Écoles et élèves évacués du nord d’Israël font face au chaos de la guerre
Depuis le 7 octobre, les chefs d'établissement doivent, malgré une pénurie de personnel, trouver un endroit sûr avec un abri antiaérien face à la menace des missiles du Hezbollah
Cela fait six mois que la guerre a commencé entre Israël et les terroristes palestiniens du Hamas, le 7 octobre dernier, et les chefs d’établissements du nord d’Israël sont toujours aux prises avec la question de la réinstallation dans des locaux plus sûrs, l’intégration des enfants évacués dans de nouvelles classes ou encore de la récupération des manuels scolaires abandonnés à la hâte dans des locaux scolaires aujourd’hui situés dans des zones militaires d’exclusion.
Cela fait déjà deux fois depuis le début de la guerre que Michal Gal, la directrice du collège d’Eilon, dans le kibboutz d’Eilon, déplace ses 384 élèves. Situé à environ 1,5 kilomètre de la frontière avec le Liban, le kibboutz a été évacué en même temps que d’autres communautés frontalières quelques jours après le début de la guerre, déclarée par l’irruption en Israël par voie terrestre, aérienne et maritime de 3 000 terroristes venus de la bande de Gaza et conduits par le Hamas pour tuer près de 1 200 personnes et faire 253 otages.
Peu de temps après, le groupe terroriste du Hezbollah, soutenu par l’Iran, a commencé à tirer des roquettes sur le nord d’Israël en signe de soutien au Hamas de Gaza. Ce ne sont pas moins de 80 000 habitants issus de 43 communautés qui ont dû être évacués, auxquels s’ajoute un bilan de 10 soldats et huit civils tués par de l’artillerie ou des roquettes.
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Les élèves d’Eilon ont commencé par aller à l’école quatre heures par jour chaque après-midi dans les locaux d’une école primaire du kibboutz voisin, à Beit Haemek ; aujourd’hui, ils étudient dans les locaux scolaires situés sur un terrain de la Maison des combattants du ghetto, un musée de la Shoah situé dans le kibboutz Lohamei Hagetaot.
La guerre fait rage autour d’eux, mais Gal et son équipe font en sorte de fournir aux élèves « un cadre chaleureux et rassurant », particulièrement à ces tout jeunes adolescents qui « peuvent facilement se perdre ou s’oublier au milieu de tout cela ».
Mais cette école temporaire manque de racines – sans parler de personnel. Il manque 14 personnes sur les 40 requises pour faire fonctionner correctement l’école d’Eilon : elles ont soit été évacuées vers des zones trop éloignées pour revenir chaque jour, soit se battent dans la réserve.
« Tout le monde ici est en crise », souligne Gal. Son personnel et elle travaillent d’arrache-pied pour apporter un soutien émotionnel aux élèves et enseignants, mais aussi pour créer un nouveau cadre académique adapté aux réalités de la guerre.
Lorsque les cours se sont donnés dans les locaux de l’école primaire du kibboutz Beit Haemek, des bénévoles de la communauté ont apporté leur aide aux enseignants totalement débordés. Proche de la frontière libanaise, l’école résonnait de bruits de tirs d’artillerie et d’explosions. Gal se rappelle que certains élèves étaient tellement effrayées qu’ils arrivaient à l’école en « tremblant ». Et comme leur école se trouvait dans une zone militaire d’exclusion, il leur était impossible de récupérer leurs manuels scolaires.
« Les gens du Livre n’avaient pas de livres », médite Gal. Il a fallu attendre plusieurs semaines pour pouvoir récupérer le matériel pédagogique.
« Nous n’avions rien pour étudier », regrette Noa Shemla, élève en classe de quatrième. « Nous ne pouvions même pas faire des photocopies de notre manuel. »
Les enseignants ont improvisé avec des rétroprojecteurs, mais en cas de problème technique, il n’y avait personne pour le régler. Certains élèves évacués ont tellement déménagé qu’ils ne savent plus où sont leurs cahiers, fournitures ou cartable.
Yuval Bashan, élève de Terminale, n’a pas été évacuée de sa maison de Regba, en Galilée occidentale, mais son école, Sulam Tzur, dans le kibboutz Gesher Haziv, a été réquisitionnée par l’armée. Les élèves ont désormais deux heures de bus chaque jour jusqu’à leur école provisoire à Kiryat Bialik, à 40 kilomètres de là. L’une de ses amies évacuées, dont la famille est restée à Ashdod, fait chaque jour jusqu’à cinq heures de route pour terminer ses études secondaires en compagnie de ses camarades de classe.
« C’est très difficile, surtout que c’est notre dernière année », explique Bashan. « Nous n’avons pas pu faire de théâtre, ma spécialité, jusqu’à ce qu’ils nous trouvent un local adapté pas très loin d’un abri anti-aérien. »
En maternelle dans un abri anti-aérien
Dans la ville voisine de Shavei Zion, 34 enfants sont allés à l’école maternelle dans un abri souterrain pendant les deux premiers mois de la guerre. Selon le Commandement du front intérieur, lorsque l’alerte retentit, les habitants disposent d’un temps défini – compté en secondes – pour rejoindre un abri. Les habitants de Shavei Zion disposent de 30 secondes pour ce faire, et l’abri anti-aérien public est trop éloigné des locaux de la maternelle.
Faute d’abri anti-aérien accessible dans les temps – et aussi de moyens pour en construire un rapidement – des parents d’élèves se sont ligués pour réunir les fonds nécessaires à la construction d’un abri anti-aérien à proximité du jardin d’enfants.
Pendant la construction de l’abri, Carmit Almog, l’enseignante, le reste du personnel et les enfants ont cours au Zedaka Bet El, hôtel géré par une organisation caritative allemande qui offre des séjours gratuits aux survivants de la Shoah et à leurs proches.
Un tatouage sur le bras d’Almog indique : « Ta seule limite est ton esprit », et elle dit que c’est bon de s’en souvenir. Lorsqu’elle fait des exercices d’alerte, elle essaie d’en faire un jeu pour les enfants, dont quatre ont été évacués d’autres communautés, dont le village bédouin d’Arab al-Aramshe.
« On fait bouger nos doigts près de nos oreilles en répétant : ‘Nana
banana’ », explique Almog, en utilisant une expression absurde très appréciée des petits Israéliens.
Elle est heureuse de pouvoir donner cours au Zedaka Bet El, un endroit charmant plein d’arbres et de fleurs, mais elle regrette de ne pas pouvoir emmener les enfants en promenade comme elle le faisait depuis neuf ans.
« C’est difficile d’étudier la nature en étant enfermé dans un bâtiment », explique-t-elle. « Mais nous devons rester dans les parages. Nous n’avons que 30 secondes pour mettre 34 enfants en sécurité. »
Les leçons de la crise du COVID
Selon un porte-parole du ministère de l’Éducation, le ministère travaille en étroite collaboration avec l’armée israélienne pour donner des instructions aux autorités locales sur la façon de préparer et faire fonctionner les écoles dans les situations d’urgence, au moyen notamment « de programmes flexibles dispensés dans des locaux sûrs et parfois alternatifs, de cours dispensés selon des roulements, d’enseignement en ligne à distance et de programmes de sensibilisation ».
Le ministère s’est doté d’un scénario pour les écoles en cas de « guerre de trois semaines ».
« Le coronavirus nous a aidés à nous préparer à cette situation », admet Leah Alon, directrice adjointe de l’école primaire de Regba, car « il nous a permis de faire l’expérience de l’apprentissage et de l’enseignement à distance via Zoom ».
À l’école, il y a en ce moment 35 enfants évacués sur un effectif total de 530 élèves, mais lorsque la guerre a commencé, tout a été stoppé. Progressivement, le Commandement du front intérieur a pris une série de directives. Les élèves ont repris les cours à distance, avant de revenir en classe pour des « journées très courtes ». Aujourd’hui encore, explique Alon, la journée de cours est plus courte que d’habitude, mais « on fait en sorte de redonner un rythme, des habitudes à nos jeunes ».
Par ailleurs, psychologues et conseillers d’orientation sont « sur place » à l’école, et il y a fréquemment des activités pour que les enfants
« expriment leurs craintes » à propos de ce qu’ils peuvent entendre sur la guerre, les terroristes ou les otages encore à Gaza.
L’ironie de l’histoire, qui a conduit l’établissement d’Eilon à s’installer provisoirement dans les locaux de la maison des combattants du ghetto, n’échappe pas à Gal, sa directrice. Elle-même a été évacuée du kibboutz Goren, plus au nord ; elle a déjà déménagé deux fois et va devoir à nouveau le faire.
« Le massacre du 7 octobre aurait pu se produire ici, dans le nord », souligne Gal. En rédigeant de nouveaux documents pédagogiques, elle espère faire passer ce message à ses élèves : « Nous sommes un peuple fort au sein d’une nation forte. »
« Quoi qu’il arrive, conclut-elle, nous avons en nous la force nécessaire pour nous relever. »
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