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Espion militaire, option russe ou arabe

L'armée française forme à Strasbourg ses linguistes d'écoute, qui seront déployés au Sahel ou au Moyen Orient, au gré des intérêts de la France

Le Quartier Stirn à Strasbourg, boulevard Clémenceau. Illustration. (Crédit : Niko67000/CC BY-SA 4.0/WikiCommons)
Le Quartier Stirn à Strasbourg, boulevard Clémenceau. Illustration. (Crédit : Niko67000/CC BY-SA 4.0/WikiCommons)

Postés devant un ordinateur, le casque sur les oreilles, vingt élèves « espions » en treillis répètent méthodiquement leurs premiers mots d’arabe, dans le confort d’une salle de classe. Leur mission : maîtriser la langue en 24 mois avant de partir sur le terrain.

Ils seront envoyés quelque part au Sahel ou Moyen Orient, au gré des opérations de l’armée française, pour écouter l’ennemi et percer ses secrets. Ils officieront alors comme linguistes d’écoute, pour décrypter des conversations, aider à localiser des cibles, déjouer des embuscades, prévenir des attentats.

Pour l’heure, Pierre-Antoine, Catherine et leurs camarades de promotion s’initient au Centre de formation interarmées au renseignement (CFIAR) de Strasbourg, le saint des saints du « rens ».

Ici, le parcours du combattant exige d’apprendre à marche forcée une nouvelle langue de travail – l’arabe et le russe en 24 mois, le chinois en 36 mois. « Ce qui est séduisant, c’est d’apprendre des langues rares très rapidement et de savoir qu’on aura ensuite des responsabilités, un rôle clé dans la chaîne de renseignement », s’enthousiasme Catherine, 22 ans.

Un soldat de la division C4I de l'armée israélienne devant un ordinateur. Illustration. (Crédit : unité des porte-paroles de l'armée israélienne)
Un soldat de la division C4I de l’armée israélienne devant un ordinateur. Illustration. (Crédit : unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

Six heures par jour – sans compter le travail personnel le soir et le weekend – les jeunes sous-officiers découvrent sonorités, grammaire, dialectes.

D’ici à quelques mois, ils partiront en immersion linguistique, quelque part du côté de l’Estonie, de l’Egypte ou du Tadjikistan.

Ecouter du russe, pas des Russes

« Pour l’heure, on apprend à l’écoute, sous le casque, en répétant les mots. Les stagiaires ont juste le son et la traduction en français. On verra les règles d’écriture plus tard », explique leur enseignante.

Dans ce monde très feutré, noms de famille, parcours personnels et jusqu’aux langues étudiées restent confidentiels pour les rares visiteurs autorisés à franchir la porte du quartier Stirn, une imposante bâtisse militaire du 19e siècle.

« Dans les années 90, l’Ecole a formé des bataillons de linguistes en serbo-croate ou albanais. Le centre de gravité s’est déplacé vers d’autres théâtres », observe le chef de la formation et numéro deux du Centre, le lieutenant-colonel Gilles.

« On est dans l’anticipation. Il faut garder des capacités à moyen terme », souligne le chef du CFIAR, le colonel Emmanuel.

Un terroriste de l'État islamique brandissant le drapeau de l'organisation djihadiste. Illustration. (Crédit : Alatele fr/CC BY-SA/Flickr)
Un terroriste de l’État islamique brandissant le drapeau de l’organisation djihadiste. Illustration. (Crédit : Alatele fr/CC BY-SA/Flickr)

Dans le nouveau paysage géopolitique, l’arabe tient sans conteste la vedette. Le russe ne démérite pas : la page de la Guerre froide est a priori tournée mais depuis 2014, la Russie opère un retour en force spectaculaire en Méditerranée et aux portes de l’UE. Et les filières jihadistes recrutent de nombreux russophones venus du Caucase et d’Asie centrale.

« Ce n’est pas parce qu’on écoute du russe qu »on écoute des Russes », relève le lieutenant-colonel Gilles.

Sara, Marie et Barbara achèvent tout juste leur cursus dans une langue rare qu’elles ne dévoileront pas. « On a commencé toutes les trois du niveau zéro. Maintenant on est au niveau pratiquement courant », résume Barbara, 24 ans, une ancienne élève de classe prépa recrutée par l’armée de l’Air.

‘Un état d’esprit’

Le métier a profondément changé depuis la chute de l’URSS. « Avant tout était plus simple. En face on avait des armées, on suivait des déplacements de troupes. Avec 400 ou 500 mots, on faisait parfaitement notre travail. Aujourd’hui on peut multiplier ce nombre par dix », raconte le major Alain qui a fait ses premières armes d’arabophone pendant la Guerre du Golfe en 1991.

Tout se passe désormais sur des réseaux satellitaires où les conversations les plus anodines peuvent receler des informations précieuses sur la préparation d’un drone armé ou la pose d’une mine.

Autrefois à l’abri d’une station d’écoute, le linguiste d’écoute est désormais en première ligne. « Quand le type parle dans un Motorola, ça émet sur une très courte distance, vous ne pouvez pas être loin », esquisse un officier supérieur.

La cartographie adverse devient plus complexe. « Sur un même théâtre vous pouvez avoir des gens de nationalités différentes qui parlent chacun leur dialecte », note le lieutenant Mehdi.

Du fait de la sensibilité des informations traitées et des risques d’infiltration, recruter un linguiste d’origine étrangère n’est pas aisé, « il faut étudier sa ‘vulnérabilité’, les risques liés à son environnement », explique pudiquement le patron du CFIAR.

Et il faut avoir la vocation. « Linguiste d’écoute, c’est un état d’esprit, dit-il. Dans le monde du renseignement, il faut savoir dire ‘je ne sais pas’. Et la réponse qui vient juste après c’est ‘mais je vais trouver’. »

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