Deux fois évacués de zones de guerre, des enfants ukrainiens attendent la paix
Réinstallés à Kfar Habad, dans le centre d'Israël, les jeunes du foyer d'accueil "Alumim", basé à Ashkelon, revivent les traumatismes du passé et aspirent à la stabilité
KFAR HABAD – Une alarme de roquette retentit. Les étudiants et le personnel du village de jeunes Or Simcha passent devant le zoo pour enfants et entrent dans le miklat – abri anti-atomique public – où ils attendent, en bavardant et en riant, jusqu’à ce que le « boom » se fasse entendre, indiquant l’impact ou l’interception d’un missile. Le feu vert est donné.
Seule une petite fille semble réellement effrayée, se cachant sous une table et tremblant avant de sortir pour recevoir un câlin de la part d’un conseiller.
Le foyer d’accueil Alumim, qui compte une quarantaine d’enfants, a déjà été évacué deux fois sous les tirs, à chaque fois avec le soutien et la coordination de l’Alliance internationale des chrétiens et des Juifs. Tout d’abord, le foyer a été évacué du centre de l’Ukraine. Les enfants ont été évacués vers Israël peu après l’invasion russe de février 2022.
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Après l’assaut du groupe terroriste palestinien du Hamas sur Israël le 7 octobre, ils ont été évacués d’Ashkelon, où ils pensaient avoir trouvé un foyer stable dans l’État juif.
Mais pour ces enfants juifs ukrainiens du foyer d’accueil Alumim, nouvellement hébergés à Or Simcha, les alarmes occasionnelles sont une grande amélioration par rapport à leur situation précédente.
« J’ai l’impression que les enfants sont forts. Ils sont également très flexibles ; ils ont géré cette situation assez facilement », a déclaré Malki Bukiet, l’éducatrice qui contrôle le foyer avec son époux. Bukiet s’est entretenue avec le Times of Israel dans l’un des appartements où vivent désormais les élèves, entassés à plusieurs par chambre. La cuisine sert également de salle de classe informelle.
Le mouvement Habad Loubavitch dirige Alumim depuis de nombreuses années dans un complexe situé dans la ville de Zhytomyr, à l’ouest de Kiev.
Les enfants, qui sont tous Juifs au regard de la loi juive orthodoxe – halakha -, viennent de foyers dysfonctionnels, ont un parent incarcéré ou vivent d’autres situations difficiles. Dans de nombreux cas, ils sont toujours en contact avec leur famille. À Alumim, les enfants ont un emploi du temps stable, de meilleures ressources et sont beaucoup plus exposés à leur patrimoine juif, a expliqué Bukiet.
« Alumim n’est pas un orphelinat, c’est un foyer d’accueil juif », a-t-elle précisé.
Lorsque la guerre a éclaté en Ukraine, « nous avons immédiatement décidé de quitter la ville et d’aller dans les montagnes, plus à l’ouest. Nous pensions y rester quelques semaines (…) mais nous avons vu que la guerre ne s’arrêtait pas, que c’était quelque chose de grave. Nous avons parlé aux familles des enfants, nous leur avons dit que nous voulions les emmener en Israël (…). Tout le monde a dit que nous devions aller dans un endroit calme et plus sûr », s’est-elle souvenue.
« Quelques mères se sont même jointes à nous. Et par miracle, nous avons pu arriver. Nous avons pu passer la frontière ukrainienne et venir en Israël. Le ministère des Affaires étrangères nous a aidés à obtenir l’autorisation d’entrer pour les enfants », a raconté Bukiet. Elle a décrit le voyage en bus, à travers les Carpates, en Roumanie et enfin en avion jusqu’en Israël.
Le groupe s’est finalement installé à Ashkelon en mars 2022, où « nous avons pris possession d’un quartier », a plaisanté Bukiet. Le groupe, qui comptait alors une soixantaine d’enfants, a pu louer plusieurs maisons dans le même quartier de la ville côtière.
Alors que la guerre en Ukraine se poursuivait, certains membres de la famille immédiate des enfants ont immigré et se sont installés à Ashkelon, créant ainsi une communauté élargie.
Les enfants d’Alumim sont inscrits dans des écoles et apprennent l’hébreu, en attendant un éventuel retour en Ukraine.
Le « vernis de stabilité » s’est fissuré le 7 octobre, date du déclenchement de l’horrible guerre entre Israël et le Hamas. Ce soir-là, après s’être entassée avec les enfants dans un abri anti-atomique pendant la majeure partie de la journée, Bukiet a pris le téléphone et a pu, une fois de plus, trouver rapidement une nouvelle alternative de vie.
« Nous avons entendu les alarmes, [les enfants] savaient déjà qu’il fallait rejoindre le miklat (…). À un moment donné, nous avons entendu des haut-parleurs disant qu’il y avait des terroristes dans les rues. Nous savions que c’était quelque chose de grave, alors juste après ce Shabbat, nous avons décidé que nous devions partir », s’est souvenue Bukiet.
Le lendemain après-midi, ils ont pris un bus pour le centre d’Israël, loin de la zone de conflit immédiate. En grande partie grâce aux contacts de Bukiet – elle a été élevée dans le mouvement Habad – ils ont pu s’installer à Or Simcha à Kfar Habad, un complexe fermé qui abrite également une école primaire, une yeshiva et d’autres installations.
Le matin du 7 octobre, sous couvert de tirs massifs de roquettes sur Israël, quelque 3 000 terroristes du Hamas ont franchi le périmètre israélien de Gaza lors d’une attaque sanglante. Les forces de sécurité ayant été prises par surprise, les terroristes se sont déchaînés sur les communautés, tuant plus de 1 400 citoyens israéliens et prenant en otage plus de 240 personnes, dont de jeunes enfants, des femmes et des personnes âgées. Israël a déclaré la guerre au Hamas, qui dirige la bande de Gaza, et le pays est sur le pied de guerre depuis lors.
C’est une situation que les enfants ne connaissent que trop bien.
« En Ukraine, nous avons vécu avec le fusillades et des tirs de roquettes en bruit de fond lorsque nous fuyions, et maintenant nous avons l’impression que partout où nous allons, la guerre nous poursuit. Je ne sais vraiment plus où je peux me sentir en sécurité et j’ai tellement peur de devoir prendre un autre avion pour échapper à la guerre. Je veux juste que ça s’arrête, mais ici, à Kfar Habad, je peux me sentir plus en sécurité », a déclaré Shani, 12 ans, dans un communiqué publié par Alumim.
Une vingtaine d’enfants d’Alumim – ceux dont les parents étaient venus vivre en Israël – ont choisi de rester avec leurs familles à Ashkelon – qui se trouve à un peu plus de 20 kilomètres de Gaza et est fréquemment la cible de tirs de roquettes. Actuellement, la ville est partiellement évacuée.
À Kfar Habad, « nous sommes en mesure d’instaurer une routine, d’organiser des cours chaque jour, des activités – nous organisons également du bénévolat. Nous essayons de les tenir occupés », a expliqué Bukiet. « Ils savent qu’il y a la guerre (…). Ils ont dû fuir de chez eux, mais par rapport à ce que certains ont vécu, nous sommes partis à temps, d’Ashkelon et aussi d’Ukraine. »
Les enfants dont elle s’occupe, dit-elle, « ne regardent pas souvent le passé ».
La plupart des enfants ont aujourd’hui entre 12 et 14 ans. Le village des jeunes, qui dispose de nombreux espaces ouverts et de palmiers, est un lieu religieux réservé aux garçons. Bukiet s’est arrangée pour que les filles vivent dans une maison louée à proximité. Les enfants suivent les cours et participent aux activités ensemble.
Shimon, 14 ans, dit qu’il se plaît à Kfar Habad, mais se plaint de ne pas disposer d’une bonne connexion Wi-Fi. « Lorsqu’il y a des alarmes ici, je n’ai pas peur, je suis détendu. J’ai appris à ne plus devenir hystérique », a-t-il expliqué en russe.
La plupart des enfants ont des téléphones portables et le personnel n’essaie pas de contrôler ce à quoi les plus âgés d’entre eux peuvent accéder. « Nous avons parlé avec eux du contenu, des vidéos d’atrocités qui circulent », a expliqué Bukiet.
Une jeune enfant, en discutant des vidéos filmées par le Hamas, lui a dit : « J’ai déjà vu en vrai toutes ces choses en Ukraine, alors je peux tout voir », s’est-elle souvenue.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le groupe Alumim est à Kfar Habad depuis près d’un mois, et Bukiet affirme qu’ils commencent maintenant à penser qu’ils y resteront.
« La réalité est que nous n’avons pas d’autre endroit. Il est vrai que les enfants ont de la famille et des amis en Ukraine. Mais dans le monde entier, l’endroit le plus sûr pour les Juifs est la Terre d’Israël. C’est pourquoi nous sommes ici… à attendre la victoire comme tout le monde », dit-elle.
Marina, 16 ans, est l’une des pupilles d’Alumim qui se réjouirait d’une telle décision, car elle dit avoir déjà décidé de rester, même si sa mère est retournée en Ukraine.
« C’est mieux en Israël, il y a des options. Je vois ma vie ici. Je ne voyais pas d’avenir en Ukraine, même avant la guerre. Ici, je vois quelque chose de grand, je vois la réussite », a déclaré Marina.
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