Des responsables américains et de l’UE visitent Turmus Ayya en signe de solidarité
La ville a été saccagée par des partisans du mouvement pro-implantation mercredi dernier; l'homme qui a perdu la vie lors de ces émeutes était résident permanent des États-Unis
Des responsables américains et européens se sont rendus à Turmus Ayya, une ville palestinienne, en signe de solidarité avec les résidents de la localité, prise pour cible lors d’un déchaînement de violences de partisans du mouvement pro-implantation. Le saccage de la ville avait suivi un attentat terroriste, au début de la semaine dernière.
Omar Jabara Qattin, un Palestinien âgé de 27 ans qui a perdu la vie pendant l’attaque commise par des extrémistes juifs du mouvement pro-implantation, avait le statut de résident permanent aux États-Unis et des membres de sa famille sont citoyens américains, ont confié deux officiels américains au Times of Israel.
La localité compte une population significative de ressortissants palestino-américains. Un grand nombre d’entre eux vivent à l’étranger mais ils ont l’habitude de venir, l’été, dans cette ville du centre de la Cisjordanie – et certains d’entre eux ont figuré parmi les individus pris pour cible par les partisans du mouvement pro-implantation, mercredi dernier.
« Les officiels américains se sont rendus à Turmus Ayya pour entendre le témoignage direct des civils palestiniens dans le sillage des violences de mercredi, avec parmi eux des citoyens américains et des résidents permanents aux États-Unis », a écrit sur Twitter le Bureau américain aux Affaires palestiniennes (OPA).
« Les communautés palestinienne et israélienne devraient pouvoir vivre sans connaître l’intimidation, à l’écart de toute peur », a dit le Bureau qui se trouve à l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.
Les responsables du service américain ont visité Turmus Ayya en compagnie d’un groupe de diplomates européens, avec à leur tête l’ambassadeur de l’UE auprès des Palestiniens, Sven Kuhn von Burgsdorff, dont le bureau a réclamé « une enquête minutieuse » avec pour objectif « de faire répondre de leurs actes devant la justice les auteurs de ces crimes de haine. »
Les forces de sécurité israéliennes ont placé en détention quatre extrémistes du mouvement pro-implantation qui sont soupçonnés d’avoir été impliqués dans ces violences, qui avaient suivi la mort de quatre Israéliens dans un attentat commis aux abords de l’implantation d’Eli.
« La justice et la reddition de compte doivent être poursuivies avec la même rigueur dans tous les actes de violence extrémistes. Nous saluons la condamnation de ces actes par l’armée. Les responsables de ces actions violentes doivent rendre des comptes conformément à la loi, qui devra s’appliquer avec force », a commenté l’OPA, répétant les propos tenus, mercredi dernier, par le porte-parole du département d’État Vedant Patel.
Les circonstances qui entourent la mort de Qattin restent peu claires. Elle a eu lieu quand les troupes entraient dans la ville pour disperser les résidents armés qui affrontaient les Palestiniens, lançant des pierres et des pétards.
Malgré les images tournées par les caméras de surveillance qui ont montré des Juifs israéliens ouvrir le feu dans la localité, une source proche du ministère de la Défense a expliqué au Times of Israel, vendredi, que les autorités chargées de la sécurité n’avaient pas connaissance de tirs des extrémistes de droite pendant les émeutes.
Pour leur part, les habitants de Turmus Ayya ont fait part de leur colère face à l’absence d’action de Washington.
« Nous sommes impuissants », a confié Yaser al-Kam, 33 ans, à l’AFP. « Je parle au nom de cette ville pacifique, où 80 % à 90 % des résidents sont citoyens américains. Nous avons des passeports, est-ce que ces passeports comptent vraiment ? »
Alors que les groupes de défense des droits de l’Homme ont salué les arrestations, le petit nombre de suspects placés en détention – les émeutiers étaient des centaines – a entraîné des critiques sur l’impunité présumée des résidents d’implantation israéliens.
« La règle, c’est l’impunité face à la justice », a dit Roy Yellin du groupe de défense des droits de l’Homme BTselem.
Le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari, a indiqué aux journalistes qu’il espérait « que justice sera rendue, que la loi sera respectée ». Il a dit s’attendre à ce que d’autres arrestations aient encore lieu.
Ce déchaînement de violences, à Turmus Hayya, s’est produit à l’initiative des partisans du mouvement pro-implantation – mais ce type d’incident s’est répété à plusieurs reprises la semaine dernière. Des voitures et des habitations ont été incendiées. La férocité des émeutiers a fait écho à une attaque similaire qui avait été commise à Huwara, en février, dans le nord de la Cisjordanie. Certains extrémistes de droite israéliens avaient été arrêtés après les faits, mais ils avaient été rapidement remis en liberté et ils n’avaient pas été inculpés.
Selon le groupe de défense des droits de l’Homme Yesh Din, au moins 30 maisons, 60 voitures, de multiples magasins, une mosquée et une école auraient été détruits par les partisans du mouvement pro-implantation dans le nord de la Cisjordanie, cette semaine. Il a noté toutefois que le nombre d’habitations et de voitures parties en cendres était probablement plus élevé.
La directrice du groupe, Ziv Stahl, a prétendu que l’incapacité – ou l’absence de volonté – de l’armée à prévenir les attaques des partisans du mouvement pro-implantation relevait « d’une politique internationale plus que d’une erreur ».
« L’armée a eu quatre mois après l’attaque de Huwara pour étudier comment gérer une telle situation, comment l’arrêter », a-t-elle dit. « Mais tout est arrivé en plein jour. Personne n’a été arrêté sur les lieux. Les résidents d’implantation ont pu faire tout ce qu’ils voulaient faire ».
Les militaires israéliens ont reconnu avoir échoué à empêcher les représailles contre « des Palestiniens innocents ».
Hagari a qualifié le déchaînement de violences de mercredi dans la ville cossue et habituellement tranquille de Turmus Ayya « d’événement horrible ». Il a déclaré que l’armée renforçait sa présence dans le secteur.
« C’est un événement grave que nous aurions dû prévenir et nous avons échoué à le faire », a dit Hagari aux journalistes, ajoutant que les forces de sécurité s’étaient attendues à la descente de résidents d’implantation du mouvement pro-implantation israéliens dans des villes palestiniennes après les funérailles des victimes de l’attentat terroriste palestinien.
D’autres vidéos de Turmus Ayya ont montré un groupe de jeunes voyous ouvrir le feu, apparemment au hasard, en direction d’habitations palestiniennes.
Ces violences contre les Palestiniens, dans les localités de la Cisjordanie, ont continué jeudi soir. Des résidents ont fait savoir que des extrémistes pro-implantation avaient jeté des pierres en direction des villages du nord de Ramallah et du sud de Hébron et qu’au-moins six personnes ont été blessées.
Hagari, le porte-parole de Tsahal, a réclamé la retenue. Lorsqu’il a été interrogé sur le message qu’il souhaitait transmettre aux Palestiniens inquiets à l’idée de connaître de nouvelles attaques et qui sont placés sous le contrôle sécuritaire israélien, il a noté que les forces de sécurité « font tous les efforts qui sont en leur pouvoir ».
« Nous avons la responsabilité de cette zone », a-t-il dit. « Ça fait partie de notre travail ».