Des sépultures vieilles de 2 500 ans évoquent la traite d’êtres humains en Israël
Une fosse commune du Néguev fouillée par l'Autorité israélienne des Antiquités illustre les pratiques funéraires, divinatoires et commerciales du premier millénaire avant notre ère
Il y a environ 2 500 ans, un groupe de jeunes femmes a connu un destin tragique au milieu du Néguev alors qu’elles étaient conduites par l’une des caravanes commerciales qui ont traversé le Moyen-Orient pendant des millénaires, et ce, probablement pour être vendues comme prostituées dans les temples, a révélé une nouvelle fouille effectuée par l’Autorité israélienne des Antiquités (IAA).
Le site, qui comprend plusieurs sépultures, a été découvert en 2021 par le Dr. Martin David Pasternak, mais a été révélé au grand public pour la première fois mercredi.
La zone a d’abord été explorée dans le cadre d’une fouille de sauvetage avant des travaux de construction près de la jonction de Tlalim.
Au fur et à mesure de l’avancement des fouilles, les archéologues ont rapidement réalisé que ce site, qui contenait les restes de dizaines de personnes et une multitude d’objets uniques datant du milieu du 1ᵉʳ millénaire avant notre ère, n’avait pas d’équivalent en Israël ni ailleurs dans toute vette région.
« Nous savons qu’une traite d’êtres humains a eu lieu dans la région pendant des millénaires jusqu’à très récemment », a déclaré Dr. Tali Erickson-Gini, chercheuse principale à l’IAA, lors d’un entretien téléphonique avec le Times of Israel.
« Nous connaissons tous l’histoire biblique de Joseph vendu à une caravane de Madianites, puis aux Ismaélites, et enfin à l’Égypte. Cependant, les découvertes archéologiques témoignant de ce phénomène sont rares. Nos découvertes semblent précisément liées à ce commerce humain. »

L’un des premiers artefacts mis au jour est un récipient en albâtre.
« J’ai reconnu qu’il s’agissait d’un récipient utilisé pour le transport de l’encens et de la myrrhe, courant dans le sud de la péninsule arabique entre le 8ᵉ et le 2ᵉ siècle avant notre ère », a déclaré Erickson-Gini.
« Ensuite, nous nous sommes aperçus que l’architecture du petit bâtiment mis au jour était typique des 5ᵉ et 4ᵉ siècles, ce qui nous a permis de mieux situer la période. »
Rapidement, les archéologues ont découvert que des dizaines de personnes avaient été enterrées à cet endroit.

« Le bâtiment était entouré de piliers entre lesquels nous avons trouvé près de 60 corps, de nombreux anneaux, bracelets et bijoux, principalement en cuivre et en bronze, ainsi que des scarabées de style égyptien et phénicien et d’autres objets », a expliqué Erickson-Gini.
Sept autres squelettes ont été découverts dans une autre petite structure à proximité.
Les archéologues ont également mis au jour une quarantaine d’outils en silex. Les recherches menées par le Dr. Jacob Vardi, expert des outils en silex au sein de l’IAA, ont révélé que des têtes de flèches sans pointe similaires avaient déjà été découvertes dans des contextes funéraires de la même période dans les pays actuels du Yémen et d’Oman.
« Les sources historiques nous disent que les pointes de flèches étaient utilisées pour la divination », a précisé Erickson-Gini.

« La Bible hébraïque [Torah], par exemple, décrit comment le roi de Babylone pratiquait la divination en secouant des flèches. »
Plusieurs autres éléments suggèrent que le site a été témoin de divination et d’autres pratiques funéraires élaborées, a expliqué la chercheuse.

« Nous pouvions voir qu’ils broyaient de l’encens », a noté Erickson-Gini.
« L’encens, comme l’oliban et la myrrhe, était obtenu par le traitement de résines d’arbres poussant dans le sud de l’Arabie ou dans la corne de l’Afrique. »
Il était courant de brûler de l’encens lors des funérailles.
« Ce qui nous a étonnés sur ce site, c’est qu’après avoir brûlé de l’encens, ils cassaient systématiquement tous les brûleurs d’encens, quelle que soit leur taille ou leur matériau, des brûleurs lourds en basalte épais, des brûleurs en pierre, des brûleurs en argile, et même des récipients en albâtre », a souligné Erickson-Gini.
Selon Erickson-Gini, des récipients brisés similaires avaient déjà été découverts lors d’autres fouilles, mais dans ces cas-là, les chercheurs n’avaient pas trouvé d’éléments permettant de relier le phénomène à des rituels funéraires.
La question la plus cruciale soulevée par ce site est peut-être celle de l’identité des personnes enterrées. Les archéologues ont trouvé plus de 65 squelettes, dont la plupart appartenaient à des femmes âgées de 14 à 20 ans. Les autres semblaient être des hommes âgés de 30 à 40 ans.

« Une inscription découverte au Yémen et datant d’une centaine d’années après la cessation d’utilisation des tombes du Néguev fait état de dizaines de femmes vendues sur place, dont une trentaine achetées à Gaza, et d’autres provenant d’Égypte, de Grèce, de Moab, de Phénicie et d’autres pays encore », a déclaré Erickson-Gini.
« Les chercheurs pensent qu’elles étaient vendues non seulement comme épouses, mais aussi comme prostituées pour les temples. »
La pratique consistant à employer des prostituées dans les temples et les rituels cultuels était courante dans le monde antique, y compris à Canaan et à Babylone.
La Torah mentionne à plusieurs reprises cette pratique parmi les peuples qui entouraient les Israélites.

« Nous disposons d’un papyrus égyptien du 3ᵉ siècle avant notre ère qui mentionne une femme originaire d’Ammon, l’actuelle Amman, amenée à se prostituer dans un temple à Yaffo », a indiqué Erickson-Gini.
Selon la chercheuse, l’âge des femmes et des hommes enterrés sur le site corrobore la théorie de la traite d’êtres humains.
« Nous avons en substance trouvé un groupe de jeunes femmes avec des hommes d’âge moyen ou plus âgés », a noté Erickson-Gini.
« Ce qui est intéressant, c’est que nous n’avons pas trouvé de squelettes d’enfants ou de bébés, alors que l’accouchement était probablement la cause la plus fréquente de décès chez les jeunes femmes à l’époque. Cela suggère qu’il se passait quelque chose de différent. »

« Il y avait de nombreux liens entre Babylone et l’Arabie méridionale à cette époque », a-t-elle précisé.
« Nous savons que leurs temples étaient construits et gérés selon les mêmes principes. La prostitution sacrée était une pratique importante à Babylone. L’une de ses déesses était Inanna, ce qui signifie d’ailleurs la ‘grande prostituée’. »
Les tombes, qui ont été ouvertes et fermées à de nombreuses reprises, ce qui suggère qu’elles ont été utilisées pendant plusieurs années, ont permis une autre découverte associée à la sexualité.
« Nous avons découvert une dizaine de gros cauris, traditionnellement identifiés à des organes génitaux féminins », a expliqué Erickson-Gini.

« Des coquillages similaires ont été découverts dans des temples en Jordanie et en Égypte, toujours associés à des divinités féminines. Ce n’est pas une coïncidence. »
Aucun autre établissement ou site connu n’existait à proximité de la structure funéraire. Cependant, il se trouve qu’elle se situe au carrefour de deux anciennes routes importantes traversant la Arava : la montée du Scorpion, mentionnée dans la Torah, et le Darb El-Sultan, ou la route du Roi.
« Ces deux routes existent depuis 5 000 ans », a indiqué Erickson-Gini.
« Ce que je trouve fascinant, c’est que nous avons des preuves de pratiques d’inhumation et de divination à des carrefours dans d’autres sites anciens, en particulier à des jonctions en T. C’est un argument supplémentaire pour étayer notre compréhension du site. »

Parmi les autres découvertes significatives, citons une marmite qui, d’après le cachet apposé sur la poignée, provient de Judée, et de petites balances en cuivre qui servaient généralement à peser l’encens contre de l’or ou de l’argent.
« Nous avons même trouvé une fibule, une ancienne forme d’épingle, qui provient probablement d’Europe du Sud, ainsi qu’un pendentif en verre datant du 4ᵉ ou 3ᵉ siècle avant notre ère, qui a probablement été fabriqué en Méditerranée occidentale », a ajouté Erickson-Gini.
Si nous ne saurons peut-être jamais avec certitude qui étaient les jeunes femmes enterrées dans le Néguev et ce qui a scellé leur destin, les recherches futures permettront sans doute de clarifier leur histoire.
« Les artefacts et les vestiges qui ont été découverts sur le site offrent des matériaux à étudier pour les années à venir », a déclaré Erickson-Gini.

« Nous ne faisons que commencer. »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel