Des élus appellent à la relance de la refonte judiciaire suite à l’arrêt de la Cour
Smotrich : la Cour mène une guerre contre la démocratie ; Ben Gvir : la décision constitue un conflit d'intérêts ; l'opposition dénonce la menace qui pèse sur l'État de droit
Des parlementaires de la coalition se sont ralliés dimanche au ministre de la Justice Yariv Levin, appelant à la relance de sa refonte judiciaire, largement controversée, gelée et rejetant la décision de la Haute Cour selon laquelle il doit convoquer la commission de sélection des juges et élire un nouveau juge.
Le ministre d’extrême-droite des Finances, Bezalel Smotrich, a écrit sur le réseau social X qu’il avait été informé de la décision « déconnectée, scandaleuse et agressive » à la sortie d’une discussion sur le budget de l’État avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu et que « c’est exactement la différence entre la responsabilité nationale et l’irresponsabilité nationale ».
« Alors que nous menons une guerre existentielle sur sept fronts, la Cour continue de piétiner la démocratie et l’État de droit », a-t-il poursuivi, estimant que les juges « détricotent les fondements de la société ».
« Nous soutenons le ministre de la Justice Yariv Levin, qui se tient au nom de nous tous contre le seul organe du pays qui ne reconnaît pas les limites du pouvoir. Les correctifs apportés au système judiciaire sont essentiels pour un Israël Juif et démocratique et nous y reviendrons immédiatement après la guerre », a-t-il déclaré.
Dans le cadre de son programme de refonte du système judiciaire visant à renforcer le contrôle du gouvernement sur le pouvoir judiciaire, Levin refuse depuis des mois d’organiser un vote sur un nouveau président de la Cour, car il souhaite que le très conservateur Yosef Elron soit nommé président ou, à défaut, que l’un des deux universitaires conservateurs purs et durs soit nommé à l’un des deux sièges vacants de la Cour suprême.
La décision unanime réfutant l’affirmation du ministre de la Justice selon laquelle, en tant que président de la commission, la loi lui donne un pouvoir discrétionnaire illimité pour convoquer la commission de sélection des juges, signifie que les efforts de Levin pour renverser le système d’ancienneté vieux de dix ans ont été contrecarrés, pour le moment.
Levin a dénoncé la décision comme étant anti-démocratique et « invalide », et a déclaré qu’il boycotterait le président entrant puisque la nomination serait, selon lui, « illégale » et « illégitime. »
Soutenant que la décision unanime constitue « un grave conflit d’intérêts » de la part des juges, le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a déclaré que la seule conclusion que l’on pouvait tirer de la décision était « qu’il est urgent de rétablir la refonte judiciaire dès que possible ».
Le ministre des Communications, Shlomo Karhi, a dénoncé la « dictature judiciaire » d’Israël et a appelé au non-respect de la décision.
« La loi stipule que l’autorité revient au ministre de la Justice. Toute tentative de lui retirer cette autorité par la force est illégale et doit être annulée », a-t-il écrit sur X.
« Les honorables juges voudront enfreindre la loi, qu’ils le fassent eux-mêmes et ne forcent pas les citoyens respectueux de la loi à le faire. Après tout, ils peuvent déterminer dans un jugement qui est le président de la Cour suprême, qui est le président de l’État et qui est le Premier ministre », a-t-il fait valoir, insistant sur le fait « qu’il est interdit de coopérer » avec la Cour.
« C’est contraire à la loi ! Mettez fin à la dictature judiciaire », a-t-il ajouté.
Le député Simcha Rothman, président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset et l’un des architectes de la refonte – mise en suspens depuis le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre -, a fait valoir que la Haute Cour agissait en violation de la loi avec cette ordonnance.
Afin de « s’assurer que le contrôle du processus de nomination des juges est entre les mains du peuple et de ses représentants élus, la loi stipule que le contrôle de l’ordre du jour de la commission est entre les mains du ministre de la Justice », a-t-il écrit sur X.
« C’est le mandat législatif et dans un pays de droit, tout le monde doit obéir à la loi, y compris la Cour. »
Parallèlement, les figures de l’opposition ont mis en garde contre la reprise de la refonte.
Affirmant que la volonté de refonte du système judiciaire a conduit au pogrom du Hamas du 7 octobre, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a exigé que le ministre de la Justice convoque instamment la commission de sélection des juges.
« Le coup d’État de Yariv Levin a conduit le pays au désastre du 7 octobre. Il doit convoquer la commission instamment. Sans État de droit, nous n’aurons pas d’État », a déclaré Lapid dans un communiqué, peu après l’annonce de la décision de la Cour.
L’ancien ministre du cabinet de guerre, Benny Gantz, a exigé que le ministre de la Justice se conforme à la décision ou qu’il démissionne.
« La responsabilité de ne pas entraîner l’État d’Israël dans une crise constitutionnelle en général, et en temps de guerre en particulier, incombe au Premier ministre [Benjamin Netanyahu] et il doit s’assurer que la loi est respectée et que l’arrêt de la Haute Cour est suivi », a déclaré le chef du parti d’opposition HaMahane HaMamlahti.
« Si [Levin] pense que c’est le moment de se battre pour le système d’ancienneté plutôt que contre le [groupe terroriste palestinien du] Hamas, cela indique qu’il a de mauvaises priorités et que lui et le Premier ministre n’ont rien appris de la faiblesse dans laquelle nous nous trouvions à la veille de la guerre », a-t-il ajouté – appelant Levin à suivre la décision de la Cour ou à « déposer les clés et à démissionner ».
Répondant aux appels des ministres en faveur d’une reprise de la refonte, le chef d’Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, a insisté sur le fait que le gouvernement ne devait pas se laisser distraire par la guerre.
« Ce n’est pas le moment de faire des guerres juives », a-t-il écrit sur X, arguant que le gouvernement n’est actuellement obligé de faire que deux choses : vaincre les ennemis d’Israël et ramener les otages à la maison.
« Ce n’est qu’une fois ces deux objectifs atteints que d’autres questions pourront être abordées », a-t-il ajouté, déclarant que si le système judiciaire a besoin de changements, « la seule réforme qui est nécessaire et qui a été retardée depuis la création de l’État est l’établissement d’une constitution et d’une Cour constitutionnelle ».
Le député Gideon Saar, chef du parti d’opposition conservateur Tikva Hadasha, a appelé Levin à obéir à la décision de justice.
Il a écrit sur X qu’il était dommage que la Haute Cour de justice ait dû se prononcer sur la question, mais « après une année au cours de laquelle la commission présidée par le ministre de la Justice s’est abstenue de le faire, il n’y a pas moyen d’y échapper », déclarant que « le verdict doit être respecté ».
Saar, qui a plaidé en faveur d’une refonte judiciaire, mais s’est opposé aux propositions du gouvernement en estimant qu’elles allaient trop loin, a ajouté que les tensions entre l’exécutif et le judiciaire étaient « contraires à l’intérêt national », en particulier en temps de guerre.
Le plan du gouvernement visait à retirer du pouvoir aux tribunaux et au procureur général – actuellement Gali Baharav-Miara -, diluant ainsi le rôle du pouvoir judiciaire en tant que contrôle du pouvoir gouvernemental.
Cette initiative a été largement suspendue à la suite de l’assaut barbare et sadique du Hamas du 7 octobre, mais nombreux sont ceux qui pensent que le gouvernement pourrait relancer son projet, remettant ainsi sur le devant de la scène le clivage idéologique qui a secoué Israël pendant la majeure partie de l’année 2023, alors même que la guerre est toujours en cours à Gaza et que des dizaines de milliers de personnes restent déplacées dans le nord et le sud du pays.