En Moldavie, une synagogue à l’histoire terrible mise en vente rue de l’Holocauste
Il ne reste à Edinets que 17 Juifs sur 7 000 depuis la Deuxième guerre mondiale. Et aujourd'hui, un ancien lieu de culte où 90 pénitents avaient été massacrés a été mise sur le marché
EDINETS, Moldavie — Dans une petite ville située dans le nord de la Moldavie, une ancienne synagogue est en vente dans la rue de l’Holocauste.
Le bâtiment, où environ 90 habitants juifs ont été exécutés pendant la Deuxième guerre mondiale, est offert au prix de 65 000 euros par un propriétaire moldave qui a indiqué « ne pas avoir eu connaissance de son histoire ».
Le propriétaire n’a pas souhaité donner son nom, et a demandé à ce journaliste de ne pas prendre de photographies de l’intérieur de la synagogue – en ruines – ou de la cour, qu’il loue actuellement approximativement 85 euros par mois à un ferrailleur automobile.
La petite rue où se dresse la synagogue a été renommée « Rue de l’Holocauste » en 2003 en hommage aux personnes exécutées à l’intérieur de la synagogue, explique Iurii Zagorcea, ancien conseiller municipal socialiste initiateur du changement de nom aux côtés de son épouse Tatiana, administratrice d’une école.
Une petite plaque portant le nom de Holocauste est accrochée sur le mur de l’ancienne synagogue. Il y avait également un ghetto situé le long de la même route pendant la guerre.
Le nom suggéré à l’origine était « la rue dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste », raconte Iurii Zagorcea. Toutefois, pour permettre que le nom figure sur les panneaux de signalisation des rues, la ville a exigé qu’il soit réduit à un mot. C’est ainsi que l’artère municipale est devenue « la rue de l’Holocauste ».
« Cela ne sonne pas vraiment juste, mais nous avons raccourci le nom pour que ce soit plus facile pour les gens », explique Tatiana. « Il n’y a pas de confusion à ce sujet. Personne ne vit mal le fait de vivre dans cette rue. Les gens comprennent correctement ce que cela veut dire ».
Environ 90 Juifs ont été exécutés à l’intérieur de la synagogue en 1941 par des fascistes roumains après qu’ils y ont trouvé refuge, poursuit Iurii Zagorcea qui s’est entretenu dans le passé avec des témoins oculaires.
« Lorsque les exécutions ont commencé, les gens sont venus ici pour trouver la protection de Dieu, ils sont venus ici pour se cacher. Des paysans chrétiens se sont eux aussi cachés dans leurs églises », raconte-t-il.
‘Lorsque les exécutions ont commencé, les gens sont venus ici pour trouver une protection de Dieu, ils sont venus ici pour se cacher’
Quand les fascistes sont entrés dans la ville d’Edinets en 1941, ils ont immédiatement commencé à exécuter les Juifs, selon Iurii Zagorcea, qui a entendu le récit de la bouche de sa mère et de sa tante. Au cours des deux premiers jours, 650 personnes ont été tuées.
« Ma mère m’a dit que les corps gisaient sur le sol, non enterrés, comme des gerbes de blé », dit-il. « Il y avait une odeur terrible de cadavres dans la ville. Une tante m’a dit que, depuis ce moment-là, elle n’a plus jamais vu de mouches aussi énormes ».
Plus de 7 000 des 10 000 habitants d’Edinet étaient Juifs à la fin du 19ème siècle. Il n’en reste dorénavant que 17, selon les données du dernier recensement moldave réalisé en 2014.
Après la Deuxième guerre mondiale, l’ancienne synagogue a été nationalisée par le gouvernement, réagencée à l’intérieur et utilisée comme bureau pour un fabricant de textile. Le bâtiment aujourd’hui est dans un triste état et nécessite d’importantes rénovations.
C’est l’une des deux synagogues restantes dans une ville qui possédait six lieux de culte juifs avant la guerre, ajoute Iurii Zagorcea. Une partie de l’autre synagogue encore debout et un ancien hôpital juif sont utilisés comme musée de la ville.
Il y a quelques années, Iurii Zagorcea a posé une plaque sur l’ancienne synagogue informant les passants que des Juifs avaient été exécutés dans ces lieux pendant la guerre. Mais quelqu’un – probablement l’ancien propriétaire du bâtiment, suppose-t-il, a enlevé la plaque, probablement par crainte que l’endroit puisse être rendu à la communauté juive ou qu’un acheteur potentiel ne soit dissuadé de l’acquérir.
‘Lorsque j’étais plus jeune, je voulais créer ce genre de musée – pour expliquer ce qu’il se passe pendant la guerre et la conquête’
Zagorcea avait également pensé transformer en musée l’ancienne synagogue. Une partie aurait été consacrée à l’Holocauste en Moldavie, une autre au terrorisme stalinien et une troisième aurait traité de la famine dont la Moldavie a souffert après la guerre en raison des politiques agricoles soviétiques, en 1946 et en 1947. Mais il a abandonné cette idée lorsqu’il a réalisé que personne ne désirait financer ou soutenir le projet. Il n’y a actuellement pas de musée de l’Holocauste en Moldavie.
« Lorsque j’étais plus jeune, je voulais créer ce genre de musée – pour expliquer ce qu’il se passe pendant la guerre et la conquête, pour venir en aide à la société, pour éduquer les futures générations de manière à ce que cela ne se répète jamais. C’était mon objectif », dit Iurii Zagorcea.
De manière intéressante, l’ancienne synagogue et la rue de l’Holocauste se situent dorénavant dans un quartier Rom (gitan) de la ville, avec une belle bâtisse rom juste de l’autre côté de la rue. Les membres de la communauté rom ont eux aussi assisté à la cérémonie au cours de laquelle la rue a été rebaptisée, passant de « Zavodskaya (« Rue de l’usine) à Rue de l’Holocauste.
Les Roms en Moldavie ont également été assassinés durant l’Holocauste mais il n’existe actuellement aucun monument à la mémoire des victimes de l’Holocauste de cette communauté particulière en Moldavie, dit Tatiana Zagorcea.
Le propriétaire qui est en train de vendre l’ancienne synagogue et la structure adjacente a indiqué être sceptique concernant un éventuel achat de la propriété par un membre de la communauté juive, si son histoire devait apparaître dans un journal israélien.
« Je ne pense pas que les Juifs l’achèteraient. Surtout pas les Juifs d’ailleurs, ils sont radins », s’est-il exclamé.
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