En Israël, l’armée en renfort pour l’intégration des autistes
Environ 200 soldats atteints d'autisme dit à haut niveau de fonctionnement ont rejoint l'armée depuis la mise en place, en juillet 2021, d'un programme baptisé Titkadmu
A 20 ans, le 1ère classe Nathan Saada, qui présente un trouble du spectre de l’autisme participe à l’organisation d’exercices militaires que mène Israël avec d’autres armées.
Comme lui, environ 200 soldats atteints d’autisme dit à haut niveau de fonctionnement ont rejoint l’armée depuis la mise en place, en juillet 2021, d’un programme dédié, Titkadmu (« Avancez », en hébreu) qui leur permet d’effectuer leur service militaire comme les autres Israéliens.
« Je voulais m’engager car en Israël le service militaire est important c’est quelque chose que chaque jeune doit faire et moi aussi je voulais vivre cette expérience », explique à l’AFP le soldat originaire de la ville de Haïfa (nord), qui a fait partie de la première promotion de Titkadmu, dont il arbore fièrement le badge sur son uniforme kaki.
« J’ai des responsabilités, on compte sur moi », affirme le jeune homme brun à lunettes, chargé de tâches administratives et qui fignole un organigramme sur un ordinateur dans son bureau d’une base au nord de Tel-Aviv.
En Israël, la conscription est obligatoire pour les jeunes de plus de 18 ans sauf pour les juifs ultra-orthodoxes et les Arabes israéliens (descendants des Palestiniens restés sur leurs terres après la création d’Israël), qui représentent respectivement 13 % et 20 % de la population du pays et sont automatiquement exemptés.
Du fait des menaces ayant pesé sur l’Etat d’Israël dès sa naissance en 1948 et des guerres qui l’ont opposé aux pays arabes voisins durant les premières décennies de son existence, l’armée occupe une place prépondérante dans la société israélienne.
« Rite de passage »
Et le service militaire – d’une durée de 32 mois pour les hommes et 24 pour les femmes – constitue un véritable rite de passage vers l’âge adulte.
Depuis 2008 déjà, l’armée incorporait au cas par cas des autistes habituellement exemptés, le plus souvent dans des cursus courts et volontaires.
Mais selon le général de brigade Amir Vadmani, responsable de la planification au sein du département des ressources humaines, ceux-ci étaient très peu nombreux, et c’est sous l’impulsion d’un officier lui-même autiste que Titkadmu a vu le jour.
Les recrues du programme servent dans « l’armée de l’Air, la Marine, l’armée de Terre, le renseignement militaire, partout », à l’exception notable des unités combattantes indique l’officier.
« Les soldats et soldates qui présentent un trouble du spectre de l’autisme ont énormément de potentiel » et sont de véritables « atouts » pour l’armée, en plus d’être « très motivés » car ils « veulent prouver qu’ils peuvent réussir, qu’ils sont comme tout le monde », dit-il.
Pour le général Vadmani, il est d’autant plus « logique » d’intégrer les jeunes autistes dans l’armée que le nombre de diagnostiqués est en hausse.
D’après l’Organisation mondiale de la santé, le trouble du spectre autistique touche un enfant sur 100. En Israël, il touche un enfant sur 78 selon l’ALUT (Association israélienne pour les enfants et adultes autistes), fondée par Leah Rabin, l’épouse d’Yitzhak Rabin.
Et le nombre de personnes diagnostiquées avec un trouble neuro-développemental augmente d’environ 13 % chaque année, indique à l’AFP Lital Porat, la porte-parole de l’association.
Cette évolution observée à l’échelle mondiale est due en partie aux changements dans le diagnostic, plus englobant, explique-t-elle.
« On se parle de tout »
Pour inclure ces nouvelles recrues, l’armée a adapté ses méthodes d’entraînement et mis en place un système d’accompagnement.
Une fois par semaine, Nathan Saada reçoit sur la base la visite de Liri Shahar, jeune soldate en charge du suivi de populations dites « spéciales » dans l’armée.
« On se raconte comment s’est passée la semaine, si quelque chose de particulier est arrivé », raconte la jeune femme de 19 ans. « On se parle de tout », dit-elle ajoutant également servir « d’intermédiaire » avec la commandante du soldat.
Diagnostiqué à l’âge de quatre ans, ce dernier dit éprouver parfois des difficultés pour communiquer et interagir socialement.
« Cela m’aide beaucoup d’avoir une personne vers laquelle je peux me tourner, qui peut me conseiller et m’aider », glisse-t-il.
Si Titkadmu n’en est qu’à « ses débuts », le programme aspire à terme à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes qui en bénéficient et leur permettre d' »intégrer le monde du travail en capitalisant les compétences qu’ils ont pu acquérir durant leur service », indique le général Vadmani.
Et pour Mme Porat, nul doute que l’armée leur fournit « un cadre qui les prépare à mener une vie la plus indépendante possible ».
Le soldat Saada rêve d’une carrière dans le cinéma après sa démobilisation, en 2024. « J’aimerais devenir réalisateur », dit-il, « j’ai déjà écrit plusieurs scénarios. »