En mettant des femmes à la manœuvre des tanks, l’armée s’aventure en terre inconnue
Les 15 recrues devraient bientôt commencer leur entraînement et devraient être formées pour diriger des Merkava Mark 3
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Au cours du prochain mois, 15 femmes recrutées par l’armée israélienne commenceront leur entraînement pour devenir les premières femmes à servir dans l’unité des Corps blindés, dans le cadre d’un programme visant à évaluer l’intégration des genres dans l’unité.
L’armée a annoncé en novembre qu’elle envisageait d’autoriser les femmes à servir dans l’unité des Corps blindés et a provoqué un tollé auprès d’anciens officiers de haut rang et de groupes religieux.
Les 15 soldates seront sélectionnées parmi les nouvelles recrues qui ont été enrôlées dans des bataillons de combat mixtes. Elles passeront par la formation de base au combat de base, avant de participer en août à la formation qui leur permettront de se spécialiser dans le maniement des tanks, où elles apprendront à manœuvrer le Merkava Mark 3.
En décembre, elles entreront dans la 80e division de l’armée, qui est en charge des déserts du Néguev et d’Arava. Elles aideront à surveiller les frontières avec l’Egypte et la Jordanie, a déclaré un officier, qui a accepté de témoigner sous couvert d’anonymat.
Elles serviront dans des tanks composés de recrues uniquement féminines, afin d’éviter les questions liées à la décence et la pudeur. Etant postées près des frontières égyptienne et jordanienne, elles seront moins susceptibles à avoir à entrer en territoire ennemi.
Cependant, avoir des équipages composés uniquement d’hommes et uniquement de femmes des inconvénients.
Aujourd’hui, en cas d’urgence, un soldat d’un équipage peut être muté et remplacé par un soldat d’un autre équipage. Cela ne sera pas possible de remplacer un tankiste par une soldate. Ces questions pratiques seront également étudiées au cours du programme.
D’ici mars 2018, le programme prendra officiellement fin et les militaires examineront les résultats, a déclaré l’officier.
« Nous faisons un test. Après le test, nous aurons des réponses – s’il est possible ou impossible qu’il y ait des filles [dans le Corps blindé] », a-t-il indiqué.
Un responsable militaire a déclaré au journal Haaretz le mois dernier que si le programme réussissait, les femmes manœuvrant des chars seraient probablement postées pour protéger les frontières d’Israël plutôt que de prendre part au combat derrière les lignes ennemies.
Jusqu’à présent, les femmes n’avaient pas le droit de servir dans les brigades des blindés car on considérait qu’elles ne pouvaient pas physiquement gérer les difficultés liées aux Corps blindés. Les soldates ont cependant servi d’instructeurs pour former à la manœuvre des tanks.
Les 15 candidates seront suivies tout au long du programme par des nutritionnistes, des médecins et des instructeurs physiques pour déterminer si elles peuvent relever les défis du poste, a indiqué Ynet la semaine dernière.
Depuis l’annonce de l’armée sur l’éventualité d’intégrer des femmes dans les brigades des corps blindés, le débat sur l’intégration des femmes a continué à faire rage. Mardi, la Deuxième chaîne a diffusé une vidéo où un célèbre rabbin déclarait que le service de l’armée transforme les filles juives en non-Juives. Sa déclaration a provoqué un tollé et a été dénoncée par les politiciens, à l’exception du ministre de l’Intérieur, Aryeh Deri, qui a déclaré que le rabbin a été « courageux » d’avoir fait ses remarques.
Au sein des Corps blindés, on a également exprimé une certaine opposition à l’intégration des sexes.
Avant que l’armée n’annonce son intention de permettre aux femmes de servir dans les brigades des corps blindés, le chef des Corps blindés, le général Guy Hasson, a déclaré au Times of Israël qu’il craignait qu’une telle mesure nuise à « l’image » de l’unité.
« Nous sommes des combattants. Nous essayons de garder une image de combattants », avait-il fait valoir.
« Il y a encore des gens qui nous regardent, qui nous disent qu’il y a l’infanterie et qu’il y a les blindés. Vous êtes moins ‘combattants’. Vous êtes moins… », a-t-il déploré.
Il faut convaincre les hommes également
Ces dernières années, le Corps des blindés est devenu l’une des unités les moins populaires pour les recrues. En 2016, seulement 0,7 % des soldats recrutés ont demandé à y être intégré, a déclaré Hasson à la fin de l’année dernière.
En décembre, un groupe de 86 recrues qui devaient s’engager dans le Corps des blindés ont refusé de le faire et ont été envoyées en prison.
La plupart ont finalement ont été convaincues de rejoindre les brigades des corps blindés, mais l’incident a révélé la nécessité de faire des efforts supplémentaires pour rendre cette unité plus attrayante, a déclaré l’officier.
« Dans [la brigade] Golani, vous rentrez chez vous avec le Tavor [un fusil d’assaut]. Dans les Corps blindés, vous ne rentrez pas à la maison avec un tank pour le week-end », a-t-il souligné.
Les brigades des Corps blindés ont donc intensifié leurs efforts pour « faire connaître » aux gens leurs unités.
« Hier, nous avons eu une conférence [organisée pour les] possibles nouvelles recrues, où nous les avons invités à découvrir l’unité. Nous leur avons montré les tanks. Nous les avons laissées entrer dedans pour les tester », a-t-il indiqué.
La prochaine date pour l’enrôlement des Corps blindés est le 19 mars, et avec elle, arrive une autre opportunité embarrassante de faire face à un refus massif de servir dans cette unité. Pour lutter contre cela, des représentants de l’unité ont « rencontré des gens dans leurs foyers », a-t-il expliqué, afin de les convaincre que le Corps blindé offre à ses soldats un service militaire significatif.