Dernières heures de la Bibliothèque nationale au sein de l’Université hébraïque
L'événement "Epilogue" propose visites, conférences et concerts dans les salles de lecture d'un bâtiment qui a marqué l'architecture de son époque, en 1960
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
La date d’ouverture officielle de la Bibliothèque nationale, en ses nouveaux locaux d’une valeur de 200 millions de dollars, n’est pas encore connue, mais elle a donné mercredi une fête d’adieu au campus Givat Ram de l’Université hébraïque.
Tout au long de la matinée et du début d’après-midi, dans le cadre du programme Epilogue, professeurs et membres du personnel ont témoigné de leurs souvenirs de la bibliothèque, qui a passé 63 ans ans entre ces murs.
La fin de l’après-midi et la soirée ont été consacrées à des visites artistiques et architecturales de la bibliothèque, suivies de panels et de conversations, de performances et de conférences sur les livres, la lecture et la place que le campus de la Bibliothèque nationale a joué dans la vie de nombreux artistes. La soirée s’est clôturée par un concert dans les salles de lecture plus habituées au silence.
Tous ces événements se sont tenus à guichets fermés.
« Il est difficile de résumer en une journée seulement tout ce que nous inspire ce bâtiment », explique Ruty Rubinshtein, responsable de la culture à la bibliothèque. Son équipe a passé près d’un an à la préparation de ce programme.
Le nouveau bâtiment de la bibliothèque, conçu par le cabinet d’architecture suisse Herzog & de Meuron, occupe 45 000 mètres carrés et comprend un auditorium, un centre pour les visiteurs et un amphithéâtre de plein air susceptible d’accueillir toutes sortes de propositions culturelles.
La vaste structure de 10 étages – six étages en hauteur, quatre en sous-sol, se trouve à 550 mètres à peine, entre la Knesset et le musée d’Israël.
Le bâtiment historique de la bibliothèque, qui compte six étages et a ouvert ses portes en 1960, est considéré comme un chef-d’œuvre de l’architecture israélienne.
Il a marqué une étape importante dans le développement de grands projets publics.
Dans la structure de la bibliothèque, on ne retrouve rien des modèles architecturaux des premiers temps de l’État d’Israël, à savoir Bauhaus, éclectisme ou orientalisme, explique l’architecte et géographe Michael Jacobson, qui a dirigé la visite du mercredi soir lors de l’Epilogue.
On y trouve en revanche des ouvrages en maçonnerie simples, des puits de lumière et des baies vitrées, dans l’une des salles de lecture, accompagnés d’éléments décoratifs et utilitaires susceptibles de s’adapter absolument partout.
« Les architectes disaient : Nous faisons partie du grand monde maintenant », explique Jacobson. Au lieu de s’appuyer sur les conceptions traditionnelles du lieu, ceux qui ont conçu et pensé cette bibliothèque ont voulu faire évoluer l’architecture israélienne.
Conçue par les architectes Shulamit Nadler et Michael Nadler (un couple dans la vie et au travail), et leurs partenaires Shmuel Bixon et Moshe Gil, la bibliothèque avait un escalier central circulaire, une climatisation centralisée et « des tonnes d’espace de stockage », souligne Jacobson.
Aucune de « ces choses n’existaient auparavant en Israël », ajoute-t-il. « Les gens vivaient dans des tentes à l’époque. »
Les architectes de la bibliothèque ont également conçu le théâtre de Jérusalem et la bibliothèque Sourasky de l’Université de Tel Aviv, ouvrant la période brutaliste israélienne, caractérisée par un design minimaliste et des matériaux de construction dépouillés.
Nombreux sont les éléments du bâtiment qui ont passé l’épreuve du temps, comme ces cours intérieures qui apportent de la lumière naturelle aux salles de lecture ou ces tables stratifiées vertes, aujourd’hui dotées de multiprises pour les téléphones et ordinateurs portables.
Une fois la bibliothèque partie dans ses nouveaux locaux, le bâtiment sera intégré à l’Université hébraïque. Bien que sa destination n’ait pas encore été définie, il est possible qu’il abrite à l’avenir un centre étudiant, suggère Jacobson.
« C’est un bâtiment versatile », ajoute-t-il, en montrant les murs et colonnes rétractables, pour créer d’autres espaces de travail.
« On a toujours besoin de ce type de bâtiment, même si les besoins peuvent être différents. »
Tout au long de la soirée, des groupes de visiteurs sont passés de salle en salle pour entendre écrivains, artistes, chanteurs et penseurs parler des livres et des écrits qui les ont inspirés, et du rôle que la Bibliothèque nationale a joué dans leur vie.
L’écrivain Haim Baer a évoqué les moments très spéciaux passés dans cette bibliothèque, qui abrite aujourd’hui ses archives, ainsi que ses sessions d’écriture dans ses salles de lecture et toutes ces choses qui l’ont inspiré.
La troupe théâtrale Rut Kenner a donné la représentation d’une pièce basée sur des lettres, des critiques, des commentaires et des plaintes du public lors de l’ouverture de la bibliothèque, il y a soixante ans.
Les visiteurs ont également pu laisser témoignages et réflexions sur la bibliothèque, dans un livre d’or disposé dans le hall.
« L’intégralité des livres, cartes et artefacts va déménager dans les nouveaux locaux, mais cela restera cette maison que tant de personnes ont fréquentée pendant près de 60 ans », conclut Rubinshtein.
« Ce lieu est riche d’histoires. »