Des partis politiques français mobilisés contre l’antisémitisme
"Ça fait des années qu'on demande que la société civile se saisisse de l'antisémitisme", commente à l'unisson le président du Consistoire Joël Mergui
Edouard Philippe en tête, plus de la moitié du gouvernement et de nombreux représentants de la classe politique participeront mardi à des rassemblements en France contre la hausse des actes antisémites, dont celui ayant visé l’académicien Alain Finkielkraut en marge du mouvement des « gilets jaunes ».
« Il faut être totalement déterminé, je dirais presque enragé, dans notre volonté de lutter » contre l’antisémitisme qui « est très profondément enraciné dans la société française », a plaidé Edouard Philippe, dans un entretien publié mardi par l’Express.
Dans « un geste symbolique », avant les rassemblements prévus, les présidents du Sénat, Gérard Larcher (LR), et de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand (LREM), se recueilleront à 18H15 au Mémorial de la Shoah.
Les rassemblements, dont le principal se tiendra place de la République à Paris à 19H00, sont, eux, la suite d’un appel signé par une vingtaine de partis, à l’initiative du premier secrétaire du PS Olivier Faure. Le Rassemblement national de Marine Le Pen, qui n’a pas été invité par M. Faure, a annoncé lundi qu’il organiserait un hommage de son côté.
Face à une recrudescence des actes antisémites en 2018, M. Faure a souhaité que les partis s’emparent du flambeau de la lutte contre l’antisémitisme, plutôt que les représentants de la communauté juive. Au total, 541 actes antisémites ont été recensés en 2018, un chiffre en hausse de 74 % sur un an mais qui reste inférieur au dernier pic de 2014 (851) et de 2004 (974).
« Tout est né du fait que je ne voulais pas que ce soit une affaire de juifs, mais une affaire de Français », explique à l’AFP le député de Seine-et-Marne.
Le grand rabbin Haïm Korsia, avec qui M. Faure a discuté avant de lancer son appel, approuve la démarche. « C’est un sursaut républicain », salue-t-il. « Ça fait des années qu’on demande que la société civile se saisisse de l’antisémitisme », commente à l’unisson le président du Consistoire Joël Mergui. Même s’il regrette que les participants ne disent pas également « non à l’anti-sionisme ».
De nombreuses personnalités ont annoncé leur venue, dont les anciens présidents Nicolas Sarkozy, François Hollande, l’ex-Premier ministre Bernard Cazeneuve, le président de LR Laurent Wauquiez, celui de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan, les responsables syndicaux Laurent Berger (CFDT) et Philippe Martinez (CGT).
Le tête de liste PCF pour les européennes, Ian Brossat, sera accompagné de Lassana Bathily, héros de l’Hyper Cacher, enseigne visée par une attaque terroriste en 2015, qui a rejoint le comité de soutien de la liste PCF.
Pas le RN
Le président de la République Emmanuel Macron, qui a vivement dénoncé les actes antisémites et qui s’exprimera mercredi soir au dîner du CRIF, n’en sera pas.
Un doute a brièvement régné sur la participation de la France insoumise, qui ne faisait pas partie de la liste des premiers signataires de l’appel jeudi mais qui sera présente.
Pour le député PS, M. Mélenchon n’est « à l’évidence » pas antisémite. Mais « peut-être par souci tactique, par volonté de séduire des gens dont il peut penser qu’ils peuvent avoir des accointances avec l’antisémitisme, cela peut l’amener à commettre ces faux pas », a-t-il affirmé sur BFMTV lundi soir, dans une allusion aux « gilets jaunes ».
Ce mouvement protéiforme a de nouveau été accusé samedi d’avoir dans ses rangs des personnes antisémites, après les insultes proférées samedi à l’encontre du philosophe Alain Finkielkraut, en marge d’une manifestation à Paris.
« Il serait faux et absurde de dire que le mouvement des gilets jaunes est antisémite », a estimé Edouard Philippe. Mais « à l’occasion de la crise des ‘gilets jaunes’ un certain nombre de garde-fous ou de digues sont tombés ».
Plusieurs « gilets jaunes », Maxime Nicolle et Jérôme Rodrigues notamment, ont rappelé qu’ils étaient « contre le racisme » et « l’antisémitisme ». Le groupe des « Gilets jaunes citoyens » emmenés par Thierry Paul Valette a annoncé sa venue à la manifestation de Paris.
Le Rassemblement national, lui, n’en sera pas. Dans un communiqué, le parti de Marine Le Pen explique qu’il « n’entend pas défiler aux côtés de formations et de dirigeants politiques qui, soit n’ont rien fait depuis trente ans contre l’implantation des réseaux islamistes dans les quartiers, soit les ont encouragés, soit même entretiennent à leur égard un double langage irresponsable et criminel ».
« Le choix fait d’exclure l’extrême droite est lié à leur histoire, à leur présent aussi. Je ne me vois pas signer avec Marine Le Pen, alors même qu’elle soutient Jair Bolsonaro, Matteo Salvini, Viktor Orban, Sebastian Kurz », s’est défendu M. Faure auprès de l’AFP.
Le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan, dont la formation n’a pas été invitée non plus, a indiqué mardi sur Cnews qu’il participerait au rassemblement, tout en disant ne pas être « dupe d’une sorte de grand cirque qui cherche à disculper la responsabilité de ceux qui vont être en tête du cortège » dans la montée d’un islamisme antisémite.
Pour l’historienne et directrice émérite de recherche au CNRS Annette Wievorka, les insultes contre Alain Finkielkraut révèlent « une cristallisation de choses que l’on sent dans l’espace public et qui atteste d’une sorte de convergence de plusieurs types d’antisémitisme » : celui « de l’ultra gauche qu’on appelle le gaucho islamisme », celui « de la vieille extrême droite française », et « l’antisémitisme populaire ou populiste que l’on a vu chaque fois qu’il y a une fièvre hexagonale ».