Israël en guerre - Jour 497

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Évoquant l’après-guerre à Gaza, Blinken fustige la stratégie d’Israël et son rejet de l’AP

Dans un long discours, le haut diplomate américain sortant a estimé que le Hamas a recruté autant de membres qu'il en a perdu et il a critiqué le refus d'Israël d'inclure Ramallah dans le plan du "jour d'après"

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le Secrétaire d'Etat américain Antony Blinken s'exprimant à l'Atlantic Council de Washington, le 14 janvier 2025. (Crédit : Andrew Caballero-Reynolds/AFP)
Le Secrétaire d'Etat américain Antony Blinken s'exprimant à l'Atlantic Council de Washington, le 14 janvier 2025. (Crédit : Andrew Caballero-Reynolds/AFP)

Une semaine avant la fin de son mandat à la tête du département d’État américain, Antony Blinken a évoqué la vision de l’administration américaine sortante de Joe Biden pour la bande de Gaza dans l’après-guerre. Il a affirmé qu’elle devait inclure un rôle substantiel pour l’Autorité palestinienne, une idée à laquelle le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu s’oppose avec véhémence.

Dans un long discours prononcé devant l’Atlantic Council – une allocution qui a été l’occasion d’aborder en particulier de nombreux aspects de la guerre et la situation générale au Moyen-Orient – Blinken a longuement critiqué la stratégie mise en place par Israël dans le cadre du conflit, mettant l’accent sur son refus d’élaborer un plan qui permettra de remplacer le groupe terroriste du Hamas, à la tête de Gaza. Un groupe terroristes qui, selon lui, aura finalement recruté autant d’hommes armés qu’il a pu en perdre au cours des 15 derniers mois.

Le secrétaire d’État américain Blinken a précisé que l’administration sortante remettrait sa proposition de feuille de route à l’équipe du président élu Donald Trump, de manière à ce qu’elle soit en mesure de la reprendre si un accord de cessez-le-feu doit être conclu – Israël et le Hamas semblant être sur le point de parvenir à le finaliser.

Blinken a indiqué qu’il envisageait, pour sa part, que l’Autorité palestinienne puisse solliciter l’aide de partenaires internationaux qui l’assisteront lors de la mise en place d’une administration intérimaire qui sera responsable des principaux secteurs civils à Gaza -les banques, l’eau, l’énergie, la santé et la coordination civile avec Israël – et qui seront à même de pouvoir participer à la gérer.

Il a ajouté que la communauté internationale fournirait des fonds, un soutien technique et une supervision à cette administration intérimaire à Gaza, sans préciser qui financerait exactement l’ensemble de ces initiatives.

Il a déclaré que la commission intérimaire serait constituée en consultation avec les communautés de Gaza et qu’elle devra inclure des représentants de la bande de Gaza ainsi que des représentants de l’Autorité palestinienne.

Elle travaillerait en étroite collaboration avec un haut responsable des Nations unies qui serait nommé pour superviser les efforts internationaux de reconstruction à Gaza. La commission temporaire serait ensuite remplacée par une Autorité palestinienne réformée « dès que cela sera possible ».

Une mission de sécurité, temporaire elle aussi, serait composée de troupes provenant de pays alliés des États-Unis, employant également des Palestiniens. Elle serait chargée d’assurer l’approvisionnement en aides humanitaires ainsi que la sécurité aux frontières et la prévention des trafics, a noté le secrétaire d’État.

Il a révélé que certains alliés des États-Unis avaient déjà exprimé leur volonté de déléguer des membres de leurs propres forces de sécurité au sein de cette mission intérimaire – mais qu’ils avaient toutefois conditionné ce soutien à l’acceptation, par Israël, d’une éventuelle réunification à long-terme de la Cisjordanie et de Gaza sous la direction d’une Autorité palestinienne réformée et dans le cadre d’une solution à deux États. Un cadre qui a été rejeté à maintes reprises par Netanyahu.

Benjamin Netanyahu et Mahmoud Abbas – 15 septembre 2010 (Crédit : Kobi Gideon/Flash 90)

Selon Blinken, le plan envisagé par les États-Unis prévoit également que Washington mette en place une nouvelle initiative dont l’objectif sera de former, d’équiper et de contrôler des forces de sécurité placées sous la direction de l’Autorité palestinienne pour Gaza. Ces unités prendraient ensuite progressivement la charge des activités menées par la mission intérimaire.

Ces différents cadres pour la gouvernance, la reconstruction et la sécurité de Gaza seraient inscrits dans une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

Le discours de Blinken a fait l’objet d’une controverse au sein de l’administration Biden – certains estimant qu’il sera exploité par Netanyahu à des fins politiques.

D’autres ont affirmé qu’il pourrait même nuire aux négociations sur les otages. Un autre haut-responsable américain a déclaré au Times of Israel que la décision de dévoiler le plan de cette manière diminuait la probabilité qu’il soit adopté par la future administration Trump, qui souhaite en grande partie éviter de poursuivre les initiatives entreprises par l’équipe sortante.

Concernant les négociations actuellement en cours en vue d’un cessez-le-feu à Gaza – accord qui ouvrirait la porte à libération des otages en échange de la remise en liberté de prisonniers palestiniens incarcérés pour faits de terrorisme ou atteinte à la sécurité nationale – le secrétaire d’État a déclaré que les médiateurs américains, qataris et égyptiens avaient soumis une proposition finale à Israël et au Hamas dimanche, laissant entendre que le groupe terroriste n’avait pas donné de réponse.

« La balle est maintenant dans le camp du Hamas. Si le Hamas accepte, l’accord est prêt à être conclu et il est prêt à être mis en œuvre », a-t-il noté, indiquant qu’Israël avait déjà accepté la proposition – ce que même le bureau de Netanyahu n’a pas confirmé.

« Je pense que nous obtiendrons un cessez-le-feu », a-t-il ajouté. « Que nous y parvenions dans les derniers jours de notre mandat ou après le 20 janvier, l’accord sera très fidèle aux dispositions de l’accord qui avait été proposé par le président Biden au mois de mai dernier et auquel notre gouvernement a rallié le monde entier ».

Agitations anti-israéliennes

Le discours du secrétaire d’État a été interrompu à trois reprises au cours des quinze premières minutes de son allocution par des manifestants anti-israéliens qui l’ont accusé de faciliter un « génocide ».

« Vous serez connu à jamais sous le nom de « Bloody Blinken », le secrétaire d’État au génocide », a crié un premier manifestant avant d’être escorté à l’extérieur de la salle.

Un manifestant anti-israélien est évacué de la salle alors que le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’exprime à l’Atlantic Council à Washington, DC, le 14 janvier 2025. (Crédit : ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP)

Cinq minutes plus tard, un deuxième manifestant s’est écrié : « Vous êtes un criminel de guerre brutal ».

Blinken a conservé son calme, disant: « Je respecte votre point de vue. Permettez-moi de vous faire part du mien ». Il a ensuite repris la parole.

Blinken a déclaré que les responsables, aux États-Unis, avaient débattu « avec vigueur » de la réponse apportée par l’administration Biden à la guerre, faisant ainsi référence à une série de démissions d’employés du département d’État qui avaient critiqué la politique américaine mise en place, avec des livraisons d’armes et une couverture diplomatique en faveur de l’État juif.

D’autres avaient par ailleurs estimé que Washington empêchait Israël d’infliger des dommages plus importants à l’Iran et à ses proxies, a-t-il fait remarquer.

« Il est crucial de poser des questions telles que celles-ci, des questions qui seront encore examinées pendant de longues années », a-t-il noté. « J’aimerais pouvoir me tenir ici aujourd’hui, devant vous, et vous dire avec certitude que nous avons pris toutes les bonnes décisions. Je ne le peux pas ».

La recette d’une « guerre perpétuelle »

Blinken a critiqué la stratégie de guerre mise en place par Israël – affirmant que le refus opposé par Netanyahu à la proposition d’une alternative viable à la gouvernance du Hamas à Gaza, comme pourrait l’être une gouvernance de l’Autorité palestinienne, a obligé les soldats israéliens à retourner à plusieurs reprises dans des secteurs de la bande de Gaza qu’elles avaient précédemment débarrassés des hommes armés du groupe terroriste – qui étaient finalement parvenus à y faire leur retour.

« Cela fait longtemps que nous disons au gouvernement israélien que le Hamas ne pourra pas être vaincu par une simple campagne militaire et que sans une alternative claire, un plan post-conflit et un horizon politique crédible pour les Palestiniens, alors le Hamas, ou un autre groupe aussi dangereux, remportera la mise », a noté Blinken.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’exprime à l’Atlantic Council à Washington, DC, le 14 janvier 2025. (Crédit : ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP)

« C’est exactement ce qui s’est passé dans le nord de Gaza depuis le 7 octobre. Chaque fois qu’Israël termine ses opérations militaires et que les militaires se retirent, les terroristes du Hamas se regroupent et ils réapparaissent parce qu’il n’y a rien eu d’autre pour combler la vacance », a-t-il déclaré.

« Et en effet, nous estimons que le Hamas a recruté presque autant de nouveaux militants qu’il en a perdu », a révélé Blinken. « C’est là la recette d’une insurrection durable et d’une guerre perpétuelle ».

« Israël a poursuivi sa campagne offensive jusqu’à détruire les capacités militaires du Hamas et à tuer les chefs du groupe qui assumaient la responsabilité du 7 octobre, convaincu qu’une pression militaire continue était nécessaire pour amener le Hamas à accepter un cessez-le-feu et à rendre les otages en se pliant aux conditions d’Israël », a-t-il expliqué.

Il a ajouté que le Hamas a utilisé la souffrance des Palestiniens « comme une arme », « avec cynisme », et il a évoqué un article du Wall Street Journal qui disait révéler un message transmis aux pays-médiateurs dans le cadre de l’accord par feu le chef terroriste du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, message où ce dernier qualifiait la mort de civils palestiniens de « sacrifices nécessaires », affirmant que plus de Palestiniens innocents perdraient la vie dans le contexte du conflit, plus le Hamas saurait en tirer profit.

Blinken a critiqué le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne pour certaines politiques mises en place par les deux parties, ces dernières années.

« Les Israéliens doivent abandonner ce mythe d’une annexion de facto [de la Cisjordanie] qui serait possible sans prix à payer, sans conséquence pour la démocratie, pour la réputation et pour la sécurité d’Israël », a-t-il dit.

« Israël a élargi les implantations officielles et le pays a nationalisé des terres à un rythme sans précédent au cours de la dernière décennie, tout en fermant les yeux sur la croissance, sans précédent elle aussi, des avant-postes illégaux. Les attaques violentes commises par les partisans du mouvement pro-implantations à l’encontre des civils palestiniens ont atteint un niveau record », a-t-il déploré.

Blinken a déclaré que le rejet, par Israël, d’une arrivée de l’Autorité palestinienne à la tête de Gaza, avec l’acceptation d’une approche assortie d’un calendrier et de dispositions en faveur de l’établissement d’un État palestinien, auront finalement empêché d’autres acteurs internationaux de répondre à l’appel lancé par Israël s’agissant d’aider à la reconstruction de Gaza.

Il a reconnu que certains, en Israël, affirment que répondre à ces demandes s’apparenterait à une récompense pour le Hamas. Blinken a néanmoins fait remarquer que le Hamas était opposé à la solution à deux États préconisée par la communauté internationale, une solution qu’il avait tenté d’étouffer avec son pogrom commis dans le sud d’Israël, le 7 octobre.

Cette photo prise du côté israélien de la frontière avec la bande de Gaza montre des panaches de fumée s’élevant des explosions au-dessus des bâtiments détruits dans le nord de la bande de Gaza, le 13 janvier 2025. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)

« Le gouvernement israélien a systématiquement sapé les capacités et la légitimité de la seule alternative viable au Hamas, l’Autorité palestinienne », a déclaré Blinken, qui a rappelé qu’Israël retenait des centaines de millions de dollars de recettes fiscales palestiniennes qui appartiennent à l’Autorité palestinienne.

« Les Israéliens doivent décider de la relation qu’ils veulent entretenir avec les Palestiniens. Et cela ne peut pas être une illusion – celle que les Palestiniens accepteront d’être un non-peuple, sans droits nationaux. Sept millions de Juifs israéliens et quelque cinq millions de Palestiniens trouvent leurs racines dans la même terre. Ni les uns ni les autres ne vont aller nulle part, » a-t-il expliqué.

Concernant l’Autorité palestinienne, Blinken a dit qu’elle « a échoué à entreprendre des réformes qui s’imposaient depuis longtemps et ce, à plusieurs reprises » – avec notamment la lutte contre la corruption, la réduction d’une bureaucratie étouffante et des changements dans ses programmes d’aide sociale afin de mettre un terme aux allocations versées aux prisonniers de sécurité, avec des indemnisations qui augmentent en fonction de la gravité des attaques qu’ils ont pu commettre à l’encontre d’Israéliens.

Il a également reproché à l’Autorité palestinienne d’avoir refusé de condamner sans aucun équivoque le pogrom qui avait été perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023 – un refus qui, a-t-il affirmé, « ne fait que renforcer les doutes des Israéliens s’agissant des capacités des deux communautés à vivre un jour côte à côte, dans la paix, et à douter du fait que ce soit seulement possible ».

Examinant les répercussions dangereuses de la guerre à Gaza, Blinken a fait remarquer que « plus les gens souffrent, moins ils éprouvent d’empathie pour la souffrance de ceux qui se trouvent de l’autre côté ».

« Dans le monde arabe et musulman, une grande majorité de personnes pensent que le 7 octobre n’a pas eu lieu ou que, s’il a eu lieu, il s’agissait d’une attaque légitime contre l’armée israélienne », a-t-il indiqué, évoquant l’attaque meurtrière lancée par le groupe terroriste du Hamas, en 2023, qui a donné le coup d’envoi de la guerre.

Quelque 6 000 Gazaouis armés, dont 3 800 terroristes du Hamas avaient massacré plus de 1 200 personnes, des civils en large majorité, et avaient kidnappé 251 personnes qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza – commettant des atrocités et se livrant à des violences sexuelles à grande échelle. Des familles entières avaient trouvé la mort alors qu’elles étaient retranchées dans leurs habitations et des jeunes fêtards avaient été froidement abattus lors d’un festival de musique électronique.

« En Israël, il n’y a pratiquement aucun reportage sur les conditions de vie à Gaza et sur ce que les gens endurent chaque jour », a poursuivi Blinken. « Cette déshumanisation est l’une des plus grandes tragédies du conflit ».

Reuters a contribué à cet article.

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