Des Iraniens craignent une frappe d’Israël, pour leur économie, et en veulent au régime
Après l'attaque iranienne, le rial a plongé et les Iraniens font des stocks ; le CGRI interdit aux Iraniens de publier des messages pro-israéliens sur les réseaux sociaux

DUBAI, Émirats arabes unis (Reuters) – La perspective de représailles israéliennes contre l’Iran en réponse à son attaque de drones et de missiles du week-end dernier a suscité de vives inquiétudes chez de nombreux Iraniens déjà confrontés à des difficultés économiques et à des contrôles sociaux et politiques de plus en plus stricts depuis les manifestations de 2022-23.
Les dirigeants politiques et militaires iraniens ont averti à plusieurs reprises qu’ils répondraient à toute riposte israélienne par une escalade supplémentaire, ce qui pourrait déclencher d’autres attaques.
Et cela ne présagerait rien de bon pour les citoyens ordinaires, a expliqué Hesam, une enseignante de 45 ans originaire de la ville d’Amol, dans le nord du pays.
« La pression économique augmentera, notre sécurité sera menacée… Nous devons éviter les conflits à tout prix. Je ne veux pas de guerre. Comment puis-je protéger mes deux enfants ? Nous ne serons en sécurité nulle part. »
Parvaneh, femme au foyer, craint qu’une frappe israélienne ne porte le coup de grâce pour l’économie, affaiblie par des années de sanctions, de mauvaise gestion et de corruption.
« Nous, le peuple iranien, avons enduré plus qu’il n’en faut depuis des années. La guerre n’apporte que des désastres. Mon mari est ouvrier d’usine. Nous n’avons même pas assez d’argent pour acheter des produits de base, et encore moins pour faire des réserves », a expliqué cette mère de deux enfants, âgée de 37 ans, de la ville de Yazd, dans le centre du pays.
Les Iraniens à revenus moyens et bas supportent une grande partie du fardeau des difficultés économiques actuelles, avec une inflation supérieure à 50 %, la hausse des prix des services publics, de l’alimentation et du logement, et la chute abrupte du rial.
La riposte de l’Iran à ce qui a été décrit par Téhéran comme une attaque israélienne contre son consulat à Damas le 1er avril a provoqué un sentiment de fierté mêlé de crainte.
« Je suis très fier des attaques contre Israël. C’est eux qui ont commencé. Nous devions riposter. Israël ne peut rien faire. Ils savent que l’Iran est très puissant », a affirmé à Reuters Hossein Sabahi, 30 ans, fonctionnaire dans la ville de Tabriz.

Peu après l’attaque, la télévision nationale iranienne a retransmis les petites manifestations qui ont eu lieu dans plusieurs villes en soutien à l’assaut sans précédent de Téhéran, aux cris de « Mort à Israël » et « Mort à l’Amérique ».
Mais la réalité économique derrière cet acte provocateur est palpable sur les marchés.
La peur de la guerre a fait exploser la demande de devises fortes. Selon Bonbast.com, qui recueille des données en direct des bourses iraniennes, le rial est brièvement tombé à un niveau record d’environ 705 000 pour un dollar américain lors de l’attaque de samedi.
« Depuis dimanche, les gens achètent des devises fortes. La peur de la guerre a stimulé mes affaires », a déclaré un homme d’affaires de Téhéran.
Les dirigeants iraniens pourraient également avoir des raisons de s’inquiéter.
Selon les médias d’État, l’unité de renseignement du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) a publié dimanche un communiqué surprenant déconseillant toute publication pro-israélienne par les utilisateurs iraniens des réseaux sociaux.
This is a video from Iran. It's nearly 2 am per the commentator, and Iranians are lining up to fill their cars with gas and hitting the corner store for food and supplies. (via Telegram) pic.twitter.com/HRTHETfZar
— Holly Dagres (@hdagres) April 13, 2024
Certains opposants iraniens à l’establishment religieux, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Iran, ont été jusqu’à exprimer leur soutien à Israël en ligne.
« Beaucoup de gens sont frustrés par les difficultés économiques et les restrictions sociales…. Une frappe israélienne pourrait libérer leur colère refoulée et relancer les manifestations, ce qui est la dernière chose dont nous ayons besoin face à la menace d’un ennemi étranger », a déclaré un ancien responsable du camp dit modéré iranien.
Cette atmosphère d’inquiétude générale n’a fait que croître avec l’évacuation par certains gouvernements occidentaux des familles de leurs diplomates, rappelant aux Iraniens les plus âgés l’atmosphère fébrile qui régnait lors de l’invasion de l’Irak en 1980 ou lors des troubles de la révolution de 1979.
« Les étrangers qui quittent l’Iran sont le signe que nous allons être attaqués par Israël…. Nous serons encore plus isolés… Nous serons encore plus malheureux », a expliqué Mohammad Reza, ingénieur à Téhéran, qui, comme d’autres, n’a pas voulu donner son nom complet.
L’Iran a lancé une attaque directe sans précédent contre Israël samedi en fin de journée, en envoyant plus de 300 drones et missiles d’attaque.
Selon l’armée israélienne, l’attaque de l’Iran comprenait 170 drones, 30 missiles de croisière et 120 missiles balistiques, dont 99 % ont été interceptés par les défenses aériennes.

La plupart des projectiles ont été interceptés avant qu’ils n’atteignent Israël, grâce, notamment, au concours des États-Unis, de la Jordanie et d’autres alliés, et n’ont fait qu’une seule victime, une fillette bédouine, touchée et grièvement blessée par la chute d’éclats d’obus dans le désert du Neguev. La base de l’armée de l’air de Nevatim, dans le sud du pays, a subi des dommages mineurs à ses infrastructures, a indiqué Tsahal, mais est restée opérationnelle pendant l’attaque.
Lundi, le cabinet de guerre israélien s’est réuni pour élaborer une réponse. Selon certaines sources, Israël se sentirait obligé de lancer une riposte dissuasive contre l’Iran, sans pour autant déclencher une guerre régionale ou contrarier les alliés d’Israël qui l’ont appelé à la retenue.
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.