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En Ouzbékistan, l’ouverture par le vin

Le plan quinquennal en Ouzbékistan prévoit la culture de "variétés industrielles de cépages précieux venues de France, d'Italie, du Chili et des Etats-Unis"

Un Ouzbèque goûte le vin dans une entreprise vinicole. (Crédit : Stanislav KHODJAEV / AFP)
Un Ouzbèque goûte le vin dans une entreprise vinicole. (Crédit : Stanislav KHODJAEV / AFP)

Alors que l’hiver approche sur les steppes d’Asie centrale, Abdoumoutal Iouldachev, propriétaire de 15 hectares de vignes dans l’est de l’Ouzbékistan, voit sa production mise en bouteille à destination de la Russie. Lui et son équipe sont désormais en première ligne d’une ambitieuse campagne de viticulture de l’Etat.

Cette année, cet agriculteur de 38 ans a récolté du bayan shirei et du rkatsiteli, des cépages originaires du Caucase. Mais à l’avenir, son exploitation pourrait cultiver des variétés de raisin à la réputation internationale plus prestigieuse, comme du chardonnay et du cabernet, si le plan du président Chavkat Mirzioïev porte ses fruits.

L’Ouzbékistan, en pleine ouverture politique et économique, rêve de se faire une place sur la scène viticole mondiale. En février, la présidence de l’ex-république soviétique a publié un décret fixant comme objectif d’augmenter de 60 % des exportations de vin du pays d’ici la fin 2021. Autre but : doubler en cinq ans les surfaces cultivées par les vignerons travaillant pour l’État.

Arrivé au pouvoir il y a deux ans après la mort de l’autoritaire Islam Karimov, le président Mirzioïev a entamé un assouplissement du régime avec des réformes politiques et une tentative de réduire la dépendance de l’économie ouzbèke à la culture du coton, très gourmande en eau.

Il souhaite aussi attirer des investissements étrangers.

Le plan quinquennal en Ouzbékistan, l’Etat le plus peuplé d’Asie centrale, prévoit la culture de « variétés industrielles de cépages précieux venues de France, d’Italie, du Chili et des Etats-Unis ».

Mais les spécialistes restent sceptiques sur les ambitions de ce pays au climat extrême et où la population, à majorité musulmane, n’a pas de réelle culture du vin. Un « festival viticole » annuel, voulu par l’Etat et organisé cette année du 21 au 22 novembre, a attiré moins de 150 personnes.

Cela n’empêche pas Abdoumoutal Iouldachev de voir déjà grand. « Je veux m’étendre la saison prochaine en louant ces terrains », assure-t-il en montrant une étendue de vignes qui longe les contreforts de Parkent, à 80 kilomètres de la capitale Tachkent. « Il nous reste beaucoup à faire. »

Prêt à déguster

L’Ouzbékistan part de très loin : selon les statistiques officielles, 20,7 millions de litres de vin ont été produits dans le pays en 2017, soit environ 200 fois moins qu’en France. Et les exportations concernent surtout des produits issus d’étapes peu avancées de la vinification.

Le vignoble d’Abdoumoutal Iouldachev est proche d’une usine où est embouteillé du vin de la région, sous la houlette d’un personnel presque exclusivement féminin, en combinaisons blanches, qui surveille le bon déroulé des opérations sur le tapis roulant.

Quelque 180 exploitants locaux apportent leur production icis, selon le directeur des lieux, Gaïrat Achourov.

Le vin mis en bouteilles dans cette usine est ensuite reconditionné en Russie.

Des employés trient le raisin durant les vendanges à Zarkent, en Ouzbékistan. (Crédit : Stanislav KHODJAEV / AFP)

Mais les baisses d’impôts et les incitations prévues dans le décret présidentiel visent à mettre fin à ces exportations de matière première et à encourager le passage local à un produit fini prêt à déguster. Y compris à domicile.

Il faudra toutefois convaincre les Ouzbeks. Car depuis la chute de l’URSS, la consommation d’alcool a baissé dans le pays à mesure que l’islam reprenait une place croissante dans la société, même si la vodka continue de séduire.

Le vin doit gagner en popularité en Ouzbékistan pour être mieux exporté ensuite: « il est parfois difficile de vendre à l’étranger si vous ne pouvez pas montrer que le produit est populaire chez vous », prévient Kym Anderson, directrice exécutive du Centre de recherches économiques à l’Université d’Adelaïde (Australie).

Protéger les vignes

Le climat ouzbek, bien plus rigoureux que dans d’autres pays viticoles, pourrait en outre constituer un obstacle aux ambitions du président Mirzioïev en matière de vins, souligne-t-elle.

L’année passée, Abdoumoutal Iouldachev a dû enterrer ses vignes pour les protéger du froid, une pratique qui selon l’experte augmente les dépenses de main-d’œuvre et peut fragiliser les vignes sur le long terme.

L’été, à l’inverse, des « températures supérieures à 40 degrés peuvent endommager les grappes si elles ne sont pas protégées de façon appropriée », indique Kym Anderson.

La culture de la vigne a une longue histoire en Ouzbékistan, mais elle n’a été été développée à un niveau industriel qu’à partir de la période tsariste sous la domination de Moscou, au 19e siècle. La première cave du pays a été fondée en 1868 par un marchand russe.

La filière a toutefois connu deux chocs majeurs.

Le premier a été le lancement d’une campagne contre la consommation d’alcool en URSS par Mikhaïl Gorbatchev, à la fin des années 1980.

Puis, après l’indépendance du pays en 1991, l’isolement économique prôné par Islam Karimov, mentor de l’actuel président Mirzioïev, a mis un frein à la production viticole.

Malgré l’ouverture opérée par le nouveau pouvoir, Tom Whittington, un expert basé à Londres, se demande où le vin ouzbek pourrait trouver une niche sur un marché déjà surchargé.

Selon lui, « au moins à court terme, le vin ouzbek ne pourra pas rivaliser avec les vins fins de l’ancien et du nouveau monde ».

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