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Des gays israéliens racontent la thérapie de conversion et ses souffrances

Des hommes ayant grandi dans des familles religieuses racontent les films pornographiques hétérosexuels imposés pendant le traitement et le mal-être sous forme d'envie d'en finir

Le ministre de l'Education Rafi Peretz arrive pour la réunion hebdomadaire de cabinet au bureau du Premier ministre de Jérusalem, le 30 juin 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le ministre de l'Education Rafi Peretz arrive pour la réunion hebdomadaire de cabinet au bureau du Premier ministre de Jérusalem, le 30 juin 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Dans un contexte d’indignation suscité par les propos du ministre de l’Education sur ce qu’on appelle la thérapie de conversion, un nombre croissant de gays israéliens ayant grandi dans des communautés religieuses ont décidé de prendre la parole.

Ils ont voulu raconter leurs expériences sur ces thérapeutes prédateurs et sur les traitements comportementaux bizarres adoptés dans le cadre de cette pratique controversée qui, pour un grand nombre de ceux qui l’ont subie, les a parfois amenés jusqu’à la tentative de suicide.

Pour les responsables de santé du monde entier, la thérapie de conversion est scientifiquement douteuse et peut être dangereuse.

Les thérapies de conversion des homosexuels, appelées également thérapies réparatrices, ont été fortement découragées en Israël, aux Etats-Unis et ailleurs, les organisations de santé majeures dénonçant ce qu’elles ont qualifié de méthodes pseudo-scientifiques et mettant en garde contre une approche de l’homosexualité appréhendée sous l’angle de la pathologie mentale.

Même si le ministère de la Santé israélien déconseille ce traitement, convenant qu’il est à la fois scientifiquement peu crédible et potentiellement dangereux, aucune législation ne limite la pratique – qui est encore acceptée et recherchée dans certains cercles conservateurs et orthodoxes.

« Je voulais changer à cause de ce qui m’avait été enseigné et j’ai cru que c’était ce qui fallait que je fasse », a raconté Nadav Schwartz au site Walla.

« Etre gay est interdit et je voulais être comme tout le monde. Je pensais vraiment que c’était ce qu’il fallait que je fasse », répète-t-il.

Schwartz raconte qu’il s’est avéré que son « thérapeute » était un délinquant sexuel qui avait pris l’habitude d’avoir des relations sexuelles avec les jeunes gens qui lui avaient été confiés. Le praticien a été ultérieurement accusé d’abus sexuels, selon le site.

« Il m’a dit que c’était à cause de mon père que j’étais gay et que si je trouvais ce que mon père avait pu me faire, je changerais », se souvient Schwartz dans un récit raconté dimanche.

Dans une autre interview publiée lundi par le quotidien Haaretz, un autre ancien « patient », qui n’a été identifié que sous la lettre N., s’est souvenu d’une expérience similaire. Né à Jérusalem et âgé de 28 ans, N. explique dans le journal que ses parents l’ont envoyé suivre une thérapie de conversion au moment de son inscription dans une yeshiva de la ville.

N. raconte que son thérapeute lui a demandé de regarder des films pornographiques hétérosexuels et de se masturber pour tenter de « soigner » son homosexualité. Le praticien lui a expliqué que regarder du porno, dans cette situation, était autorisé sous les termes de la loi juive et que, ce faisant, l’adolescent ferait « une mitzvah [une bonne action] ».

Des participants religieux à la Gay Pride à Jérusalem, le 18 septembre 2014. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Le thérapeute de N. lui a également donné pour instruction de porter un élastique au poignet et de le faire claquer contre sa peau à chaque fois qu’il se sentait attiré par un homme.

Après des mois de traitement sans résultat, N. a commencé à se sentir coupable vis-à-vis de ses parents, accablé par son impuissance à répondre de manière favorable aux soins coûteux de la thérapie. Il a alors commencé à s’auto-mutiler.

« Je suis devenu accro à la douleur, j’ai considéré qu’elle était une sorte de solution, de rédemption, si on peut dire. »

Alors qu’il était en première, ses pratiques d’automutilation ont atteint un niveau dangereux. Il a été hospitalisé pour avoir bu de l’eau de javel.

Devenu adulte, N. raconte avoir tenté de retrouver son thérapeute – qui s’était présenté à ses parents comme un psychologue diplômé et agréé – en vain.

« Encourager quelqu’un qui se déteste à se faire du mal, c’est donner les clés d’une voiture à un alcoolique », dit N. à Haaretz.

Shay Bramson, qui est maintenant avocat pour les jeunes gays religieux et qui est vice-président du groupe Havruta pour les LGBTQ religieux, décrit des expériences similaires vécues au cours de sa propre thérapie de conversion, il y a maintenant presque 20 ans.

Contrairement à N., Bramson explique avoir volontairement cherché de l’aide pour réprimer son attirance pour les garçons à l’âge de 13 ans en raison de la pression sociale et de ce stigmate que représente l’homosexualité dans la communauté religieuse.

Bramson dit à Haaretz avoir été pris en charge par un professeur de psychologie pendant trois ans alors qu’il était adolescent, sans que ses parents ne le sachent.

Une partie de son traitement, se souvient-il, consistait à regarder du porno hétérosexuel, à se masturber et à se punir pour ses pensées homosexuelles.

Une autre étape du traitement avait consisté à invoquer un sentiment fort de culpabilité et à s’approprier l’idée que l’homosexualité était un choix. Son thérapeute lui disait : « Tu dois prendre une décision : Etre un gars normal ou un type laïc débauché qui vit à Tel Aviv en souffrant d’une MST », rapporte-t-il.

Bramson, dans une autre interview, a raconté au site Ynet que des amis à lui avaient également suivi des thérapies de conversion qui avaient été à l’origine, pour eux, de dépressions et de pensées suicidaires.

Le ministre de l’Education Rafi Peretz arrive pour la réunion hebdomadaire de cabinet au bureau du Premier ministre de Jérusalem, le 30 juin 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Des efforts de législation déjoués

La question de la conversion des homosexuels a été remise au centre des débats cette semaine après que le ministre de l’Education – éducateur de carrière – a expliqué avoir envoyé des étudiants suivre cette thérapie, estimant qu’il était « possible » de modifier leur orientation sexuelle. Ses propos, tenus sur la Douzième chaîne, ont provoqué un tollé dans le public comme chez les députés de tout le spectre politique, y compris chez le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Des manifestants se sont rassemblés dimanche à Tel Aviv pour exiger la démission du ministre de l’Education « homophobe ».

Une autre manifestation contre Peretz était programmée lundi soir.

Il y aurait environ 20 à 30 psychologues et travailleurs sociaux agréés et 50 thérapeutes non agréés qui pratiquent une forme quelconque de thérapie de conversion en Israël, avait déclaré en 2016 le rabbin Ron Yosef de l’organisation gay orthodoxe Hod.

En Israël, les praticiens affirment que leurs services sont recherchés et particulièrement par les hommes juifs orthodoxes désireux de tourner le dos à leur homosexualité pour pouvoir épouser une femme et élever une famille traditionnelle, conformément aux valeurs religieuses conservatrices.

D’importantes organisations médicales aux États-Unis affirment qu’il n’existe aucune preuve que les efforts de changement d’orientation sexuelle sont efficaces et que la thérapie peut renforcer la haine de soi, la dépression et les phénomènes d’automutilation.

L’Association des psychologues israéliens avait tiré des conclusions similaires dans un article de 2011, que le ministère de la Santé israélien avait finalement fait siennes fin 2014. Mais l’association avait également approuvé une revendication émanant des praticiens de la thérapie de conversion, estimant que le « politiquement correct » empêchait probablement le financement et la publication d’études portant sur l’efficacité potentielle de la thérapie.

S’il y a eu depuis 2015 des tentatives visant à mettre hors-la-loi les thérapies de conversion, les partis ultra-orthodoxes ont rejeté ces législations de manière répétée à la Knesset.

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