Deux minuscules inscriptions du Premier temple décrivent une autre Jérusalem
Des archéologues on mis au jour un sceau et une marque de sceau dans un ancien centre administratif de la capitale à l'âge du Fer
Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »
Les deux minuscules inscriptions vieilles de 2 600 ans et récemment découvertes lors de fouilles menées à l’emplacement du parking Givati de la Ville de David nous en apprennent beaucoup sur l’ancienne Jérusalem à la fin du 8e siècle.
Les deux inscriptions, en écriture paléo-hébraïque, ont été retrouvées séparément dans une grande structure du Premier temple en l’espace de quelques semaines par les membres d’une équipe de longue date, Ayyala Rodan et Sveta Pnik.
Un des objets correspond à un sceau en pierre d’agate bleuté
« (appartenant) à Ikkar fils de Matanyahu” (LeIkkar Ben Matanyahu). L’autre objet est un tampon en argile, « (appartenant) à Nathan-Melech, Serviteur du Roi » (LeNathan-Melech Eved HaMelech).
Cette impression brûlée en argile est la première preuve archéologique du nom biblique de Nathan-Melech.
Ces inscriptions ne sont « pas juste une autre découverte », a déclaré l’archéologue Dr Yiftah Shalev de l’Autorité israélienne des Antiquités. En réalité, elles « dressent un portrait beaucoup plus large de Jérusalem à l’époque ».
Selon Shalev, tandis que les deux découvertes sont d’une très grande valeur en tant qu’inscriptions pour les universitaires, leur valeur principale réside surtout dans le contexte de leur découverte archéologique.
« Il n’est pas seulement important que ces objets aient été trouvés à Jérusalem, mais [qu’ils ont été retrouvés] dans leur véritable contexte archéologique, a déclaré Shalev au Times of Israël. Beaucoup d’autres sceaux et marques de sceau ont été vendus sur des marchés d’antiquités sans que l’on se préoccupe de leur provenance. »
Cette découverte in situ, a déclaré Shalev, sert à « relier l’objet et la véritable époque physique dans laquelle il a été trouvé » – dans une grande structure à deux étages du Premier temple que les archéologues ont classée comme ayant été un centre administratif.
« Ce n’est pas une coïncidence d’avoir trouvé ici le sceau et la marque de tampon, » a déclaré Shalev.
Selon le professeur Yuval Gadot, archéologue à l’université de Tel Aviv, au 8e siècle avant l’ère chrétienne, cette zone de la Ville de David est devenue le centre administratif de Jérusalem. Le bâtiment public à deux étages qui vient d’être mis à jour, qui avait été construit en pierres de tailles, met en évidence un déplacement vers l’ouest de la zone administrative dans la ville qui se développait.
Composée de plusieurs salles, cette large structure porte des signes clairs de destructions au 6e siècle avant l’ère chrétienne, ce qui correspond avec la destruction de Jérusalem par Babylone en 586 avant l’ère chrétienne, selon le communiqué de presse de l’AAI. On voit les signes de la destruction dans les importants débris de pierre, les poutres en bois brûlées et les nombreux morceaux de poterie calcinés, « tout cela indique qu’ils ont survécu à un immense incendie ».
Selon Shalev, le grand centre administratif est plus en bas de la pente de la Ville de David que l’endroit où certaines archéologues avaient envisagé de situer un mur de la ville à la période du Premier temple. Grâce à cette preuve de l’existence d’un grand centre administratif, des universitaires commencent à comprendre que l’âge de Fer à Jérusalem a vu le début d’une expansion à l’ouest qui a continué à d’autres époques historiques, dont les périodes persanes et hellénistiques.
« Ces objets attestent du système administratif très évolué en vigueur dans le Royaume de Judah et nous donnent des informations considérables pour comprendre le statut économique de Jérusalem et son système administratif pendant la période du Premier temple. Cela nous fournit aussi des informations sur les administrateurs et officiels les plus proches du roi qui vivaient et travaillent dans la ville, » ont déclaré Gadot et Shalev dans le communiqué de presse de l’IAA.
Pour les linguistes, ces deux inscriptions d’un centimètre vont probablement ouvrir de nouveaux horizons de recherche universitaire. En s’appuyant sur l’écriture, le Dr. Anat Mendel-Geberovich de l’Université hébraïque de Jérusalem et du Centre pour l’étude de l’ancienne Jérusalem les date entre la moitié du 7e siècle jusqu’au début du 6e siècle de l’ère commune.
Sur le sceau en pierre bleue, écrit en écriture miroir de gauche à droite, on peut lire le nom « (appartenant) à Ikkar fils de Matanyahu” (LeIkkar Ben Matanyahu). Des sceaux privés étaient utilisés pour signer des documents et définir l’identité, la parenté et le statut de leurs propriétaires, » selon l’IAA.
Le mot « Ikkar », signifiant fermier, apparaît dans la Bible et d’autres langues sémites, selon l’Académie de la langue hébreu. Pourtant, il était seulement utilisé dans le contexte d’un emploi agricole, et pas comme nom personnel. Selon le linguiste Chaim Rabin, le mot Ikkar est venu à l’hébreu à travers l’akkadien, après avoir été adopté du sumérien, qui n’est pas une langue sémite.
Mendel-Geberovich pense qu’ »Ikkar » fait référence à un nom personnel plutôt qu’à un métier. Si c’est effectivement le cas, ce serait la première preuve d’un tel nom. Les autres parties de l’inscription sont plus familières aux linguistes spécialistes de la Bible hébraïque : « Le nom de Matanyahu apparaît à la fois dans la Bible et dans d’autres sceaux déjà découverts, » a expliqué Mendel-Geberovich.
C’est l’impression brûlée en argile qui va sûrement attirer l’attention populaire dans la mesure où on y retrouve les mots : « (appartenant) à Nathan-Melech, Serviteur du Roi » (LeNathan-Melech Eved HaMelech). Le fait qu’il est écrit sans nom de famille indique que sa réputation était équivalente à celle des célébrités contemporaines, des chanteuses comme Madonna ou Adele.
Le nom Nathan-Melech apparaît une fois dans la Bible, dans le deuxième livre des Rois 23:11. Un officiel de la cour du roi Josiah, le Nathan-Melech biblique a participé à l’application d’une grand réforme religieuse : « Il a enlevé les chevaux que les rois de Judée avaient donnés au soleil, à l’entrée de la maison du Seigneur, par la chambre de Nathan-Melech l’officier, qui était dans les environs et a brûlé les chariots du soleil avec le feu ».
Alors que le récit biblique utilise un titre différent que celui imprimé sur l’argile ancien, le titre « Serviteur du Roi » (Eved HaMelech) n’apparaît pas souvent dans la Bible pour décrire un officiel haut-gradé proche du roi. Selon l’IAA, le titre apparaît sur d’autres sceaux et impressions de sceau qui ont été trouvés dans le passé. Dans l’ancien temps, les impressions de sceau, ou bullae, étaient des petits morceaux d’argile imprimés par des sceaux personnels (comme le sceau « Ikkar ») pour signer des lettres.
Mais est-ce le même nom biblique Nathan-Melech ? C’est encore un autre sujet dont il faudrait débattre.
Doron Spielman, le vice-président de la Fondation de la Ville de David, qui gère la parc national de la Ville de David, a déclaré : « C’est très intéressant pour des milliards de gens dans le monde. Il s’agit du sceau personnel de Natan-Melech, un officiel responsable dans le gouvernement de Josiah, roi de Judée, comme c’est décrit dans le Deuxième livre des Rois. Les fouilles archéologiques actuelles dans la Ville de David continuent de prouver que l’ancienne Jérusalem n’est plus qu’une question de foi, mais aussi une question de fait ».
Pourtant, l’universitaire Mendel-Geberovich ne va pas aussi vite dans ses conclusions.
« Même s’il n’est pas possible de déterminer avec une certitude absolue que le Nathan-Melech qui est mentionné dans le Bible était le vrai propriétaire du sceau, il est impossible d’ignorer certains détails qui les relient, » a déclaré Mendel-Geberovich avec diplomatie.