Des créateurs de vidéos TikTok parlent de la Shoah à la future génération
Un projet de l'Université hébraïque vise à développer une vidéothèque pour les enseignants en partenariat avec la plate-forme, qui envoie aussi des créateurs de contenu à la Marche des vivants
À l’approche de la Journée de commémoration de la Shoah en Israël, le 24 avril, les créateurs actifs sur les réseaux sociaux cherchent à utiliser TikTok pour sensibiliser les jeunes générations à l’assassinat de six millions de Juifs par les nazis.
Cette semaine, pour la deuxième année consécutive, TikTok Israël invite 14 des meilleurs créateurs de contenu du pays à participer à la Marche des vivants, cette marche symbolique entre Auschwitz et Birkenau à laquelle participent des milliers d’adolescents, d’adultes et de survivants juifs du monde entier.
Accusée de laisser proliférer des contenus anti-Israël et antisémites, la plateforme de réseau social s’est associée à l’initiative d’un professeur de l’Université hébraïque visant à utiliser des vidéos de courte durée pour informer, lutter contre la banalisation de la Shoah et s’opposer à la diffusion de l’antisémitisme en ligne.
« Nous avons de nombreuses initiatives de sensibilisation à la Shoah dans plusieurs universités et ministères, que ce soit en Allemagne ou en Israël », explique le porte-parole de TikTok au Times of Israel.
« Nous sommes bien décidés à nous débarrasser de la haine et de l’antisémitisme et à préserver numériquement la mémoire de la Shoah pour les générations futures », affirme Lior Weintraub, directeur des relations gouvernementales chez TikTok Israël. « Ces principes trouvent leur expression dans cette initiative plus que bienvenue, dont nous faisons une tradition cette année. »
Les 14 créateurs, qui comptent chacun des centaines de milliers d’abonnés, documenteront leur voyage de quatre jours dans des vidéos destinées aux jeunes publics du monde entier, assure TikTok.

Cette initiative est l’œuvre de TikTok Israël en coordination avec le gouvernement israélien. L’année dernière, la délégation de créateurs de contenu a produit collectivement des dizaines de vidéos vues plus de 22 millions de fois.
La marche de cette année marque le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la libération des camps de concentration au sein de l’Europe occupée par les nazis.
Des efforts de mise en ordre
TikTok a adopté une approche proactive pour faire de sa plateforme un lieu de commémoration de la Shoah et lutter contre la haine en ligne avec ses près de deux milliards d’utilisateurs dans le monde.
Peu de temps avant la célébration de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de la Shoah, en janvier dernier, l’entreprise a lancé plusieurs ressources éducatives, et notamment une plateforme intégrée à l’application avec des vidéos de témoignages de survivants de la Shoah, des visites de sites commémoratifs de la Shoah, des histoires de victimes de la Shoah, etc.

Par le passé, TikTok a été critiqué pour avoir laissé des contenus antisémites se propager de manière endémique sur sa plateforme. Une étude de novembre 2023 avait noté que les utilisateurs de TikTok étaient plus susceptibles d’avoir des opinions antisémites que les utilisateurs de X ou d’Instagram et que le ratio entre hashtags pro-Israël et pro-palestiniens aux États-Unis s’établissait à 1 pour 54.
Ce sont les menaces brandies par le gouvernement américain d’interdire TikTok sur son territoire, ainsi que les pressions exercées par les investisseurs pro-israéliens de l’entreprise, qui ont forcé sa société mère, ByteDance, à faire des efforts et adopter une nouvelle approche.
Dans une déclaration communiquée au Times of Israel, TikTok explique utiliser un mélange de technologies et de modération humaine pour parvenir à identifier et supprimer les contenus ou comptes qui enfreignent ses directives. TikTok affirme disposer de dizaines de milliers de modérateurs de contenu chargés d’appliquer les règles concernant la haine ou le racisme.
« Nous avons également adhéré au Code de conduite de la Commission européenne pour lutter contre les discours de haine illégaux en ligne, et nous travaillons avec le Congrès juif mondial pour supprimer tout contenu antisémite de la plateforme », assure la société.

TikTok est grandement associé à la jeune génération, ce qui n’empêche pas plusieurs survivants de la Shoah de reconnaitre la valeur éducative de la plateforme.
Lily Ebert, survivante de la Shoah qui s’est fait connaître de millions de personnes sur les réseaux sociaux, y compris TikTok, avant de mourir, l’année dernière, à l’âge de 100 ans, et Gidon Lev, 88 ans, ont utilisé la plateforme pour lutter contre l’antisémitisme et la désinformation sur la Shoah.
Des récits sur la Shoah pour les enseignants
Dans le cadre d’une autre initiative, le professeur Tobias Ebbrecht-Hartmann, de l’Université hébraïque, a lancé une nouvelle plate-forme appelée Shoah Stories, qui propose des contenus vidéo de courte durée à utiliser dans les salles de classe et les établissements d’enseignement informels.
« Depuis 2021, je travaille à l’organisation de séminaires de formation, en Allemagne et dans le monde entier, pour apprendre aux enseignants à utiliser des plateformes comme TikTok pour parler de la Shoah », explique Ebbrecht-Hartmann au Times of Israel. « L’objectif est de donner accès aux enseignants à de courtes vidéos sur différents sujets du domaine de l’enseignement de la Shoah, ainsi que des ressources pédagogiques pour les guider dans l’utilisation du matériel. »

Le projet, soutenu par TikTok Allemagne avec un financement de la Fondation Alfred Landecker, fournira une bibliothèque de courtes vidéos de confiance provenant de TikTok, Instagram Reels et YouTube Shorts, ainsi que des ressources pédagogiques que les enseignants pourront intégrer à leurs cours sur la Shoah.
« Nous travaillons avec des enseignants de plusieurs mémoriaux de la Shoah, partout dans le monde, et nous espérons agrandir encore notre bibliothèque pour y inclure des documents en plusieurs langues », souligne Ebbrecht-Hartmann.
« Ces types de vidéos offrent aux téléspectateurs un accès facile à un sujet complexe », poursuit-il. « De toute évidence, elles ne remplacent pas l’apprentissage en classe ou la visite de mémoriaux ou de musées, mais elles permettent d’éveiller la curiosité. »
« Ce qui rend ces vidéos uniques, c’est qu’elles peuvent être utilisées pour étudier de petits détails, des histoires inédites, des perspectives personnelles, et ainsi créer différentes formes de liens émotionnels. C’est clairement leur valeur ajoutée. »