Environnement: Le nouveau gouvernement sommé de stopper les accords « dangereux »
Les activistes mettent en garde contre une catastrophe à venir face au pétrole actuellement déchargé près des coraux d'Eilat avant d'être transporté par voie terrestre à Ashkelon
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Sans temps à perdre, huit des plus importantes organisations environnementales ont écrit lundi au nouveau Premier ministre Naftali Bennett et à plusieurs ministres, réclamant l’annulation immédiate d’un accord secret – et impopulaire – qui prévoit le transit du pétrole en provenance du Golfe et à destination de l’Europe via Israël.
Ce protocole d’accord avait été signé entre l’entreprise publique EAPC (ex-Eilat-Ashkelon Pipeline Co.) et une entreprise mixte israélo-émiratie, MED-RED Land Bridge.
Il y a déjà une augmentation du nombre de pétroliers jetant l’amarre à Eilat et déchargeant de l’or noir, qui est alors transporté par pipeline jusqu’à Ashkelon, sur la côte méditerranéenne, dans le sud d’Israël, avant d’être rechargé à bord de navires.
« L’accord a d’ores et déjà été mis en vigueur et l’EAPC, qui est une entreprise gouvernementale à toutes fins utiles, l’exploite aujourd’hui en se conformant à ses dispositions », note la missive.
« Et elle l’exploite en dépit du fait qu’il n’y a jamais eu de discussion, au cabinet, au sujet de cet accord dangereux – et qu’il n’y a très certainement jamais eu d’approbation gouvernementale qui aurait permis l’entrée en vigueur de l’accord comme l’exige la Section 11 (9A) de la loi sur les entreprises publiques de 1975. »
« Inutile de dire », continue le courrier, « que cet accord expose tout le Golfe d’Eilat et d’Aqaba, les rives du Sinaï et les coraux qui s’y trouvent à un péril immense. Fuites de pétrole, dysfonctionnements ou sabotage, ces dangers ne sont qu’une question de temps ».
L’Autorité israélienne chargée de la nature et des parcs, le ministère de la Protection de l’environnement, un forum regroupant une vingtaine d’organisations environnementales et un grand nombre de scientifiques et d’habitants d’Eilat s’opposent à l’accord, compte tenu du mauvais bilan environnemental de l’EAPC et de ses nombreuses fuites passées et de l’importance cruciale des récifs coralliens d’Eilat non seulement pour les secteurs du tourisme et de l’emploi de la ville, mais aussi à l’échelle mondiale. L’EAPC a été responsable, il y a six ans, de la plus grande catastrophe environnementale de l’histoire d’Israël.
Les coraux d’Eilat s’avèrent être inhabituellement résilients face au changement climatique et ils pourraient être utilisés pour régénérer d’autres barrières de corail moins résistantes ailleurs dans le monde.
Les opposants ont également attiré l’attention sur les dangers qu’une marée noire au port de l’EAPC d’Ashkelon pourrait faire courir aux installations de dessalement du pays, principale source d’eau potable d’Israël, ainsi que sur les risques d’émission de polluants cancérigènes dans l’air lors du chargement et du déchargement du pétrole brut.
L’ex-ministre de la Protection environnementale Gila Gamliel avait essayé de faire comprendre les implications environnementales de l’accord au gouvernement, en vain.
Au début du mois, Gamliel avait appelé le Conseil de sécurité nationale et le bureau du Premier ministre à abroger l’accord, disant que « le feu clignote déjà au rouge et le gouvernement doit agir de manière anticipée pour empêcher la catastrophe qui s’annonce, et ne pas se contenter de s’interroger rétrospectivement sur ce qui aurait dû être fait ».
Dans une lettre adressée à Meir Ben-Shabbat, chef du Conseil national de sécurité, elle avait expliqué qu’ « il est impossible qu’il n’y ait pas une discussion sérieuse du gouvernement sur un sujet aussi important, dont l’impact pourrait être désastreux. L’accord a été signé sans que nous n’ayons eu le droit d’en lire l’ébauche et sans consultation préalable à la signature du ministère de la Protection environnementale ».
Gamliel avait attiré l’attention sur le risque représenté par l’amarrage d’un si grand nombre de pétroliers dans les ports israéliens, évoquant les dégâts entraînés lorsqu’un navire transportant des hydrocarbures avait été frappé par une roquette du Hamas à Ashkelon au cours du conflit qui a opposé, le mois dernier, Israël et les groupes terroristes de la bande de Gaza.
إصابة مباشرة لخطط أنابيب إيلات – عسقلان
للتفاصيل: https://t.co/IocsRSvJmI pic.twitter.com/ebXk39HpSm— موقع عرب 48 (@arab48website) May 11, 2021
Même le ministère des Finances – dont dépend l’EAPC – avait fait savoir qu’il n’avait eu vent d’aucun détail concernant l’accord.
Le Conseil de sécurité national avait répondu qu’il s’attaquerait aux problèmes sécuritaires et diplomatiques s’ils devaient se poser et avait renvoyé Gamliel auprès de Lior Farber, directeur-adjoint du bureau du Premier ministre.
Le directeur du bureau du Premier ministre, Tzachi Braverman, avait alors répondu que son bureau ne disposait pas de l’autorité nécessaire pour s’immiscer dans les activités commerciales de l’EAPC et il avait suggéré à Gamliel d’entrer en contact avec le ministère des Finances, ajoutant que les dispositions de la Loi sur les entreprises publiques prévoyaient qu’une intervention ne serait possible qu’après une décision prise par le cabinet – une décision qui devrait être approuvée par la commission des Finances de la Knesset.
Et finalement, une discussion à huis-clos via Zoom en présence de Ben Shabbat, Braverman, et de représentants des ministères des Finances, de l’Énergie et de l’Environnement avait été prévue au mois d’avril, selon les médias israéliens, avant d’être reportée peu avant qu’elle ne commence.
L’EAPC, de son côté, maintient que l’accord « entre dans le cadre du cours normal des activités de l’entreprise, et il n’y a pas de changement dans les activités prévues. C’est une activité de routine, comme l’entreprise les mène depuis des décennies et l’accord qui a été conclu n’est pas différent des centaines d’autres accords qui ont été signés dans le passé. L’EAPC possède les équipements les plus en pointe, pratique fréquemment des exercices de préparation, elle est prête à toutes les formes d’activités et elle est soumise aux normes internationales les plus strictes en ce qui concerne la maintenance de ses structures ».
Le quotidien Haaretz a fait savoir dimanche que la Commission nationale des infrastructures avait l’intention d’exempter l’EAPC d’une enquête d’impact environnemental concernant l’une de ses installations à Ashkelon.
Selon l’article, la cheffe de l’équipe environnementale de la Commission, la docteure Orit Nir, aurait déclaré que la firme s’était soumise à de multiples tests et autres études sur l’impact environnemental de son travail, au fil des années, ajoutant qu’elle avait présenté un rapport entier sur les effets écologiques de neuf nouveaux réservoirs d’hydrocarbures. Faisant écho à l’affirmation faite par la firme que l’accord conclu ne changeait nullement le cours de ses activités habituelles, elle a recommandé un examen des risques environnementaux marins exclusivement, le seul problème à n’avoir pas été étudié dans le rapport.
La nouvelle ministre de la Protection de l’environnement, Tamar Zandberg, a promis mardi d’utiliser son poste pour promouvoir les sources d’énergie renouvelables et faire entrer Israël dans une ère plus verte.
« La crise climatique est déjà là. Il nous reste seulement quelques années avant d’atteindre un point de non-retour », a déclaré Tamar Zandberg (Meretz), lors de la cérémonie officielle de passation de pouvoirs. « C’est maintenant ou jamais ».
Elle a assuré que le nouveau gouvernement s’est engagé à adopter une législation radicale sur le climat, et que « nous devons également mettre fin à la dépendance aux combustibles fossiles, y compris le gaz, et fixer des objectifs ambitieux pour la transition vers les énergies renouvelables », qui comprendraient au moins 40 % de sources d’énergie renouvelables pour Israël d’ici 2030 et zéro émission polluante d’ici 2050.