Éloges funèbres à l’enterrement de Chaïm Druckman
Des milliers de personnes ont bravé le froid et la pluie pour assister aux funérailles de l'influent chef spirituel du mouvement sioniste religieux, décédé dimanche à 90 ans
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Des dizaines de milliers de personnes, dont une écrasante majorité d’hommes orthodoxes, se sont rendues lundi dans une petite communauté située à l’extérieur d’Ashkelon pour rendre un dernier hommage au rabbin Chaïm Druckman, le chef spirituel du mouvement sioniste religieux, décédé la veille.
Le rabbin Druckman a reçu l’éloge funèbre des principaux dirigeants politiques et religieux du pays, ainsi que de membres de sa famille, lors d’un enterrement marqué par un temps froid et pluvieux. Plus tôt, le corps de Druckman avait été exposé dans sa yeshiva Or Etzion, dans sa ville natale de Merkaz Shapira, où ses étudiants et sa famille l’ont pleuré.
« Nous avons perdu l’un des grands rabbins d’Israël, un élève de Rabbi Akiva [sage du Ier siècle] de notre génération », a déclaré le président Isaac Herzog. « Nous étions tous vos fils, nous étions tous vos élèves. »
Le Premier ministre désigné, Benjamin Netanyahu, a décrit Druckman comme un enseignant dévoué et une personne « exceptionnellement douce » qui était néanmoins prête à « se battre pour les questions qui sont au cœur de la nation : l’intégrité de la Terre d’Israël, les valeurs nationales, l’éducation de l’identité juive, l’éradication du terrorisme et le renforcement de Tsahal ».
Netanyahu a déclaré que Druckman croyait en l’importance de l’unité nationale, la considérant comme « notre arme secrète la plus puissante ».
« Bien sûr, nous ne pouvons pas être d’accord sur tout en Israël, mais comme lui, je crois que nous pouvons parvenir à un accord sur de nombreuses choses qui sont fondamentales pour notre existence », a-t-il déclaré, une référence apparente au discours national féroce sur les mesures très controversées proposées par les membres de sa future coalition.
Netanyahu a inclus dans sa liste de questions chères au cœur de Druckman la question très controversée de la conversion au judaïsme, pour laquelle le défunt rabbin a œuvré pendant des années à libéraliser en tant que chef de l’Autorité de conversion de l’État, un organe du bureau du Premier ministre qui supervise les conversions en Israël. Cela a rendu furieux les rabbins ultra-orthodoxes et a conduit les tribunaux rabbiniques à annuler les milliers de conversions qu’il avait supervisées, bien que cette décision ait été annulée plus tard par la Haute Cour de justice.
« Lorsqu’il a terminé son mandat à la tête de l’Autorité de conversion de l’État, je lui ai dit ‘vous vous êtes dressé tel un génie face à toutes les critiques sur les conversions d’État afin de ramener ces fils et ces filles' », a déclaré Netanyahu.
Bezalel Smotrich, chef du parti d’extrême-droite HaTzionout HaDatit, s’est souvenu de Druckman, l’un de ses chefs spirituels, comme d’une force fédératrice dans la communauté religieuse nationale et s’est demandé qui remplira désormais ce rôle.
« Que vais-je faire sans vous ? Sans votre sourire, vos accolades, votre poignée de main chaleureuse ? » a-t-il déclaré. « Que ferons-nous sans votre dévouement, sans votre responsabilité, sans vous pour porter le fardeau ? »
« Priez pour nous, Rabbin. Priez pour le peuple d’Israël, pour la Terre d’Israël, pour l’État d’Israël, pour le gouvernement d’Israël, pour notre chère communauté, que vous avez su unifier », a déclaré Smotrich.
Le parlementaire provocateur a rappelé « combien de fois Druckman [lui avait] reproché ses propos depuis un an et demi ». Des chefs religieux de premier plan, dont le grand rabbin ashkénaze David Lau et le grand rabbin séfarade de Jérusalem Shlomo Moshe Amar, ont également prononcé des éloges funèbres lors de la cérémonie, de même que le chef du mouvement de jeunesse Bnei Akiva, dans lequel Druckman s’est beaucoup investi tout au long de sa vie, ainsi que le fils de Druckman, le rabbin Nachum Druckman.
Des centaines d’agents de police et de volontaires ont été déployés pour sécuriser l’événement. Le cortège funéraire devait partir de Merkaz Shapira pour se rendre au cimetière voisin de Masuot Yitzhak après les éloges. Il a été demandé au public de ne pas suivre le cortège, mais de rester à Merkaz Shapira, où il pourra regarder l’enterrement sur des écrans spécialement prévus à cet effet, afin d’éviter les mouvements de foule.
Druckman était un protégé de l’influent rabbin nationaliste Zvi Yehuda Kook. On lui doit le nom de Gush Emounim – littéralement, le bloc des croyants – qui désigne depuis sa création, dans son salon de Merkaz Shapira en 1974, le mouvement des résidents des implantations. Élément prédominant du sionisme religieux, le mouvement est passé de sa position de centre-gauche lors de la création de l’État à la droite, puis à l’extrême-droite, où il se trouve aujourd’hui.
Pendant des dizaines d’années, Druckman a été un acteur majeur de la politique israélienne, en tant que député de la Knesset, vice-ministre et, plus récemment, en tant que chef spirituel des partis sionistes religieux. Il a également occupé des postes religieux influents, en tant que doyen de la yeshiva Or Etzion, en tant que chef du réseau de tous les séminaires affiliés au mouvement sioniste religieux Bnei Akiva, et en tant que président de l’union des yeshivot Hesder – des séminaires pour hommes qui combinent service militaire et étude religieuse.
Au fil des ans, Druckman s’est trouvé en désaccord avec certains rabbins ultra-orthodoxes en raison de ses opinions plus libérales en matière de conversion au judaïsme, ainsi qu’avec les autorités de l’État pour ses prises de position parfois subversives, comme ses appels aux soldats religieux à refuser les ordres d’expulsion des implantations en Cisjordanie. Il a également été critiqué pour avoir défendu des délinquants sexuels notoires.