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Erdogan, une diplomatie hyperactive pour se remettre en selle

Le président turc a fait valoir son rôle dans la médiation entre la Russie et l'Ukraine à Biden et réclamé la levée des "sanctions injustes" qui pénalisent la défense de la Turquie

Le vice-président américain de l'époque Joe Biden, (à gauche), pose pour les photographes avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, (à droite), avant une rencontre au palais Yildiz Mabeyn à Istanbul, le 23 janvier 2016. (Kayhan Ozer/ Service de presse présidentiel, Pool via AP/File)
Le vice-président américain de l'époque Joe Biden, (à gauche), pose pour les photographes avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, (à droite), avant une rencontre au palais Yildiz Mabeyn à Istanbul, le 23 janvier 2016. (Kayhan Ozer/ Service de presse présidentiel, Pool via AP/File)

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a souligné jeudi le rôle de son pays dans la médiation entre la Russie et l’Ukraine, lors d’une conversation téléphonique de 45 minutes avec son homologue américain Joe Biden.

M. Erdogan a fait valoir à M. Biden qu’il était important pour Ankara de pouvoir parler aux deux parties et d’être un « facilitateur » dans la recherche d’une issue à la guerre, selon la présidence.

Le président américain a en retour dit sa « reconnaissance » à la Turquie pour ses « efforts visant à soutenir une résolution diplomatique du conflit », selon la Maison Blanche.

D’après le communiqué de la présidence turque, M. Erdogan a aussi profité de ce premier contact avec M. Biden depuis le début de la crise pour réclamer la levée des « sanctions injustes » qui pénalisent la défense de la Turquie, membre de l’Otan.

Ankara souhaite notamment acquérir 40 avions de combat F-16 ainsi que les pièces détachées nécessaires à la maintenance et modernisation des F-16 qu’elle possède déjà.

Ankara avait initialement commandé et versé 1,4 milliard de dollars pour une commande d’avions de combat furtifs F-35, jamais livrés.

L’ensemble du contrat avait été gelé par les Etats-Unis en 2019 après l’achat par la Turquie du système anti-missile russe S-400, perçu comme une menace pour le F-35.

Washington avait alors exclu la Turquie de ce programme militaire de pointe.

Un F-16 de l’aviation américaine lors de l’exercice international Blue Flag, à la base militaire d’Ovda, le 8 novembre 2017. (CréditJack Guez/AFP)

Selon la presse turque, M. Erdogan souhaite obtenir 40 avions de combat F16 et quelque 80 kits de modernisation de cet appareil vieillissant, dont l’armée turque possède déjà plus de 200 exemplaires.

Les deux chefs d’Etat ont discuté jeudi « des possibilités de renforcer les liens bilatéraux » turco-américains, a souligné la Maison Blanche.

Il s’agissait du premier échange entre MM. Biden et Erdogan depuis le début de la guerre le 24 février, au soir des premiers pourparlers directs entre les ministres des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et ukrainien Dmytro Kouleba, à Antalya (sud).

Les deux ministres ont échoué à conclure un cessez-le-feu tout en promettant de poursuivre le dialogue entre leurs deux pays.

Bien qu’alliée de l’Ukraine à laquelle elle fournit des drones de combat, Ankara a veillé à maintenir ses relations avec la Russie dont dépendent étroitement son secteur touristique et ses approvisionnements en blé et énergie.

Une diplomatie hyperactive pour se remettre en selle

Même sans résultat probant, la rencontre des ministres russe et ukrainien des Affaires étrangères sur son sol est de bon augure pour la Turquie, qui revient sur la scène internationale en multipliant les initiatives diplomatiques.

L’entretien entre Lavrov et Kuleba jeudi, le premier à ce niveau depuis le début de la guerre en Ukraine le 24 février, n’a débouché sur aucune avancée concrète, mais Ankara a parié qu’il en entraînerait d’autres.

Le ministre des Affaires étrangères russe Rr Sergey Lavrov pendant une conférence de presse durant la 76è session de l’Assemblée générale des Nations unies, le 25 septembre 2021. (Crédit : AP Photo/Mary Altaffer)

Outre le Forum diplomatique à Antalya, où s’est invité in extremis vendredi le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, le président turc Recep Tayyip Erdogan a reçu cette semaine son homologue israélien Isaac Herzog, mettant fin à une décennie de vives tensions entre les deux Etats, puis son allié azerbaïdjanais Ilham Aliev.

Il doit encore recevoir dimanche son voisin, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et, lundi, le chancelier allemand Olaf Scholz pour la première fois.

« La Turquie n’a pas été aussi proactive sur le plan diplomatique depuis les années 2000 », note Jana Jabbour, enseignante à Sciences Po, qui souligne qu’Ankara s’efforce depuis des mois d’apaiser ses relations avec d’autres puissances régionales comme l’Egypte, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis.

« La Turquie est de retour »

« Depuis 2020, la Turquie a pris acte de son isolement régional; son soutien aux Frères musulmans et aux groupes issus de l’islam politique, aujourd’hui en perte de vitesse, ainsi que sa politique étrangère agressive et interventionniste qui s’est traduite par un recours de plus en plus fréquent au +hard power+ (en Syrie, en Libye, au Nagorny-Karabakh) lui ont fait perdre ses amis et alliés », détaille la politologue.

Depuis le début de la crise en Ukraine, Ankara n’a ainsi eu de cesse de jouer les « facilitateurs » entre Kiev et Moscou, veillant à conserver de bonnes relations avec les deux capitales.

L’implication dans ce dossier de la Turquie – très dépendante du gaz et du blé de ses deux voisins en mer Noire – est « une manière de se réaffirmer comme membre de l’Otan, notamment après l’achat du système de missiles S-400 à la Russie », relève Sümbül Kaya, de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (Irsem) à Paris.

Ankara s’était aussi impliqué activement dans la gestion de l’aéroport de Kaboul après l’arrivée au pouvoir des talibans en août, un autre dossier qui a permis de « repositionner la Turquie sur son rôle d’acteur régional », estime la chercheuse.

« La Turquie est de retour dans le débat transatlantique. Elle redevient un partenaire possible en matière de sécurité, et ce malgré l’ambivalence d’Erdogan », abonde Asli Aydintasbas, chercheuse au Conseil européen des relations internationales (ECFR).

Présent au forum d’Antalya, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a jugé samedi qu’Ankara avait « un rôle très important à jouer (…) avec la guerre en Ukraine ».

« La Turquie peut devenir un pays beaucoup plus influent, c’est pourquoi nous devons renforcer nos liens », a-t-il dit après avoir rappelé les tensions qui ont opposé Ankara et Bruxelles jusqu’à récemment.

Besoin de capitaux

Au Moyen-Orient, l’activisme diplomatique d’Ankara, qui cherche à apaiser ses relations avec les Emirats arabes unis, Israël et l’Arabie saoudite notamment, trahit aussi son besoin de capitaux étrangers, souligne les experts.

D’autant que la guerre en Ukraine pourrait fragiliser davantage son économie, déjà mise à mal par la chute de la livre turque et l’hyperinflation qu’elle a entraînée.

« C’est sans doute la situation économique qui a conduit à renouer le dialogue » avec ces pays, estime Sümbül Kaya.

« La Turquie se lie d’amitié avec tout le monde en ce moment (…) Erdogan espère récolter des dollars pour couvrir le déficit croissant du compte courant, creusé par des importations énergétiques et alimentaires toujours plus coûteuses », a également relevé sur Twitter l’économiste Timothy Ash, spécialiste de la Turquie.

Ces efforts de normalisation – et ceux conduits sur le dossier ukrainien – ne suffisent toutefois pas pour l’heure à redorer le blason turc auprès des Occidentaux, juge Jana Jabbour.

« Tant que le pouvoir turc continuera d’être incarné par le président Erdogan, qui est perçu par les chancelleries occidentales comme un leader autoritaire, agressif et imprévisible, il serait irréaliste de s’attendre à un apaisement des relations turco-européennes et à une amélioration de l’image de la Turquie en Occident », affirme-t-elle.

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