Envie de protéines ? Une firme d’Israël met des sauterelles dans votre assiette
Hargol Foodtech veut produire "l'alimentation du futur" pour remplacer le bétail : elle doit d'abord dépasser le dégoût inspiré par les insectes et gagner sa certification "casher"
Convaincue qu’il s’agit d’une solution durable pour relever le défi alimentaire mondial, une entreprise israélienne ambitionne d’être la première à commercialiser des sauterelles à grande échelle. Reste une question : ces insectes ultra-protéinés sont-ils cashers ?
Dans un hangar servant autrefois de poulailler, des milliers de sauterelles virevoltent dans de petites cages méticuleusement empilées.
« Les sauterelles sont la solution », dit à l’AFP Dror Tamir, directeur général de l’entreprise Hargol, lors d’une visite des locaux situés dans la partie du Golan placée sous le contrôle d’Israël. Environ 25 000 habitants d’implantations israéliennes vivent sur ce territoire.
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Préoccupé par l’impact de l’élevage sur l’environnement, Tamir a créé sa société il y a six ans et demi et voudrait qu’elle soit « la première à produire des sauterelles à une échelle commerciale pour fournir au monde une source de protéine plus saine et plus durable ».
Derrière son idée de faire manger ces insectes au plus grand nombre, il y a des souvenirs d’enfance : il se rappelle certes les récits selon lesquels les criquets pèlerins – une sorte de sauterelle – détruisaient dans les années 1950 les champs du kibboutz dans lequel il a grandi. Mais il se rappelle surtout que les Juifs d’origine yéménite s’en délectaient.
Consciente que ces petites bêtes peuvent paraître rebutantes, l’entreprise Hargol (« sauterelle » en hébreu) les transforme en poudre, ensuite utilisée pour la confection de barres énergétiques, bonbons en gélatine, hotdogs, falafels et autres cookies.
« Beurk »
Avec une population mondiale qui pourrait atteindre 10 milliards d’ici 2050, nourrir la planète va devenir un défi, relève Ram Reifen, professeur de nutrition à l’Université hébraïque de Jérusalem.
« Ce que l’on craint, c’est un manque de sources de protéine », explique-t-il à l’AFP, sachant que l’élevage, qui requiert beaucoup d’eau, constituera un problème croissant.
Or, avant d’être transformées, c’est-à-dire souvent grillées ou frites, les sauterelles contiennent plus de 70 % de protéines, mais aussi des acides aminés et autres nutriments, souligne MTamir.
« Elles ont tout que ce qu’il y a de bon, sans le mauvais », comme les graisses saturées et le cholestérol, dit-il, et pourraient donc remplacer les autres sources de protéines comme la viande.
Selon lui, environ 2,5 milliards de personnes consomment régulièrement des insectes, en premier lieu des sauterelles.
« Mais dès qu’il s’agit de s’adresser aux consommateurs nord-américains et européens, il est très difficile de surpasser le facteur ‘beurk' », note Tamir, qui va prochainement commercialiser de la poudre pour faire des crêpes.
Des produits conçus dans le Golan sous contrôle israélien sont soumis à des restrictions d’exportation, la communauté internationale ne reconnaissant pas la souveraineté israélienne.
Mais outre au Golan, les sauterelles sont élevées sur un site en Galilée et la poudre est produite ailleurs en Israël, explique Tamir, ce qui lui permet de contourner les restrictions.
Bible
Argument de vente original : les petits pots contenant des sauterelles cuites et les barres de céréales à la poudre d’insecte portent l’inscription « Protéine biblique ».
Les criquets pèlerins sont mentionnés dans l’Ancien Testament : il s’agit de l’une des dix plaies d’Egypte infligées par Dieu au pharaon pour le forcer à libérer les Juifs maintenus en esclavage. Des essaims de criquets ont, selon le texte, dévoré chaque brin de verdure, causant la ruine de l’Egypte.
Dans le Lévitique, l’un des cinq livres du Pentateuque, un passage spécifie que certaines espèces de sauterelles sont cashers.
Tamir aimerait introduire la sauterelle dans la cuisine israélienne mais il lui faudrait un certificat du grand rabbinat attestant qu’il s’agit bien d’un mets casher.
L’ennui, selon le rabbin Eliezer Simcha Weisz, c’est que la littérature rabbinique européenne a « explicitement indiqué que nous n’avons pas pour tradition de les manger ».
Si les Juifs du Yémen et d’Afrique du Nord en ont été friands pendant des décennies, les Juifs ashkénazes (d’Europe centrale et orientale) n’en ont jamais mangé.
Le sujet est débattu au Conseil du grand rabbinat et la délivrance d’un certificat pourrait prendre du temps, dit le rabbin.
Il remarque toutefois que « le fait que la Torah dise que c’est comestible semble indiquer qu’il puisse s’agir de la nourriture du futur ».
« Qui l’eut crû ? », s’amuse-t-il.
En attendant le certificat, Dror Tamir a décidé d’enrichir la gamme en proposant du miel avec le bocal de sauterelles.
« Selon le Nouveau Testament, Jean le Baptiste avait pour habitude de manger des sauterelles avec du miel. »
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