Deux Etats : Le pire et le seul moyen de résoudre le conflit israélo-palestinien
A gauche et à droite s'élèvent les clameurs sur la panacée que représenterait un seul Etat mais épargnez-nous les solutions dangereuses et défaitistes rapides et faciles
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
A gauche, Israël entend de plus en plus de la part de ses opposants, de ses critiques et de ses partisans autoproclamés, sur son territoire et à l’étranger, que le pays a détruit son engagement fondamental à maintenir une majorité juive et à être une démocratie en élargissant en profondeur ses implantations en Cisjordanie. Que dans la mesure où le pays ne peut plus aujourd’hui se séparer des Palestiniens – anéantissant en conséquence la solution à deux Etats, celle qui avait permis à l’Etat juif de ressusciter – Israël n’a plus d’autre choix que de consentir à une sorte de suicide souverain en optant pour un seul Etat binational qui s’étendrait du fleuve à la mer, dans lequel le taux de natalité plus élevé de la communauté arabe signifierait que les Juifs deviendraient, au fil des ans, une minorité de plus en plus négligeable.
A droite, ici et ailleurs, Israël est vivement encouragé à élargir sa présence encore davantage sur les terres bibliques de la Judée et de la Samarie pour jouir de ce qui relève de son droit historique et de sa connexion toute aussi historique avec le territoire. Il lui est aussi recommandé de punir les Palestiniens pour leur politique de rejet constant et de mettre un terme à l’illusion dangereuse selon laquelle un pays minuscule établi dans une région hostile serait en mesure de se retirer d’un territoire adjacent dont les résidents aspirent à son anéantissement. Si l’élargissement de la souveraineté peut être, d’une manière ou d’une autre, présenté comme conforme aux principes de la démocratie, alors tant mieux. Et si ce n’est pas le cas, alors tant pis.
De manière ironique, les deux camps opposés prescrivent une dite « solution » à un Etat présumée au conflit israélo-palestinien. Si l’idée que des solutions magiques – qui peuvent superficiellement avoir un écho dans le climat actuel de désespoir, à l’issue de décennies de sang coulé et d’impasse – peut être attirante, la panacée à un Etat, il faut le dire, n’aidera en rien.
La solution à un Etat prônée par l’extrême-gauche serait l’acte de décès du seul pays à majorité juive du monde – d’une entité souveraine à laquelle la nation juive est liée par l’Histoire et auquel elle a droit au niveau juridique en vertu de la résolution 181 de l’ONU, adoptée en 1947. Les Juifs, qui connaissent mieux que tous les autres quels sont les périls encourus par les apatrides, ne sont pas prêts à abandonner l’Etat moderne et florissant qu’ils ont créé dans leur foyer biblique.
La solution à un Etat mise en avant par l’extrême-droite exige un entrelacement continu avec des millions de Palestiniens hostiles, qu’Israël serait amené également à gouverner. Ce qui implique l’affaiblissement – voire l’effondrement – de la démocratie israélienne, avec un pays qui devrait, par mille contorsions, justifier qu’il ne maintient pas un régime raciste et discriminatoire dans la Cisjordanie disputée, avec une mise à mal croissante de sa légitimité internationale et du soutien apporté par les Juifs de la Diaspora, un pays qui serait divisé de l’intérieur, et qui se condamnerait à une faiblesse et à un isolement grandissants.
Des moments décisifs pour des prétendues solutions
Même si la solution à un Etat n’est finalement pas une solution, celle à deux Etats n’est pas non plus sans heurts.
L’attachement de l’Israël moderne – comme le stipule la Déclaration d’indépendance – à tendre la main de la paix à ses voisins a subi des revers dans un contexte de décennies de conflit. Cette ouverture avait encore été rejetée en 2008, quand le président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas avait refusé une offre soumise par le Premier ministre Ehud Olmert qui répondait pourtant à presque toutes les demandes des Palestiniens.
Les négociations ont échoué sur la division du territoire, sur le destin de Jérusalem, et sur l’insistance inébranlable des Palestiniens à réclamer un « droit au retour » pour des millions de personnes en Israël – un afflux de descendants de réfugiés qui détruirait la démographie de l’Etat juif. Quand il a pu y avoir des négociations menées dans le cadre des efforts de paix intermittents, l’ancien chef de l’AP, Yasser Arafat, puis Abbas ont été amenés, en résumé, à réclamer un Etat de Palestine indépendant aux côtés d’Israël, et le droit de transformer Israël en Palestine également.
Pour sa part, l’Etat juif, qui a capturé la Cisjordanie lors de la guerre de 1967 – anticipant les ennemis arabes qui avaient alors la conviction qu’ils allaient nous anéantir – a petit à petit imposé sa mainmise sur le territoire, avec plus de 400 000 Juifs qui, dorénavant, installent leurs habitations dans les implantations, ce qui réduit la viabilité d’un futur Etat palestinien. Le Premier ministre prône dorénavant une annexion unilatérale de ces implantations – ainsi que de la Vallée du Jourdain.
Il y a des moments décisifs pour des prétendues solutions – les quelques dernières semaines qui précèdent l’entrée pleine et entière des Etats-Unis dans la course électorale, où la majorité des autres dossiers en cours sont alors marginalisés et gelés.
Si l’administration Trump avait dévoilé, au mois de janvier, un plan qui, de l’aveu même de ses auteurs, voulait servir de base à des négociations israélo-palestiniennes, avec des conditions préalables à respecter l’établissement d’un Etat palestinien, il s’est avéré depuis qu’il était spectaculairement ambivalent dans la manière dont sa vision est susceptible d’être mise en oeuvre. D’un côté, l’administration semble encourager Netanyahu à procéder à l’annexion des implantations et de la Vallée du Jourdain – en envoyant au diable la perspective des négociations. De l’autre, le plan précise que la division de ce territoire disputé doit être négociée. Par un seul tweet, l’imprévisible président Trump est en mesure d’éclaircir l’ambivalence et condamner – ou approuver – la manoeuvre de Netanyahu.
Mais même le lunatique dirigeant de la nation la plus puissante du monde ne peut pas changer d’un seul coup les réalités les plus profondes. Et aux yeux d’Israël, l’une de ces réalités est que nous ne pouvons pas nous retirer en toute sécurité de la Cisjordanie, pas à un moment où le régime d’Abbas se présente comme une entité absolument indigne de confiance, alors qu’il a récemment salué une nouvelle ère de coopération avec le groupe terroriste islamiste du Hamas à notre détriment. Et pourtant, simultanément, il est nécessaire et existentiel pour nous de nous séparer des Palestiniens – pour conserver en Israël une majorité juive écrasante qui puisse accorder des droits égaux à tous ses citoyens.
Un dilemme d’une grande complexité. Mais pas un dilemme susceptible de se résoudre en recourant à des alternatives destructrices.
Israël doit se positionner à long-terme. Si oeuvrer à créer le climat qui servira le mieux ses intérêts à long-terme doit être un processus laborieux marqué par les revers, eh bien, préférons cette solution à l’adhésion dangereuse et défaitiste à des solutions faciles et rapides
Une solution à deux Etats – la base de cette résolution des Nations unies de 1947 qui redonnait une légitimité à la souveraineté juive – n’est pas viable aujourd’hui. Israël doit donc galvaniser sa puissance militaire, ses soutiens diplomatiques internationaux et sa résilience pour se protéger contre ses ennemis régionaux. Le pays doit suivre des politiques et développer des initiatives qui aideraient à dynamiser des forces plus modérées dans le voisinage. Il doit renoncer aux démarches – à l’annexion unilatérale notamment – qui viennent saper ses objectifs stratégiques de paix, de sécurité et sa cohésion nationale, en plus du soutien qui lui est apporté dans le monde.
Oui, tout cela semble familier et semble n’offrir que peu de perspectives de progrès majeurs à court-terme. Dommage.
Mais Israël doit se positionner à long-terme. Israël doit se positionner à long-terme. Si oeuvrer à créer le climat qui servira le mieux ses intérêts à long-terme doit être un processus laborieux marqué par les revers, eh bien, préférons cette solution à l’adhésion dangereuse et défaitiste à des solutions faciles et rapides.
Pour paraphraser la plaidoirie de Winston Churchill en faveur de la démocratie, la solution à deux Etats reste la pire forme de solution à apporter au conflit israélo-palestinien… à l’exception de toutes les autres.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel