En critiquant l’accord avec le Liban, Netanyahu aide le Hezbollah, dit Lapid
Le Premier ministre a riposté aux critiques de l'opposition en affirmant que l'accord émergent sur les frontières maritimes répond pleinement aux besoins d'Israël
Le Premier ministre Yair Lapid a accusé, lundi, le député Benjamin Netanyahu, qui est le chef de l’opposition, d’aider le groupe terroriste du Hezbollah dans ses efforts de propagande par ses critiques d’un accord émergent portant sur la démarcation des frontières maritimes avec le Liban – une initiative qui permettrait aux deux pays d’explorer les réserves énergétiques offshores qui se trouvent en Méditerranée.
Après la présentation, par les États-Unis, d’une proposition d’accord entre les gouvernements israélien et libanais, ce week-end, l’ex-Premier ministre Netanyahu avait affirmé que Lapid avait cédé les ressources naturelles d’Israël au Liban et au Hezbollah libanais.
Même si les détails de l’accord n’ont pas été rendus publics dans leur intégralité, il a été salué par Jérusalem et Beyrouth qui l’ont accueilli plutôt positivement, et même le groupe terroriste a semblé renoncer à son opposition véhémente au seul principe d’un pacte.
« Je comprends que cela vous chagrine de ne pas avoir réussi à conclure un accord [quand vous étiez Premier ministre] mais ce n’est pas une raison pour vous joindre à la campagne de propagande de [Hassan] Nasrallah », a écrit Lapid sur Twitter, se référant au leader du Hezbollah.
Faisant remarquer que Netanyahu « n’a pas vu l’accord », Lapid a ajouté sur le réseau social que ce dernier répondait « à 100 % des besoins sécuritaires d’Israël », notant que le pays accédait également « à 100 % des réserves de Karish et même à une partie des bénéfices du réservoir libanais » de Qana.
Le champ de gaz fossile de Karish, dont la propriété est revendiquée par Israël, se trouve partiellement sur une zone qui est aussi réclamée par le Liban.
« Et quid d’un petit éloge pour un gouvernement qui fonctionne et qui obtient des résultats au bénéfice des Israéliens ? », a poursuivi Lapid dans sa publication.
Netanyahu et son parti du Likud ont persévéré dans leurs attaques contre Lapid concernant l’accord. Le parti a écrit lundi sur Twitter que Lapid « a cédé une réserve de gaz énorme au Hezbollah, quelque chose que Netanyahu n’aurait jamais accepté ».
David Friedman, l’ambassadeur américain en Israël sous l’administration Trump, entre 2017 et 2020 – une période pendant laquelle Netanyahu était Premier ministre israélien – a lui aussi semblé critiquer l’accord, écrivant sur Twitter que les États-Unis « ont passé des années à tenter de négocier un accord entre Israël et le Liban concernant les champs gaziers disputés. Nous nous étions beaucoup rapprochés de la répartition de 55-60 % pour le Liban et de 45-40 % pour Israël. »
« Personne n’avait imaginé 100 % pour le Liban et 0 % pour Israël », a-t-il continué. « J’adorerais savoir comment nous en sommes arrivés là ».
Yuval Steinitz, député du Likud et ancien ministre de l’Énergie qui avait dirigé les négociations sous le gouvernement de Netanyahu, a indiqué à la Douzième chaîne que contrairement aux affirmations faites dans le cercle de Lapid, il n’avait pas été consulté sur l’accord émergent.
« L’accord ressemble à une reddition devant Nasrallah. Ils obtiennent 100 % et nous obtenons zéro. C’est ridicule, c’est un mensonge, c’est une tromperie du public », a-t-il dit.
Dans le cadre de ce débat sur l’accord, le ministre de la Justice, Gideon Saar, a répondu lundi aux députés Yariv Levin et Orit Strock, appartenant respectivement au Likud et à HaTzionout HaDatit, qui ont écrit à Lapid, au président de la Knesset et à Saar en disant que tout changement territorial au sein de l’État d’Israël devait être présenté pour approbation à la Knesset. Il leur a assuré que l’accord serait présenté au vote devant le parlement.
La Haute-cour s’est mêlée à la discussion, demandant au gouvernement de répondre d’ici le 27 octobre à une plainte demandant à ce que tout accord de ce type soit présenté au vote à la Knesset. La plainte avait été déposée par l’organisation Lavi, intervenant dans la défense des droits des citoyens, qui avait affirmé que dans la mesure où le gouvernement était un gouvernement de transition – avant le scrutin du 1er novembre – la Knesset toute entière devait pouvoir se prononcer.
Le bloc de droite et religieux de Netanyahu, dans l’opposition, a affirmé que le gouvernement ne devait pas être autorisé à adopter un accord aussi crucial dans les semaines précédant les prochaines élections du mois de novembre.
Le cabinet de sécurité devrait se réunir, jeudi, pour discuter de l’accord.
De son côté, le Liban donnera dans les prochaines 24 heures sa réponse à la proposition américaine, avec certaines « remarques », a annoncé lundi un responsable chargé des négociations.
Le Liban donnera « une réponse à la dernière proposition » du médiateur américain Amos Hochstein « dans les prochaines 24 heures », comportant certaines « remarques » et des « amendements », a déclaré le vice-président du parlement Elias Bou Saab.
« Nous espérons une réponse définitive avant la fin de la semaine », a-t-il ajouté à l’issue d’une réunion avec le chef de l’Etat Michel Aoun, le président du Parlement Nabih Berri et le Premier ministre Najib Mikati.
Pour sa part, le Premier ministre a annoncé à la presse que l’accord était « sur la bonne voie », assurant que la position des responsables était « unifiée dans l’intérêt du Liban ».
Les détails de la proposition américaine n’ont pas été révélés mais l’ensemble des responsables libanais ont fait part de leur optimisme quant à un accord ouvrant la voie à l’exploitation d’hydrocarbures, qui donnerait une lueur d’espoir au pays en proie à une effroyable crise économique.
Le chef du puissant Hezbollah pro-iranien, Hassan Nasrallah, qui avait menacé à plusieurs reprises d’attaquer Israël s’il entame l’extraction du gaz avant un accord sur la zone contestée, avait estimé samedi que « les jours à venir seraient cruciaux », laissant entendre un règlement imminent.
Évoquant le champ gazier de Qana évoqué par Yair Lapid dans son tweet, Elias Bou Saab a assuré que « le Liban obtient en vertu de cet accord tous ses droits sur le champ gazier de Qana ».
Le chef de l’Etat libanais Michel Aoun a assuré de son côté dans un tweet qu’il « n’y aura aucun partenariat avec la partie israélienne ».
Les négociations entre le Liban et Israël avaient été suspendues en mai 2021 à la suite de différends concernant la surface de la zone contestée.
Les tensions ont été exacerbées avec l’arrivée en juin au champ de Karish d’un navire affrété par l’État juif, poussant la partie libanaise à demander auprès des Etats-Unis une reprise des pourparlers.