L’état-major d’un groupuscule néo-nazi jugé trois ans après sa dissolution
L'état-major du groupe skinhead Blood and Honour Hexagon, dissous en 2019 pour son idéologie néo-nazie raciste et antisémite, est jugé pour "participation à un groupe de combat"
« Un groupe d’amis qui organisent des concerts » ou un groupe de combat ? L’état-major du groupe skinhead Blood and Honour Hexagone (BHH), groupuscule d’ultradroite dissous en 2019 pour son idéologie néo-nazie raciste et antisémite, est jugé jusqu’à mercredi à Marseille.
Les croix gammées, les saluts nazis, « tout ça faisait partie du folklore », s’est défendu devant le tribunal correctionnel de Marseille Loïc Delboy, fondateur et chef de BHH, jugé pour participation à un groupe de combat avec deux autres responsables et un sympathisant.
Tatouages sur le cou, cet homme de 41 ans, aujourd’hui livreur de matériel médical et « agent d’accueil » au noir dans des établissements de nuit a présenté BHH comme un simple « groupe d’amis qui organisent des concerts ».
Mais, il n’a pas renié une idéologie raciste et antisémite assumant par exemple avoir prononcée en 2013 un discours appelant à « reconquérir la terre de nos ancêtres et non de l’abandonner aux chiens d’Israël et aux fils d’Allah ».
Aspirant désormais à une vie de famille, il estime que ce passé lui avait valu d’être injustement incarcéré en 2018 pour deux affaires de harcèlement et de violences conjugales avec arme. Lors de son interpellation en 2016, il revendiquait son appartenance à l’extrême droite « pour défendre [s]on pays comme l’engagement de [s]a vie ». Mais il assure désormais que cet engagement est « en sommeil »: « je garde mes idées pour moi », a-t-il dit au tribunal.
Blood and Honour Hexagone n’avait pas contesté sa dissolution par décret en juillet 2019 par le président de la République qui en avait fait la promesse lors d’un dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). « Quel intérêt d’engager un avocat pour contester la dissolution alors que cela faisait déjà deux ans qu’on n’existait plus, qu’on n’organisait plus de concerts », a-t-il expliqué à la présidente du tribunal Karine Sabourin.
Poings américains ornés de croix gammées
David Dumas, trésorier de l’association Hexa Prods, vitrine légale de BHH, a lui contesté appartenir à un groupe de combat ayant accès aux armes et susceptible de troubler l’ordre public.
La procureure, Laurie Leblond, énumère les titres de la littérature nazie retrouvés chez lui avec des photos le représentant bras levé, un briquet à l’effigie d’Hitler ou une statuette de l’aigle nazi. Cet imprimeur de 51 ans répond aujourd’hui ne plus « rien penser du nazisme ».
Jérémy Recagno, un tatoueur d’Aubagne qui n’avait jamais été membre de BHH mais était un sympathisant, tenant par exemple un stand de tatouage lors des concerts et tournois d’arts martiaux interdits à l’époque organisés par le groupuscule, ne s’est pas présenté par « peur des représailles », a justifié son défenseur Me Yassine Maharsi sans en dire plus.
Au terme de leur enquête, les gendarmes avaient eux conclu que « Blood and Honour Hexagone est une machine à idéologie national-socialiste dont le but est de distiller des messages de haine ».
Ils avaient notamment saisi chez la vingtaine de membres que réunissait ce groupuscule un fusil à pompe remilitarisé, une grande quantité d’armes blanches, des dagues avec le sigle SS, des battes de base-ball, des poings américains ornés de croix gammées, des gilets pare-balles, utiles pour assurer la sécurité des rassemblements.
BHH organisait quatre grandes manifestations par an dont le « White Christmas » et le Ian Stuart Donaldson, à la mémoire du fondateur anglais de ce mouvement dont le nom reprend la devise des jeunesses hitlériennes: Sang et Honneur. Cette dernière manifestation s’achevait traditionnellement sur une minute de silence accompagnée du salut nazi.
Les concerts qu’ils montaient en région lyonnaise pouvaient rassembler jusqu’à 400 personnes. A la sortie de l’un d’eux en 2016, dans la salle des fêtes de Torcheflon (Isère), sur 363 personnes contrôlées par les gendarmes, 68 étaient fichées « Sûreté de l’Etat », membres de l’ultradroite radicale.
Quatre autres prévenus sont jugés dans ce dossier uniquement pour des infractions à la législation sur les armes sans lien avec le groupuscule d’ultradroite, dont un ancien armurier chez lequel un arsenal avait été découvert en juin 2016.