Des sénateurs américains contre le projet de loi polonais sur les restitutions
La proposition "discriminerait pratiquement tous les survivants et héritiers américains au motif qu'ils ne sont pas actuellement citoyens polonais", affirment les législateurs
Cinquante-neuf sénateurs américains ont cosigné une lettre bipartite exhortant la Pologne à amender un projet de loi sur le dédommagement qui, selon eux, est discriminatoire à l’égard des survivants vivant en Amérique.
La lettre envoyée lundi au Premier ministre Mateusz Morawiecki concerne une mesure du mois d’octobre qui exigerait que les demandeurs soient des citoyens vivant en Pologne et exclut tous les héritiers, à l’exception des « héritiers de première ligne », c’est-à-dire les conjoints, les enfants ou les petits-enfants.
Tammy Baldwin, sénatrice démocrate du Wisconsin, et Marco Rubio, républicain de Floride sont les co-auteurs de la lettre.
« Nous sommes profondément préoccupés par le fait que le projet de loi, dans sa forme actuelle, constituerait une discrimination à l’encontre de pratiquement tous les survivants et héritiers américains au motif qu’ils ne sont pas actuellement citoyens de Pologne et qu’ils n’étaient pas résidents de Pologne lorsque leurs biens ont été nationalisés », dit la lettre.
La lettre arrive au milieu d’une crise dans les relations d’Israël avec la Pologne à propos de l’adoption, le mois dernier, d’une loi qui criminalise le fait de blâmer la Pologne pour les crimes nazis. Les organisations juives, qui ont déclaré que la loi empêche le débat et la recherche sur les actions de milliers de Polonais qui ont collaboré avec les nazis, ont aussi sévèrement critiqué la Pologne.
Selon les médias polonais, les plus hauts dirigeants du pays ne sont pas les bienvenus à la Maison Blanche en raison de la nouvelle loi.
L’Organisation mondiale de restitution des biens juifs s’est félicitée de ce que son président des opérations, Gideon Taylor, a qualifié d' »appel à la justice pour les survivants de l’Holocauste et leurs familles ». Avec de moins en moins de survivants de l’Holocauste vivants aujourd’hui, « nous appelons la Pologne à s’attaquer d’urgence à ce préjudice historique », a déclaré M. Taylor dans un communiqué et a remercié les législateurs.
Soulignant la partie concernant les héritiers de première ligne, la lettre dit que la disposition « aurait un impact disproportionné sur les victimes juives et leurs familles ».
L’ambassadrice d’Israël en Pologne, Anna Azari, a également dénoncé la discrimination dans le projet de loi dans un geste rare de son ministère des Affaires étrangères. Israël s’abstient généralement de s’exprimer publiquement sur les questions de restitution.
Dans leur lettre, les sénateurs ont également lié la législation à l’avenir des relations entre les États-Unis et la Pologne.
« Nous vous exhortons à travailler avec le Parlement polonais pour adopter une législation juste et équitable en matière de restitution qui permettrait à la fois de réaliser pleinement les objectifs de la Déclaration de Terezin et de renforcer les liens entre nos pays », ont-ils écrit.
Les experts en restitution estiment qu’à la suite de l’Holocauste, les individus et les institutions juives en Pologne ont perdu des biens d’une valeur totale de plus d’un milliard de dollars. La Pologne n’a pas de lois sur la restitution des biens privés. Elle a adopté une loi sur les biens communaux en 1997 et en a restitué une partie, mais des milliers de réclamations dans cette catégorie n’ont pas été traitées.
Près de 90 % des plus de trois millions de Juifs polonais ont été tués pendant l’Holocauste.
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