Des fonds publics ont été utilisés pour bâtir des avants-postes illégaux
Un conseil d'implantation, des ministères et KKL-JNF financent des constructions dans des communautés sauvages, a expliqué Yosef Shapira
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le contrôleur de l’Etat a critiqué un conseil régional de Cisjordanie, lundi, qui aurait utilisé des fonds publics pour financer des projets de construction dans des avants-postes illégaux en coopération avec divers ministères gouvernementaux ainsi qu’avec le KKL-JNF.
« Les activités du conseil régional de Binyamin doivent être jugées avec une grande sévérité », a écrit Yosef Shapira dans un nouveau rapport, fustigeant la plus importante instance régionale de Cisjordanie qui gouverne plus de 50 implantations.
« Un organisme public chargé de protéger la loi agit en vue de permettre la construction d’avants-postes illégaux », a-t-il ajouté. « Le conseil… autorise la construction illégale en Judée et Samarie (Cisjordanie) et en fait même la promotion ».
Tandis que la communauté internationale considère comme illégales toutes les activités d’implantation, Israël fait la différence entre les habitations construites dans les implantations légales et autorisées par le ministère de la Défense sur des terrains qui sont propriété de l’Etat et les avant-postes illégaux édifiés sans les autorisations nécessaires et souvent sur des terres privées palestiniennes.
Le rapport diffusé lundi offre plusieurs exemples d’avants-postes où le conseil régional de Binyamin a promu les constructions, en recevant même l’aide de ministères gouvernementaux.
Au mois de juillet 2015, le conseil régional a ainsi commencé à travailler sur une promenade reliant l’implantation de Talmon à l’avant-poste voisin de Neria pour un coût de 1,25 million de shekels.
Deux mois plus tard, l’Administration civile – l’instance du ministère de la Défense chargée des autorisations de construction en Cisjordanie – a émis un ordre de démolition contre ce projet.
Mais cette ordonnance n’a pas empêché le conseil régional, aux côtés des ministères de l’Agriculture (Uri Ariel) et de l’Intérieur (Aryeh Deri), d’investir encore 1,25 million de shekels dans ce réseau piétonnier.
Tandis que le conseil a insisté sur le fait que cette allée était construite pour des raisons sécuritaires – un prétexte qui a été utilisé dans le passé pour exproprier des terres palestiniennes – le contrôleur de l’Etat a rejeté cette affirmation. Citant les structures d’activités en plein air et les bancs de pique-nique, Shapira a estimé que l’objectif du projet était de promouvoir le tourisme, même s’il est impossible de dire, dans tous les cas, si une nécessité sécuritaire légitime aurait été susceptible de changer son approche.
Au mois de février 2016, le conseil régional a alloué 3,5 millions de shekels pour la construction d’une piste cyclable pour l’implantation de Talmon sur des terres privées palestiniennes, aux abords de la communauté développée.
Presque la moitié des fonds provenait du ministère des Transports tandis que le reste du financement a été versé par KKL-JNF.
L’argent des ministères a été transféré au conseil régional après que l’Administration civile a réclamé l’arrêt des travaux, a précisé le rapport.
« Les ministères continuent à investir directement dans des constructions illégales. Ils doivent s’en abstenir et s’assurer que l’argent n’est pas transféré si la construction n’est pas faite dans le respect de la loi », a averti Shapira.
Le rapport a également dénoncé le conseil régional pour avoir dépensé 2 millions de shekels dans la rénovation de routes au sein des avants-postes de Harel et d’Esh Kodesh. Ce dernier ne se trouve même pas placé sous l’autorité de la municipalité.
Répondant au rapport, le conseil régional a fait savoir que le contrôleur « a ignoré les complexités légales et politiques de la Judée-Samarie, qui comprennent l’absence de lois claires en ce qui concerne la conduite des autorités ».
L’instance municipale a déclaré que toute erreur potentielle avait été commise de « bonne foi » et a été depuis rectifiée et que le rapport ne reflète pas la réalité actuelle.
Concernant le financement apporté dans les avants-postes illégaux, le conseil a insisté sur le fait qu’il avait la responsabilité de répondre aux besoins de base des résidents, indépendamment de l’endroit où ils choisissent de vivre. Il a également souligné que le gouvernement a, au cours de l’année passée, oeuvré en faveur de la légalisation de ce type de communautés.
De plus, le conseil régional a affirmé financer exclusivement l’établissement d’habitations modulaires dans les avants-postes, qui peuvent être démontées si nécessaire.
Dans sa propre réponse au rapport, l’observatoire des implantations La Paix maintenant a appelé les ministères à « exercer leur autorité et à mettre un terme aux constructions illégales ».
« Il est temps que les responsables de telles méthodes soient traduits devant la justice et qu’ils soient placés dans l’obligation de régler la dette qu’ils ont contractée envers les Israéliens », a ajouté l’ONG de gauche.
Le KKL-JNF a décliné la demande de commentaires soumise par le Times of Israel.
Au mois de novembre 2017, Shapira avait publié un autre rapport critique de la conduite du conseil régional de Binyamin.
Il l’avait accusé d’avoir truqué des appels d’offres et d’avoir transmis des fonds publics à deux ONG de droite.
Shapira avait accusé le Conseil Régional de Binyamin, dirigé par l’ancien président du conseil d’implantations Avi Roeh, d’avoir transféré des centaines de milliers de shekels à deux organisations entretenant des liens étroits avec le député de HaBayit HaYehudi, Bezalel Smotrich. Le rapport avait été publié seulement deux jours après l’introduction par le législateur d’un texte visant à limiter l’autorité du contrôleur de l’Etat.
Dans ce rapport, Shapira avait estimé que le conseil régional de Binyamin avait « adapté les conditions » pour lesquelles des ONG pouvaient recevoir un soutien financier de la part de l’organisme dirigé par Roeh « afin que seules des ONG spécifiques puissent en bénéficier ».
Le rapport n’avait pas mentionné les deux ONG, mais en se basant sur des conversations avec différents officiels des implantations, le Times of Israël avait pu établir leurs identités. La première ONG était Regavim, une organisation qui surveille les constructions palestiniennes et bédouines en Israël et en Cisjordanie. La deuxième était un petit groupe connu sous le nom d’Horizon pour l’Implantation, qui achète des terrains en Cisjordanie pour la construction d’implantations.
Le conseil de Cisjordanie, qui reçoit environ les deux-tiers de son budget de la part du gouvernement, avait établi le rapport. Comme tous les conseils locaux, le conseil régional de Binyamin est autorisé à utiliser une partie de son budget pour financer certaines activités des ONG. Pourtant, il faut que ce soutien financier soit apporté après des appels d’offres sérieux afin de s’assurer que les fonds soient « distribués de manière équitable ».
Interrogé sur la raison pour laquelle le contrôleur de l’Etat avait choisi une fois encore de concentrer ses travaux sur le conseil régional de Binyamin dans son rapport de lundi, un responsable du bureau de Shapira a expliqué que le contrôleur n’avait pas été convaincu de la réalité des changements substantiels dans le comportement de l’instance municipale.