 15 août 2024. (Crédit : AP/Eduardo Munoz Alvarez)
Un employé de l'Université Columbia ferme la porte du campus de l'Université Columbia à New York, le 15 août 2024. (Crédit : AP/Eduardo Munoz Alvarez)

Yakira Galler, étudiante de deuxième année au Barnard College, travaillait pour l’été dans un camp d’été juif du New Hampshire lorsqu’elle a reçu un SMS d’un camarade d’université lui annonçant que la présidente avait démissionné.

Les événements qui ont conduit Minouche Shafik à démissionner de la présidence de l’Université Columbia – les campements pro-palestiniens et anti-israéliens sur le campus sans oublier les troubles qui les ont émaillés – ont ponctué la première année de Galler à l’université. Ses examens ont été annulés et elle a dû différer son retour sur le campus pour des raisons de sécurité. Pour autant, elle ne se réjouit pas de la démission de Shafik.

« Ma première réaction est de l’ordre de la déception », explique Galler à la Jewish Telegraphic Agency. « Même si je n’étais pas d’accord avec la plupart des décisions de Shafik, j’ai l’impression qu’elle n’était pas persuadée de ce qu’elle défendait ; quoi qu’il en soit, je crois qu’elle nous a rappelés une leçon importante, à savoir que même lorsque l’on fait des erreurs, il est possible de réparer et de faire amende honorable. »

Galler n’est pas la seule et unique étudiante ou diplômée juive de Columbia à faire preuve d’ambivalence au sujet de la démission de Shafik, jeudi. Des militants pro-israéliens et pro-palestiniens ont, certes, salué son départ, mais d’autres ont tenu à dire qu’elle aurait mérité de diriger l’université en des temps plus calmes, à la rentrée prochaine. Tous espèrent que son successeur mettra en œuvre des politiques de nature à sécuriser et pacifier le campus.

« Elle avait l’air très réfléchie et attentive. Il en aurait été tout autrement si, à Columbia, nous n’avions pas vécu l’année universitaire la plus difficile depuis 1968 », affirme Gabriel Freedman-Naditch, ex-première année du programme de premier cycle conjoint entre Columbia et le Jewish Theological Seminary.

Freedman-Naditch a assisté aux temps de parole organisés par Shafik afin de désamorcer les tensions au second semestre. Selon lui, elle aurait dû agir plus rapidement pour sanctionner les manifestants ayant enfreint les règlements de l’université, mais que l’année écoulée a été purement et simplement « impossible » pour l’université.

Pancarte sur laquelle on peut lire « Campement de solidarité avec Gaza », lors de la manifestation pro-palestinienne et anti-israélienne organisée sur le campus de l’Université Columbia à New York, le 22 avril 2024. (Crédit : AP/Stefan Jeremiah)

Il est inquiet à quelques semaines de la rentrée de septembre.

« La plupart des membres de la communauté juive et moi-même revenons en espérant que tout se passe au mieux mais en nous préparant malgré tout au pire. J’espère que les gens auront pris le temps de réfléchir à ce qui s’est passé l’année passée, et que nous pourrons tous mieux étudier cette année », explique-t-il.

« Tout le monde est encore sous le choc du complet changement de cap de l’administration, ces tout derniers jours », poursuit-il.

Sur le campus, les militants ont réagi plus énergiquement à la nouvelle – ils étaient finalement peu nombreux à apprécier Shafik. Les pro-israéliens lui reprochaient depuis longtemps d’avoir permis aux étudiants pro-palestiniens de menacer les Juifs et d’enfreindre les règles de l’établissement en toute impunité.

Celle qui était encore présidente de Columbia, Nemat (Minouche) Shafik, témoigne devant la commission de l’éducation et des ressources humaines de la Chambre des Représentants, au Capitole, à Washington, le 17 avril 2024. (Crédit : AP/Jose Luis Magana)

Manifestants pro-palestiniens et anti-israéliens se rejoignent dans la critique adressée à Shafik, à laquelle les premiers reprochent d’avoir fait intervenir la police sur le campement, prélude à l’interpellation de dizaines d’étudiants, notamment l’occupation d’un bâtiment du campus.

« Les étudiants de Columbia n’oublieront jamais l’extrême violence dont nous avons été victimes à cause de Minouche Shafik. Son départ ne nous apaise pas totalement car l’université continue de réprimer le mouvement étudiant pro-palestinien », explique la section de l’organisation anti-sioniste Jewish Voice for Peace par voie de communiqué publié sur X.

Shai Davidai, Israélien et professeur à l’Ecole de commerce de Columbia, critique virulent de l’action de Columbia face aux manifestations pro-palestiniennes, a publié une vidéo pour réagir à la démission de Shafik.

« Les gens me demandent si je suis content. Je ne suis pas content. Mais je ne suis pas non plus malheureux », explique-t-il. « Ce n’était pas Shafik, le problème ; cela n’a jamais rien eu de personnel… C’est toujours le même problème entre les étudiants juifs et le personnel et le corps professoral de l’université. »

Davidai dresse la liste des mesures qu’il aimerait que le successeur de Shafik prenne, comme l’interdiction permanente de Students for Justice en Palestine, suspendue par les autorités universitaires l’an dernier, celle du port du masque lors des manifestations et enfin l’expulsion des dirigeants étudiants des « organisations pro-Hamas favorables au terrorisme ». Il pense que Shafik aurait dû être licenciée en début d’année.

Un manifestant brisant les vitres de la porte d’entrée du Hamilton Hall de l’Université de Columbia afin d’y fixer une chaîne pour empêcher les autorités d’entrer, à New York, le 30 avril 2024. (Crédit : Alex Kent/Getty Images/AFP)

« J’ai hâte que reprenne le dialogue entre le président par intérim, les étudiants, le personnel et les professeurs qui tiennent un discours antisémite et se disent favorables au terrorisme contre les Juifs, les Israéliens et les Américains », confie-t-il. « Mais surtout, j’ai hâte de travailler avec le président par intérim pour garantir que Columbia soit sûr pour tous les membres de notre communauté, juifs ou non-juifs. »

D’autres ne s’émeuvent guère de la nouvelle. Jeremy Berke, étudiant en deuxième année à la Columbia Business School, dit à la JTA que les étudiants de MBA ont été pour l’essentiel épargnés du tumulte qui s’est emparé du campus de premier cycle l’an dernier.

« Loin de moi l’idée de nier le fait que certains ne se sont pas sentis en sécurité à cause de l’antisémitisme ou de l’islamophobie, mais la démission de Shafik ne va pas faire sortir Columbia de l’Ivy League ou quelque chose du même ordre », a-t-il écrit sur X. « Dans 10 ans, on n’en parlera plus. »

Berke ajoute, dans un message à la JTA, que Shafik a fait des erreurs, sans qu’il en ait été personnellement affecté.

« Je dirais simplement que même si je pense qu’il y a eu des cas avérés d’antisémitisme parmi les manifestants, le fait d’envoyer le SWAT {NDLT : Forces spéciales américaines du type CRS ou GIGN] face à des jeunes de 19 ans n’a fait que mettre de l’huile sur le feu et aggraver la situation », écrit-il. « Je le redis, j’ai effectivement entendu des choses désagréables sur le campus et sur les réseaux sociaux, mais je ne me suis jamais senti personnellement en danger ou menacé physiquement. J’ai d’ailleurs tout fait pour l’éviter ! »

Yehuda Kurtzer, co-président de l’Institut Shalom Hartman et ancien de Columbia, a écrit sur Facebook qu’il n’avait pas d’opinion – « ni positive ni négative » – sur l’attitude de Shafik, mais qu’il estimait que sa démission illustrait les problèmes des dirigeants de ces institutions. Columbia a nommé Katrina Armstrong, PDG du centre médical de Columbia, présidente par intérim.

Des agents de la police de New-York en tenue anti-émeute arrivent à l’université Columbia, où des étudiants anti-Israël se sont barricadés à l’intérieur d’un bâtiment, à New York, le 30 avril 2024 (Kena Betancur / AFP)

« Que va donner un campus en proie à l’agitation, à la rentrée prochaine, sans directeur général ? », écrit-il. « Je vous garantis que ce sera pire que d’avoir un dirigeant auquel vous reprochez tout un tas de choses. Que ceux d’entre nous qui ont foi dans nos autorités prennent une grande respiration maintenant. Réparer ce qui doit l’être peut paraitre contre-intuitif voire impossible, et pourtant cela n’a jamais été plus urgent. »

Comme d’autres sur le campus, Brian Cohen, directeur exécutif du Hillel de Columbia, explique à la JTA que son but est de se concentrer sur la façon dont l’administration réagit aux événements sur le campus, et non sur qui se trouve sur le bureau du président.

« La Dre Armstrong est une autorité forte et très respectée », explique-t-il dans un communiqué. « Quel que soit le président, les défis qui s’annoncent pour Columbia cette année sont importants, mais j’ai hâte de travailler avec la Dre Armstrong pour leur apporter une solution. »

Freedman-Naditch espère que les règles seront appliquées – et que l’on en aura fini avec les drames.

« J’espère que le nouveau président appliquera les règles et ne laissera pas la situation dégénérer sur le campus, cette année », explique-t-il, « car je veux vraiment une année universitaire normale. »

Jeudi, tout laissait penser que ce ne serait pas le cas. Le campus est toujours fermé, mais dans la rue, un camion envoyé d’Accuracy in Media, organisation à l’origine du placardage d’affiches provocatrices et accusée d’avoir révélé des informations sensibles sur certaines personnes lors des manifestations pro-palestiniennes, a mis en place un panneau d’affichage numérique qui diffuse le visage de Shafik.

« Minouche Shafik a laissé l’antisémitisme ruiner sa carrière », peut-on lire sur le panneau d’affichage. « Étudiants de Columbia : ne faites pas la même erreur. »

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