En Iran, les salaires exorbitants de dirigeants font grincer des dents
Les salaires de certains hauts fonctionnaires atteignent 50 000 euros par mois, dans un pays en crise financière
Les revenus exorbitants de certains hauts responsables, jusqu’à 100 fois supérieurs au salaire de base, font grincer des dents en Iran et risquent de fragiliser le gouvernement du président Hassan Rouhani à un an de la présidentielle.
« Ces salaires excessifs ont provoqué l’anxiété dans la société », a déclaré mardi le président conservateur du Parlement, Ali Larijani, devant les députés.
Il répondait à un élu qui s’indignait de « salaires de deux milliards de rials », environ 51 700 euros par mois, au sein du ministère de la Santé, alors que le salaire de base dans la fonction publique est d’environ 356 euros.
M. Larijani a annoncé que « la Cour des comptes allait rendre public un rapport la semaine prochaine » sur cette question.
L’affaire est devenue si sensible que le président Hassan Rouhani a lui-même ordonné dimanche une enquête, la mise à l’écart de responsables et le remboursement des salaires et avantages versés. Le porte-parole du gouvernement Mohammad Bagher Nobakht a quant à lui présenté des « excuses à la population ».
« Depuis deux mois, la publication des fiches de paie des responsables de l’assurance centrale (qui chapeaute toutes les sociétés d’assurance) allant de 700 millions à 800 millions de rials (17 800 à 20 500 euros), provoque l’étonnement et la colère des gens ordinaires et des médias », a souligné le site de la télévision d’Etat Irib.
« Les responsables qui ont reçu de tels salaires seront certainement démis de leur fonction », a déclaré M. Nobakht, en précisant que les dirigeants d’administrations et de sociétés d’Etat ne pourraient plus décider seuls de s’attribuer des aides et des bonus disproportionnés.
« 99 % des fonctionnaires ont des salaires aux normes », a-t-il affirmé, en ajoutant que l’écart entre le plus bas et le plus haut des salaires ne devait pas être supérieur à dix.
Cette polémique intervient dans un contexte économique toujours morose malgré l’accord nucléaire de juillet 2015 et la levée d’une partie des sanctions internationales en janvier. La croissance est en berne, plafonnant à moins de 1 %, et le taux de chômage élevé à 11 % de la population active.
Il y a une semaine, les ministres de l’Industrie et de l’Intérieur ont dressé un sombre tableau de la situation économique et sociale.
Reprise toujours attendue
Les investissements étrangers tardent à venir alors que le président Rouhani estime que le pays a besoin de 30 à 50 milliards de dollars (28 à 45 milliards d’euros) de capitaux étrangers pour parvenir à terme à une croissance de 8 %.
« Nous espérons une croissance de 5 % cette année », a déclaré le ministre de l’Economie, Ali Tayebnia. Mais les médias rapportent presque quotidiennement des licenciements, des fermetures d’usine ou encore des cas d’ouvriers non payés depuis des mois.
Le porte-parole du gouvernement a lui-même reconnu l’existence de « 7 500 unités de production à l’arrêt que le gouvernement veut faire redémarrer ».
Les milieux conservateurs en profitent pour critiquer durement la politique économique du président Rouhani, mais aussi l’absence de résultats après l’accord nucléaire, accusant le gouvernement d’avoir fait trop de concessions sans obtenir de garanties sur la levée concrète des sanctions.
Mohammad Reza Bahonnar, responsable conservateur et ancien vice-président du Parlement, a récemment dénoncé cette situation en demandant ironiquement « au gouvernement de montrer à la population le chemin de la sortie de la récession (…) qui reste toujours très importante ».
Mais les critiques se multiplient aussi dans les rangs des réformateurs et modérés, qui soutiennent le gouvernement. Plusieurs responsables et journaux réformateurs ont ainsi demandé au président de réformer au plus vite son gouvernement à un an de la présidentielle à laquelle il devrait être candidat pour un nouveau et dernier mandat de quatre ans.
Le député réformateur Mostapha Kavakebian a lancé lundi une sévère mise en garde au gouvernement en mettant en avant la difficile « situation économique ». « Si nous ne faisons rien pour la population, nous allons recevoir une gifle (…) Il reste un an avant la fin du mandat du gouvernement, il faut que plusieurs ministres changent ».