Des voix juives s’opposent à LFI et au RN pour les prochaines élections législatives
Après la bombe politique annoncée dimanche par le président de la République, la communauté juive se prépare pour les prochaines élections législatives
Après le choc et la sidération d’une soirée électorale hors du commun, le temps de la nouvelle campagne législative éclair a aussitôt commencé. Ce lundi, les associations de la communauté juive ont partagé un même mot d’ordre : il faut faire barrage au Rassemblement national, arrivé en tête aux élections européennes en France dimanche, mais pas n’importe comment.
Si la large victoire du parti lepéniste aux européennes – Jordan Bardella a recueilli 32 % des suffrages, très loin devant les autres listes – n’est pas une surprise, le président de la République a lui pris à revers tous les pronostics en utilisant la plus puissante et radicale de ses armes institutionnelles, la dissolution de l’Assemblée nationale.
Pour les institutions juives, le RN à Matignon reste une idée inenvisageable. Mais, estiment-elles, le barrage républicain ne doit pas se faire au prix de toutes les compromissions : à la peur de l’extrême droite à la tête du gouvernement, s’ajoute le spectre d’une résurrection de la NUPES, alliance de gauche et d’extrême gauche formée par la France insoumise lors du précédent scrutin législatif en 2022 et qui n’a cessé depuis les provocations à l’Assemblée nationale. À peine la dissolution prononcée, des appels à l’union de la gauche pour faire barrage au RN fleurissaient.
Place de la République, 500 personnes se sont réunies dimanche soir pour exhorter la gauche à s’unir – une union qui pourrait se faire de nouveau avec la France insoumise, depuis longtemps accusé d’antisémitisme et d’apologie du terrorisme. Certaines personnes dans la foule ont hurlé « Israël assassin, [Raphaël] Glucksmann complice », brandissant le drapeau palestinien et recevant la visite d’une délégation LFI – parmi eux les députés Mathilde Panot, Sébastien Delogu, Louis Boyard ou encore Manon Aubry. Raphaël Glucksmann appelle sans arrêt à un cessez-le-feu à Gaza et à la création d’un État palestinien et critique également le gouvernement de Benjamin Netanyahu. Par ce slogan, ce qui lui est ainsi reproché là est davantage de dénoncer le terrorisme du Hamas, et aussi peut-être d’être d’origine juive.
Euh… c'est avec ceux qui crient "Israël assassin, Glucksmann complice" que l'on est sensé battre le RN ? #Dissolution ✌???? pic.twitter.com/1qhtYLrO9t
— sophia aram (@SophiaAram) June 10, 2024
Face aux appels à un regroupement de la gauche, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a été la première à réagir sur sa page X.
L’extrême-droite aux portes du pouvoir, le sursaut républicain est vital. Chacun doit y prendre sa part.
Mais s’allier avec des antisémites ne sauve pas la République, ça la précipite dans l’abîme.
L’alliance de la gauche à @FranceInsoumise serait une faute historique. pic.twitter.com/XJHka5yccg
— UEJF (@uejf) June 10, 2024
Le collectif « Nous Vivrons », mouvement de lutte contre l’antisémitisme né après les attentats du 7 octobre et qui vise particulièrement les dérives de LFI, a abondé dans ce sens. Il a rappelé sur X son opposition au RN et au parti mélenchonsite sous le hashtag #NiFachoNiFacho.
Depuis des mois, l’extrême droite et l’extrême gauche jouent la carte du racisme et de l’antisémitisme pour accéder au pouvoir. Ne nous laissons pas faire, soyons lucide et regardons en face le danger. L’antisémitisme n’est pas un projet de société. Le racisme n’est pas un projet… pic.twitter.com/VG08WEYbwT
— Collectif Nous Vivrons #???? (@nous_vivrons) June 10, 2024
Joann Sfar, figure de la lutte contre l’antisémitisme en France depuis le 7 octobre, a pris ses pinceaux pour croquer son sentiment après ce séisme politique. Sur un dessin publié sur son compte Instagram, on voit une bulle répondre « arrête de finasser » à la question du dessinateur : « Il y a moyen de battre les racistes sans s’allier aux antisémites ? »
Lundi, Yonathan Arfi, président du Crif, s’est lui aussi exprimé sur X pour appeler le Parti socialiste ainsi que tous les partis de gauche à refuser tout accord avec La France insoumise.
Que le PS puisse encore envisager une alliance avec LFI est une honte absolue.
La France Insoumise a fait de la haine des Juifs son fonds de commerce électoral : s'allier avec LFI, c'est composer avec l'antisémitisme.
Face au RN, il faut de la clarté : sur l'islamisme, la…
— Yonathan Arfi (@Yonathan_Arfi) June 10, 2024
Côté classe politique, quelques voix juives ont aussi appelé à ce sursaut républicain contre les deux extrêmes. Ancien sénateur socialiste et soutien de Raphaël Glucksmann, David Assouline a émis le souhait sur son compte X que « personne dans [son] camp ne va penser que les campagnes de haine anti-juives et la lutte contre l’antisémitisme sont des questions ‘résiduelles’ au moment d’aborder les alliances pour les législatives ».
Interrogé par CNews, Benjamin Haddad, député de la majorité présidentielle et candidat à sa propre succession, a lui exclu la France insoumise du champ républicain : « C’est le parti qui bordélise nos institutions, qui brandit le drapeau palestinien à l’Assemblée nationale. »
Meyer Habib, député de la 8e circonscription des Français de l’étranger, qui compte Israël, ne s’est pas encore exprimé et n’a pas encore annoncé s’il prévoyait de se représenter.
Lors de ces élections à venir, le Rassemblement national pourrait encore augmenter son nombre de sièges au Parlement, actuellement de 88, tandis que la France insoumise, qui pourrait ne pas réussir à recréer une large alliance de gauche comme lors du scrutin législatif précédent, pourrait voir son nombre de députés diminuer.