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Évacuation de 17 médecins américains bloqués à Gaza

Les médecins ont quitté la bande via Kerem Shalom après avoir travaillé dans l'un des hôpitaux encore ouverts sur le territoire palestinien ; plusieurs autres ont choisi de rester

le docteur Ammar Ghanem, spécialiste des soins intensifs et bénévole dans un hôpital de Gaza, à côté d'un patient à Khan Younès, le 9 mai 2024. (Crédit : AP)
le docteur Ammar Ghanem, spécialiste des soins intensifs et bénévole dans un hôpital de Gaza, à côté d'un patient à Khan Younès, le 9 mai 2024. (Crédit : AP)

Les États-Unis ont procédé vendredi à l’évacuation de 17 médecins américains qui étaient bloqués à Gaza depuis qu’Israël a pris le contrôle du côté palestinien du poste-frontière de Rafah, qui sépare la bande de l’Égypte, au début du mois, ont fait savoir des sources officielles américaines.

Les diplomates américains ont organisé le départ des médecins par le poste-frontière de Kerem Shalom, entre l’enclave et Israël.

« Certains des médecins, des citoyens américains qui étaient bloqués à Gaza, sont dorénavant partis et ils ont été mis en sécurité avec l’aide de l’ambassade américaine à Jérusalem », a commenté un porte-parole du département d’État.

« Nous sommes en contact étroit avec les groupes auxquels appartiennent ces médecins américains et nous sommes aussi en contact avec les familles de ces ressortissants des États-Unis », a-t-il ajouté.

Au moins 14 médecins issus d’une délégation constituée de 35 spécialistes bénévoles venus du monde entier, dont trois Américains, ont, pour leur part, choisi de rester – malgré l’incertitude qui plane sur le moment où ils auront l’occasion de partir, a fait savoir la Palestinian American Medical Association. L’organisation à but non-lucratif dont le siège est aux États-Unis, FAJR Scientific, qui a envoyé une deuxième équipe de volontaires, n’avait pas répondu à notre demande de réaction au moment de l’écriture de cet article.

Le poste-frontière de Rafah était, pendant la guerre, la principale porte d’entrée des aides humanitaires et des personnes pénétrant dans la bande de Gaza. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré qu’il ne tenait qu’à l’Égypte de le rouvrir.

Un tank avec un drapeau israélien entre du côté gazaoui de la frontière avec Gaza à Rafah, le 7 mai 2024. (Crédit : Armée israélienne via AP)

De son côté, Le Caire a accusé Jérusalem de ne pas souhaiter assumer ses responsabilités dans la crise humanitaire difficile qui touche actuellement la bande, notant que les chauffeurs des camions d’assistance et les travailleurs des ONG ne se sentent pas en sécurité lorsqu’ils traversent un checkpoint israélien.

Les médecins étaient venus aider l’un des quelques hôpitaux accueillant encore des patients, dans la bande. Ils étaient arrivés avec des valises remplies de matériel médical, et ils avaient, pour la plupart, déjà travaillé dans des zones de guerre. Ils savaient que le système de soins avait explosé, qu’il était surchargé. Ils savaient qu’ils allaient apporter du renfort et du soutien à des médecins et à des infirmiers épuisés après sept mois de prise en charge incessante de blessés dans le cadre de la guerre qui déchire actuellement Gaza, une guerre qui avait éclaté au lendemain du massacre commis par le Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre.

« Je ne m’attendais pas à ce que cela soit comme ça », commente le docteur Ammar Ghanem, médecin spécialiste en soins intensifs originaire de Detroit et membre de la Syrian American Medical Society. « Bien sûr, on entend les informations mais on ne peut pas réellement se rendre compte… combien tout va mal avant de venir et de le constater de visu ».

Les équipes s’étaient retrouvées piégées au-delà de leur mission prévue de quinze jours, en raison du lancement, par Israël, de sa « mission localisée » à Rafah, une ville surpeuplée du sud de la bande, le 6 mai.

Ghanem est parti avec les autres médecins – et il raconte que le voyage de huit kilomètres entre l’hôpital et le poste-frontière de Kerem Shalom a pris plus de quatre heures, ralenti par les explosions qui retentissaient autour de leur véhicule. Il évoque aussi des moments de tension, comme lorsqu’un char de Tsahal, au poste-frontière, a apparemment visé le convoi qui transportait les praticiens.

Le docteur Ammar Ghanem, spécialiste des soins intensifs de Detroit, venu bénévolement par le biais de l’association Syrian American Medical Society dans l’un des hôpitaux encore ouverts de Gaza, deuxième à droite, à Khan Younès, à Gaza, avec un médecin palestinien et deux docteurs américains bénévoles à l’hôpital européen, le 7 mai 2024. (Crédit : AP)

« Le tank a avancé, il nous a bloqué le chemin et il braqué son canon sur nous. Cela a été un moment effrayant », raconte Ghanem.

Parmi les 14 médecins appartenant à la Palestinian American Medical Association qui sont restés à Gaza, le docteur Adam Hamawy. La sénatrice Tammy Duckworth a affirmé que Hamawy lui avait sauvé la vie quand, alors qu’elle était pilote d’un hélicoptère militaire en Irak, en 2004, elle avait été frappée par un RPG, entraînant des blessures qui lui avaient coûté ses deux jambes.

Les deux équipes internationales sont arrivées, début mai, à l’hôpital général européen, aux abords de Rafah – le plus grand hôpital à encore recevoir des patients dans le sud de Gaza. Les bénévoles sont majoritairement américains mais ils incluent aussi des professionnels de la médecine originaires de la Grande-Bretagne, de l’Australie, de l’Égypte, de la Jordanie, d’Oman et d’autres nations.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a précisé que les Nations unies, qui coordonnent les arrivées de bénévoles, discutaient actuellement avec Israël de la reprise des déplacements des travailleurs humanitaires à Gaza et dans les pays avoisinants. Contactée, l’armée israélienne a refusé tout commentaire sur le sujet.

Presque une vingtaine d’hôpitaux, à Gaza, ont fermé leurs portes. Les hôpitaux encore ouverts – ils sont une dizaine – n’assurent que partiellement leurs services.

Le docteur Ammar Ghanem, spécialiste des soins intensifs de Detroit, venu bénévolement par le biais de l’association Syrian American Medical Society, troisième à droite, pose avec une équipe locale d’infirmiers et autres employés du service des soins tensifs à l’hôpital général européen de Gaza, à Khan Younès, le 6 mai 2024. (Crédit : AP)

La guerre, à Gaza, avait été déclenchée par le massacre commis, le 7 octobre, par le Hamas dans le sud d’Israël. Ce jour-là, environ 3 000 terroristes avaient franchi la frontière par voie aérienne, par voie maritime et par voie terrestre, tuant près de 1 200 personnes et kidnappant 252 personnes, des civils en majorité, prises en otage dans la bande de Gaza. Les hommes armés s’étaient livrés à des atrocités et ils avaient notamment commis des violences sexuelles à grande échelle.

Jurant de détruire le Hamas et d’obtenir la libération des otages, l’État juif a lancé une campagne militaire à grande échelle qui a tué plus de 35 000 Palestiniens et fait plus de 79 000 blessés, selon les responsables de la santé au sein de la bande. Presque 500 travailleurs humanitaires auraient perdu la vie.

Les chiffres émis par le ministère de la Santé, placé sous l’autorité du Hamas à Gaza, sont invérifiables et ils comprendraient à la fois les civils et les membres du Hamas qui ont été tués dans le cadre de l’offensive israélienne. Environ 15 000 hommes armés auraient été abattus par les soldats dans l’enclave côtière, affirment les responsables israéliens.

Israël dit aussi avoir tué environ un millier d’hommes armés sur le sol israélien, le 7 octobre.

280 soldats israéliens sont tombés au champ d’honneur au cours de l’incursion terrestre à Gaza ou dans les opérations menées à la frontière avec l’enclave.

Une grande partie des employés de l’hôpital Européen sont partis pour aider les familles qui fuient Rafah et qui tentent de trouver un nouvel asile. Les bénévoles étrangers sont en charge des urgences médicales mais ils doivent aussi assumer d’autres missions – comme tenter de localiser les patients à l’intérieur de l’établissement hospitalier. Il n’y a plus d’employés pour répartir les blessés dans les chambres, et les médicaments apportés par les équipes commencent à s’épuiser pour la plupart.

Des Palestiniens déplacés avec des jerricanes d’eau dans un camp temporaire à Rafah, le 17 mai 2024. (Crédit : AFP)

Des milliers de Palestiniens ont trouvé un refuge à l’hôpital. A l’extérieur, les eaux usées s’écoulent dans les rues et l’eau potable est saumâtre ou polluée, transmettant des maladies. La route qui mène à l’hôpital, depuis Rafah, est dorénavant considérée comme dangereuse : les Nations unies affirment qu’un char israélien a ouvert le feu sur un véhicule de l’ONU qui circulait, lundi dernier, entraînant la mort d’un agent de sécurité et faisant un blessé.

Quand l’attaque a commencé à Rafah, les 17 médecins de l’équipe envoyée par FAJR Scientific vivaient dans une chambre d’hôtes située dans la ville. Sans aucune mise en garde de l’armée israélienne les sommant d’évacuer, l’équipe a été stupéfaite de voir des bombes atterrir à seulement quelques centaines de mètres de cette maison pourtant clairement identifiable, explique le directeur-général de l’organisation FAJR, Mosab Nasser.

Les médecins ont quitté les lieux, portant encore leur blouse, et ils se sont installés à l’hôpital européen où l’autre équipe séjournait déjà.

Le docteur Mohamed Tahir, chirurgien orthopédiste originaire de Londres et appartenant à l’équipe de l’ONG FARJ, dit procéder à de multiples interventions chirurgicales tous les jours – ajoutant qu’il dort peu. Il est souvent réveillé par les bombardements. Le travail est incessant. Il se rappelle avoir ouvert la poitrine d’un homme pour arrêter une hémorragie, sans avoir eu le temps de l’emmener en salle d’opération. L’individu n’a pas survécu.

Tahir déclare que lorsque l’incursion a été lancée à Rafah, ses collègues palestiniens, à l’hôpital, lui ont nerveusement demandé si les bénévoles allaient partir.

« Cela me donne le cœur vraiment lourd », déclare Tahir. Les personnels palestiniens savent que lorsque les équipes ne seront plus là, « ils n’auront plus de protection et cela pourrait signifier que cet hôpital soit un nouveau Shifa, ce qui est une possibilité réelle ». Les troupes de Tsahal avaient lancé un deuxième raid au sein de l’hôpital Shifa, le plus important de toute la bande de Gaza, au mois de mars, tuant et plaçant en détention un grand nombre de terroristes présumés. Israël affirme que le Hamas utilise les hôpitaux comme centres de commandement et pour se cacher, une accusation démentie par les responsables de la santé à Gaza. Mais le ministère de la Santé, au sein de l’enclave côtière, est placé sous l’autorité du Hamas.

Des Palestiniens inspectent les dégâts autour de l’hôpital al-Shifa de Gaza après le retrait de l’armée israélienne du complexe abritant l’hôpital après deux semaines de combat contre des groupes terroristes, le 1er avril 2024. (Crédit : AFP)

Ce sont les patients dont il a sauvé la vie qui permettent à Tahir de continuer. Lui et d’autres chirurgiens ont opéré pendant des heures un homme qui était grièvement blessé au crâne, à l’abdomen et qui avait des éclats d’obus dans le dos. Une nouvelle intervention chirurgicale a encore eu lieu mercredi soir.

« J’ai regardé mes collègues et je leur ai dit : ‘Vous savez quoi ? Si ce patient survit – seulement lui – tout ce que nous avons fait ou tout ce que nous avons vécu en aura valu la peine’, » raconte le médecin.

La docteure Ahlia Kattan, anesthésiste qui travaille dans une unité de soins intensifs de Californie et qui est venue par le biais de l’organisation FAJR, explique que le cas qui a été le plus dur pour elle a été celui d’un enfant de quatre ans – son fils a le même âge – arrivé brûlé sur plus de 75% du corps, ses poumons et sa rate complètement détruits. Elle n’a pas pu le sauver.

« Il m’a tellement rappelé mon fils », s’exclame-t-elle en retenant ses larmes.

« Tout le monde, ici, a des histoires différentes à remporter avec lui », ajoute-t-elle.

Et ce qui pèse le plus lourd sur les épaules des bénévoles, continue Kattan, c’est « la culpabilité que nous ressentons quand nous partons, quand nous pouvons retrouver, pour notre part, la sécurité ».

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