Des rabbins demandent l’arrêt du procès de Duma après des accusations de torture
Deux suspects dans l'incendie criminel dans un village palestinien qui a tué trois membres de la famille Dawabshe affirment avoir avoué sous la torture de la part du Shin Bet
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Des dizaines d’éminents rabbins sionistes religieux ont écrit une lettre au Premier ministre Benjamin Netanyahu et à la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, demandant mardi qu’ils arrêtent le procès de Duma pour attaque terroriste en raison des accusations des deux accusés selon lesquelles ils ont été soumis à la torture au cours de leurs interrogatoires.
En janvier 2016, Amiram Ben-Uliel, 21 ans, ainsi qu’un mineur dont le nom n’a pas été divulgué, ont été inculpés pour l’attentat à la bombe incendiaire du 31 juillet 2015 contre la maison de la famille Dawabsha dans le village de Duma, en Cisjordanie. L’attaque a entraîné la mort immédiate du bébé Ali Saad Dawabsha et la mort des parents Riham et Saad quelques semaines plus tard. Ahmed Dawabsha, le frère d’Ali, âgé de cinq ans, a subi des mois de traitement pour des brûlures graves pour lesquelles il est resté hospitalisé.
Les deux suspects ont clamé leur innocence, insistant sur le fait qu’ils n’ont avoué le crime qu’après avoir été soumis à de terribles tortures de la part des interrogateurs du Shin Bet.
Alors que le tribunal central de district se prépare à rendre un verdict dans les semaines à venir, 72 rabbins ont signé la lettre adressée à Netanyahu et Shaked, parmi lesquels des grands rabbins de villes israéliennes des deux côtés de la Ligne verte ainsi que des dirigeants de yeshivas dans tout le pays.
« A la lumière des informations consternantes concernant la torture employée contre les jeunes afin de leur extorquer des aveux sur leur implication dans l’affaire Duma… nous exigeons que toutes les procédures judiciaires contre eux soient arrêtées immédiatement et qu’une commission d’enquête indépendante soit établie pour examiner ces graves accusations », ont écrit les rabbins.
La lettre de mardi paraît environ une semaine et demie avant que le tribunal central de district ne rende sa décision concernant la recevabilité des aveux des deux suspects, qui ont été extorqués par des interrogateurs du service de sécurité du Shin Bet utilisant des méthodes particulières.
En avril, le bureau central du procureur a annoncé qu’il éviterait d’utiliser les aveux obtenus des suspects par des « méthodes spéciales ».

L’accusation aurait des preuves supplémentaires sur lesquelles fonder ses mises en accusation contre les deux suspects et a reconnu que les aveux obtenus sous la torture ne sont peut-être pas recevables, a rapporté le radiodiffuseur public Kan.
Le tribunal a établi une distinction entre les aveux obtenus dans le cadre d’une « enquête nécessaire » et ceux obtenus lors d’un interrogatoire classique. Dans le premier cas, les enquêteurs sont autorisés à utiliser des méthodes renforcées contre les suspects en raison du « scénario de la bombe à retardement » dans lequel les autorités estiment qu’une attaque pourrait être imminente.
Les aveux des deux accusés au cours de « l’enquête nécessaire » sont ce que l’accusation a annoncé qu’elle n’exigerait pas pour engager des poursuites.
Cependant, la défense a fait valoir que les aveux obtenus en dehors du cadre de « l’enquête nécessaire » devraient également être rejetés car si les suspects n’ont pas été torturés au cours de ces aveux, ils ont craint que la torture ne se poursuive s’ils ne parlaient pas.
Plus tard ce mois-ci, le tribunal central se prononcera sur la recevabilité des aveux donnés en dehors du cadre de l' »enquête nécessaire ».

Les actes d’accusation contre Ben-Uliel et le mineur non nommé ont marqué une percée décisive dans cette affaire, qui a choqué les Israéliens et conduit à des mesures sans précédent contre les Juifs soupçonnés de terrorisme, y compris un vote du cabinet pour étendre aux citoyens israéliens des pratiques antiterroristes telles que la détention extra judiciaire.
Les deux suspects ont clamé leur innocence, insistant sur le fait qu’ils n’ont avoué le crime qu’après avoir été soumis à de terribles tortures de la part des interrogateurs du Shin Bet.
Dans les enregistrements de Ben-Uliel diffusés peu après son inculpation, il se souvient d’avoir été contraint de s’asseoir le dos incliné à 45 degrés pendant de longues périodes, ainsi que de « menaces, cris, hurlements, injures, coups, gifles ».
Il a fini par se dire : « Je vais inventer quelque chose pour eux pour qu’ils me relâchent » et je leur ai dit : « Je vais parler, je vais parler ».
« J’ai commencé à inventer des trucs. Toute une histoire, comment j’y suis allé, comment je me suis préparé et comment j’ai planifié », dit-il dans l’enregistrement. « Je leur ai dit que je l’avais planifié avec [nom], et je l’ai rencontré, nous avons effectué des reconnaissances et toutes sortes de choses. En tout cas, toutes sortes de choses qu’ils semblaient m’avoir fait comprendre [les interrogateurs] », se souvient-il.
Les abus présumés sont survenus après que le Shin Bet a obtenu le consentement du procureur général de l’époque, Yehuda Weinstein, pour considérer Ben-Uliel comme une « bombe à retardement », leur permettant d’utiliser certains types de torture au motif que les autorités pensaient que d’autres attentats étaient planifiés.
Une source de la défense ayant connaissance de l’enquête a déclaré au Times of Israel que les aveux de Ben-Uliel comprenaient des détails qui n’ont pas été rendus publics et qui n’auraient été connus que par quelqu’un qui était présent sur les lieux du crime.

Les avocats des deux suspects ont affirmé que leurs clients ont été humiliés, qu’on leur a craché dessus et même qu’ils ont été sexuellement agressés.
Alors que le Shin Bet s’abstient généralement de commenter publiquement de telles questions, le service de sécurité a publié un communiqué niant les allégations des avocats de la défense.
« Le but de ces mensonges est de ternir le service de sécurité du Shin Bet et de perturber l’enquête », a-t-il indiqué. « Les militants d’extrême droite et leurs avocats tentent de détourner l’attention du public et de la justice de ces graves actes de terrorisme perpétrés par les suspects. »
Le communiqué n’aborde pas les accusations faites par Ben-Uliel dans les enregistrements selon lesquelles il a été ligoté, battu et privé de sommeil par les interrogateurs.
En 1999, la Cour suprême de justice a condamné l’utilisation de méthodes d’interrogatoire violentes en l’absence d’une loi réglementant la question.
Dans sa décision, le tribunal a déclaré qu’il est interdit aux interrogateurs d’utiliser des méthodes telles que les chocs, les entraves et le manque de sommeil. Toutefois, le tribunal a statué qu’un interrogateur poursuivi pour torture pouvait prétendre qu’il l’avait fait dans le but de sauver des vies et qu’il serait donc exempté de toute responsabilité pénale.