Israël en guerre - Jour 566

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Opinion

En renvoyant le chef du Shin Bet, Netanyahu veut renforcer sa mainmise personnelle sur Israël

Le Premier ministre aura sûrement anticipé que son limogeage de Ronen Bar entraînera de vives protestations de l'opinion publique et une opposition des juristes. Mais il n'hésite pas - au grand malheur de notre pays

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et le chef du Shin Bet, Ronen Bar, le 4 avril 2023. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et le chef du Shin Bet, Ronen Bar, le 4 avril 2023. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

En annonçant dimanche son intention de limoger le chef du Shin Bet, Ronen Bar, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a encore une fois plongé Israël dans la crise constitutionnelle qu’il avait lui-même créée, au début de l’année 2023, lorsqu’il avait tenté d’affaiblir le pouvoir de l’autorité judiciaire, s’efforçant de concentrer entre ses mains le contrôle de toutes les branches du gouvernement.

À l’époque, dans un contexte d’opposition massive de l’opinion publique, il avait fait machine arrière, éloignant le pays du bord du précipice. Aujourd’hui, il prend à nouveau le risque de déchirer la nation, manifestement insensible au fait que les fractures au sein du pays, en 2023, avaient procuré une nouvelle hardiesse aux ennemis d’Israël, oubliant qu’Israël est également toujours en guerre contre le Hamas qui détient toujours des otages de l’autre côté de la frontière, dans la bande de Gaza.

Peut-être a-t-il également observé la facilité avec laquelle le président américain Donald Trump a nommé des loyalistes à des postes de premier plan, se débarrassant des titulaires – cela a notamment été le cas du chef de l’état-major interarmées – et qu’il a établi que la même brutalité était à la fois pertinente et réalisable sur notre territoire.

Ronen Bar avait l’intention de démissionner – après avoir diffusé, au début du mois, les conclusions d’une enquête du Shin Bet sur les défaillances de l’agence de sécurité intérieure concernant le pogrom qui avait été commis par le Hamas, le 7 octobre 2023. Si l’institution avait agi différemment, a reconnu Bar lorsque cette enquête a été rendue publique, « le massacre aurait été évité ».

Dans un communiqué qui a été émis quelques heures après l’annonce de son licenciement par Netanyahu, Bar a fait savoir qu’il avait refusé les pressions exercées par le Premier ministre en faveur de sa démission parce qu’il avait bien l’intention de continuer à exercer ses fonctions jusqu’à ce que les otages soient rapatriés, jusqu’à ce que plusieurs enquêtes « sensibles » soient terminées et jusqu’à ce que ses deux potentiels successeurs soient prêts à prendre la relève.

Il a également indiqué que « l’attente du Premier ministre en matière de devoir de loyauté personnelle, dont le but est contraire à l’intérêt public, est une attente fondamentalement illégitime. Elle est contraire à la loi sur le Shin Bet et aux valeurs d’État qui guident le Shin Bet et ses membres ».

Un commentateur, sur une chaîne de télévision, s’est demandé à l’antenne si ces propos indiquaient que Bar avait l’intention de refuser de partir – se barricadant peut-être dans son bureau avec des gardes à l’entrée. En réponse à plusieurs réactions de ce type, des « sources au sein du Shin Bet » ont diffusé un communiqué qui précisait que Bar avait expliqué pourquoi il avait résisté aux pressions antérieures exercées par Netanyahu qui le sommait de renoncer à son poste de son propre chef. Si le gouvernement décide légalement de se défaire de lui, « il acceptera cette décision », ont déclaré les sources.

Netanyahu n’était pas prêt à attendre que Bar détermine le moment de son départ. Il ne veut pas qu’il termine ses enquêtes « sensibles » et il ne s’intéresse guère au choix de ses successeurs potentiels. Après s’être débarrassé du ministre de la Défense, Yoav Gallant, au mois de novembre et après avoir accepté la démission et le départ du chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, il y a dix jours, le Premier ministre est passé à la cible suivante en affirmant que le responsable du Shin Bet devait partir en raison du « manque de confiance permanent » qui règne entre les deux hommes, un manque de confiance « qui n’a fait que croître au fil du temps ».

Fait révélateur, Netanyahu n’a pas mentionné les échecs du 7 octobre pour motiver ce licenciement. Ce qui aurait mis l’accent sur son propre refus d’assumer la responsabilité personnelle des atrocités qui avaient été perpétrées par le Hamas alors qu’il était à la barre, ce qui aurait aussi souligné son rejet de la simple formation d’une commission d’enquête d’État qui serait chargée de faire toute la lumière sur les défaillances qui avaient permis à l’attaque sanglante d’être commise, permettant de garantir qu’elles ne se reproduiront pas.

De gauche à droite : Le ministre de la Défense Yoav Gallant, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le chef d’état-major de l’armée israélienne Herzi Halevi et le directeur de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet Ronen Bar dans la salle d’opérations spéciales supervisant une mission de libération d’otages dans la bande de Gaza, le 8 juin 2024. (Crédit : Agence de sécurité intérieure du Shin Bet)

Le Premier ministre a sans doute anticipé que la procureure-générale Gali Baharav-Miara s’opposerait au renvoi de Ronen Bar. Et, en effet, dans une déclaration de seulement deux phrases, dimanche, la principale conseillère juridique du gouvernement lui a dit, sans ambages, que le processus ne pourrait pas commencer « tant que la base factuelle et juridique qui sous-tend votre décision n’aura pas été pleinement examinée, ainsi que [la question de] votre autorité s’agissant de vous attaquer à un tel dossier actuellement ». Ce qui pourrait être une référence à l’accord sur les conflits d’intérêts qui avait été signé en 2022 par Netanyahu – un accord qui lui permettait de servir au poste de Premier ministre malgré son procès en cours dans trois affaires criminelles à condition qu’il lui soit interdit, par ailleurs, de s’impliquer dans les nominations à des postes de premier plan au sein d’instances chargées de l’application de la loi, si ces nominations pouvaient potentiellement affecter l’issue de son procès.

Baharav-Miara a également souligné « l’extraordinaire sensibilité de la question, son caractère sans précédent [aucun gouvernement n’a jamais renvoyé le chef du Shin Bet], la crainte que ce processus ne soit entaché d’illégalité et de conflit d’intérêts ». Elle a rappelé que le rôle de chef du Shin Bet « n’est pas un poste de confiance personnel au service du Premier ministre ».

Mais Netanyahu ne devrait pas être pas particulièrement effrayé par ces objections. Lui et les autres membres de la coalition travaillent déjà au licenciement de Baharav-Miara…

La procureure générale Gali Baharav-Miara lors d’une réunion du cabinet au Musée des terres bibliques, à Jérusalem, le 5 juin 2024. (Crédit : Gil Cohen-Magen/Pool Photo via AP)

Quand il avait essayé, pour la première fois, de renvoyer Gallant, le ministre de la Défense, au mois de mars 2023 – ce dernier avait eu l’outrecuidance d’avertir que la tentative, de la part de la coalition, d’affaiblir le système judiciaire israélien fracturait profondément la nation et enhardissait les ennemis d’Israël – des manifestations immenses avaient finalement persuadé Netanyahu d’annuler le limogeage de son ministre et de suspendre le plan de refonte radicale du système judiciaire israélien qui était avancé à ce moment-là. Lorsqu’il avait décidé d’évincer Gallant, une seconde fois – c’était le 5 novembre 2024 – après que le pogrom commis par le Hamas eut apporté la preuve du caractère terriblement prémonitoire des mises en garde lancées par le ministre de la Défense, les mouvements de protestation avaient été beaucoup plus discrets et ce limogeage avait été mené à son terme. Après tout, Gallant était également l’un des principaux responsables des échecs à prévenir l’attaque sanglante.

Netanyahu aura assurément anticipé une opposition publique majeure à sa décision de se défaire de Bar – mais il est peu probable qu’il renonce à son objectif. Il n’aurait pas pris l’initiative d’une décision aussi controversée prise à l’encontre du chef d’une agence essentielle à la sécurité d’Israël, en pleine période de crise, pour ensuite changer d’avis.

En fin de compte, il appartiendra probablement aux juges de la Cour suprême d’Israël de déterminer si Netanyahu obtiendra réellement ce qu’il veut – le bannissement de Bar et un successeur dont la loyauté à l’égard du Premier ministre sera absolue.

Le moment venu, les juges pourraient rejeter les requêtes – d’ores et déjà promises par les politiciens de l’opposition – qui affirmeront que Netanyahu cherche à évincer Bar afin de saboter l’une des enquêtes « sensibles » actuellement menées par l’agence : ses investigations sur des transactions illégales présumées entre le Qatar et des collaborateurs du Premier ministre. Netanyahu n’est pas soupçonné dans ce dossier, pourraient estimer les juges, et l’enquête sera en mesure de se poursuivre indépendamment de la personne qui sera à la tête de l’agence.

Ils pourraient, de la même manière, rejeter toute accusation de conflit d’intérêts – une accusation qui a été soulevée dans la brève lettre qui a été écrite par la procureure-générale. Ils pourraient rejeter son inquiétude d’une fonction de chef du Shin Bet réduite à un poste de « confiance personnelle » – une fonction à distribuer dans le cadre d’une sorte de dispense monarchique.

Mais si les juges ne font rien de tout cela et qu’ils déclarent, au contraire, que le licenciement de Bar est illégal, Netanyahu pourrait simplement poursuivre le processus législatif que sa coalition a relancé ces dernières semaines – un plan qui vise à limiter de manière drastique l’autorité de la Cour suprême, à permettre à la majorité politique de revenir sur ses décisions, et à finalement placer tous les pouvoirs entre les mains de la majorité politique, avec lui à sa tête.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (au centre à gauche) console le ministre du cabinet de guerre et ex-chef d’état-major de Tsahal Gadi Eisenkot (au centre en kippa blanche) lors des funérailles du fils d’Eisenkot, le sergent-chef Gal Meir Eisenkot, à Herzliya le 8 décembre 2023. Gal Eisenkot a été tué le 7 décembre lors d’une opération terrestre de Tsahal dans la bande de Gaza. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Naftali Bennett, l’ancien et peut-être futur Premier ministre qui avait procédé à la nomination de Bar en 2021, a estimé que la tentative visant à l’évincer était la dernière initiative prise par Netanyahu pour éviter son « ultime responsabilité » dans le pogrom du 7 octobre. « L’État d’Israël ne pourra pas se relever sans sa démission », a dit Bennett.

Mais l’ancien chef d’état-major de Tsahal, Gadi Eisenkot, qui siège au sein de l’opposition, un ancien observateur au sein du cabinet de guerre, qui a perdu son fils pendant la guerre à Gaza, a reconnu que cela ne se produirait pas.

Accusant Netanyahu de procéder à une « purge » des chefs des services de sécurité et des responsables du système judiciaire israélien sans souci de l’intérêt de l’État, Eisenkot a appelé à une « lutte publique et politique de masse » avec pour objectif de remplacer rapidement – et de manière démocratique – Netanyahu. Le Premier ministre, a-t-il dit, a « perdu le droit moral de se maintenir à sa fonction ».

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