Des personnalités du monde des affaires appellent à stopper la refonte judiciaire
Des hommes d'affaires de premier plan ont exhorté l'opposition et la coalition à reprendre les négociations, s'abstenant d'appeler à la grève
Ce sont des dizaines de personnalités de l’industrie qui ont appelé le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu à stopper l’avancée, au parlement, d’un projet de loi qui affaiblirait le système de la justice israélien. Elles se sont néanmoins abstenues de brandir la menace de la grève en soutien aux manifestations des opposants à cette réforme controversée.
Le « Forum Business » a organisé une réunion dimanche soir à Tel Aviv pour débattre de sa stratégie face au mouvement de protestation dénonçant le plan de refonte radicale du système israélien de la justice. Benny Gantz, député et leader de la formation HaMahane HaMamlahti, qui siège dans l’opposition, était présent dans la salle.
Une partie déterminante de la discussion qui a eu lieu entre les 70 personnalités du monde des affaires – propriétaires de banques, de centres commerciaux ou de chaînes de prêt-à-porter – a consisté à tenter de déterminer le niveau de soutien qu’elles étaient prêtes à apporter aux manifestants s’opposant à la refonte qui se sont rassemblés en masse contre le gouvernement depuis le mois de janvier. Le mouvement de protestation, qui a prévu des manifestations massives, mardi, et qui a programmé de bloquer les routes et les services ferroviaires, a demandé aux leaders du monde des affaires de fermer leurs commerces et leurs entreprises en signe de soutien.
Dans un communiqué, le groupe d’hommes d’affaires a vivement recommandé au gouvernement « de stopper la législation avancée de manière unilatérale et d’empêcher qu’il y ait des dégâts irréversibles qui seront fatalement essuyés par l’économie israélienne en raison de la fracture qui s’est créée dans la nation et de la perte de la confiance placée par les investisseurs dans l’économie israélienne ».
Il a ajouté que « après l’arrêt de l’avancée du projet de loi, nous appelons la coalition et l’opposition à revenir immédiatement à la table des négociations pour trouver un accord ».
Netanyahu avait suspendu le plan de refonte du système israélien de la justice au mois de mars pour ouvrir la porte à des pourparlers avec des représentants des partis de l’opposition, des discussions accueillies à la résidence du président Isaac Herzog. Mais des mois de négociation n’avaient pas permis d’aboutir à un accord et la coalition de Netanyahu, qui est formé de partis de droite, d’extrême-droite et religieux, a récemment relancé son processus de bouleversement du système judiciaire.
Il fait actuellement avancer devant le parlement une législation qui interdira aux juges d’examiner les décisions prises par le cabinet et par les ministres à l’aune de la notion juridique de « raisonnabilité ».
S’il n’a pas appelé à la grève, le groupe d’hommes d’affaires a émis une menace, disant que « tant que les leaders de l’arène politique toute entière n’agiront pas comme l’exige la situation… et avant que cette dernière ne devienne irréversible, le forum utilisera de manière décidée tous les moyens légaux à sa disposition pour ramener les politiciens à la table des négociations ».
Il y avait une absence notable lors de cette réunion – en effet, Arnon Bar-David, président du syndicat de la Histadrout, n’a pas assisté à la rencontre. Il a aussi résisté aux appels lancés par les organisateurs du mouvement de protestation qui demandaient au puissant syndicat d’organiser une grève.
La chaîne publique Kan, sans citer ses sources, a fait savoir que lors de cette réunion à huis-clos, Harel Vizel, directeur-général du Fox Group, spécialisé dans les magasins de vêtements, avait affirmé que Bar-David lui avait dit que le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, lui avait ordonné de rester en dehors du débat sur le plan de refonte radicale du système israélien de la justice.
Vizel avait déclaré, semble-t-il, qu’il est en contact avec Bar-David « en permanence » et que le chef syndicaliste lui avait expliqué qu’il travaillait, depuis six mois, sur un accord collectif portant sur les salaires des fonctionnaires qui s’appliquera à environ 600 000 employés. Selon Vizel, Bar-David lui aurait confié : « on me fait des menaces en me disant que si je déclare quelque chose au sujet du plan de refonte, alors l’autre partie refusera de signer. »
Des informations qui ont été démenties avec vigueur par Bar-David qui a indiqué, dans une déclaration, qu’il ne s’était pas entretenu avec Vizel depuis fin mars et qu’il ne permettrait à personne de le harceler ou de lui faire du chantage.
« Personne ne me menace et je ne cède pas au chantage de qui que ce soit », aurait-il déclaré, des propos rapportés par Kan.
« Les informations qui ont pu fuiter ne sont rien de plus que des bêtises », a-t-il ajouté, recommandant vivement à tous les acteurs concernés de « faire preuve de responsabilité pour tous nos avenirs possibles ».
Le Business Forum a, lui aussi, démenti ces informations, disant dans un communiqué que « cette fuite ne présente absolument pas ce qui a été dit dans la salle. Il n’y a pas eu d’entretien récent avec le président de la Histadrout, Arnon Bar-David. Nous dialoguerons avec lui et avec les autres acteurs influents du secteur de l’économie pour empêcher une fracture dans la nation. Un communiqué réfléchi à ce sujet sera émis plus tard ».
Kan avait antérieurement fait savoir que Bar-David avait confié, lors d’une rencontre avec les responsables de la Histadrout, qu’il ne lancerait pas d’appel en faveur de la grève dans le cadre du projet de loi interdisant aux juges de réexaminer les décisions des politiciens à l’aune de la notion juridique de « raisonnabilité ».
A la fin du mois de mars, le syndicat s’était joint à une grève générale d’une journée qui avait été entraînée par la décision prise par Netanyahu de limoger son ministre de la Défense, Yoav Gallant, qu’il avait ensuite réintégré à ses fonctions. Gallant avait appelé à mettre en pause le plan de refonte controversé dans un contexte de troubles croissants. La grève avait été interrompue dans la même journée, après que Netanyahu a accepté de suspendre le projet de refonte du système judiciaire israélien pour ouvrir la porte à des négociations avec l’opposition.
La semaine dernière, Bar-David a vivement recommandé à Netanyahu « de mettre un terme au chaos », affirmant que la Histadrout pourrait procéder à des actions s’il devait y avoir une escalade de la situation.
Lors d’une conférence qui a été organisée mardi à Tel Aviv, Bar-David a directement fait appel à Netanyahu au cours d’un discours public : « Mettez un terme à ce chaos dément dans la société israélienne et ce, dans les meilleurs délais. Quand la situation sera devenue extrême, que toutes les autres voies auront été explorées, alors nous interviendrons et nous utiliserons notre pouvoir ».
Vendredi, le porte-parole de la Histadrout, Peter Lerner, a déclaré au New York Times que « l’option d’une grève générale est sur la table ».
« Nous assumons des responsabilités à l’égard des droits des travailleurs », a ajouté Lerner. « Nous assumons des responsabilités à l’égard de la société israélienne. Nous avons appelé le Premier ministre à mettre un terme au chaos et à négocier avec les acteurs concernés et c’est ce que nous attendons. si ce n’est pas le cas, nous avons le pouvoir de lancer une grève ».
Le mouvement de protestation s’est renforcé, cette semaine, alors que la coalition prévoit de convoquer la plénière – qui ne se réunit traditionnellement pas le dimanche – dans le cadre de ses efforts livrés dans le but de faire approuver définitivement le projet de loi sur la « raisonnabilité » au parlement avant que la Knesset ne parte en congé, à la fin du mois.
Les critiques estiment que cette législation entre dans le cadre d’une initiative lancée par un gouvernement soucieux de se soustraire au réexamen judiciaire de ses actions et de ses décisions, ce qui lui permettrait de nommer des officiels non-qualifiés ou corrompus et de limoger des technocrates considérés comme déloyaux. Les soutiens de cette initiative affirment, pour leur part, qu’elle est nécessaire pour limiter l’influence de juges non-élus intervenant dans les décisions prises par un gouvernement qui, de son côté, a été démocratiquement élu.